Avec le motu proprio “Spiritus Domini”, promulgué le 11 janvier 2021, le pape François ouvre les ministères institués de la parole et de l’acolytat aux femmes. Qu’est-ce que cette nouvelle loi va modifier ? Doit-on s’attendre à de grands changements en France et dans le monde ? Quel message le pape veut-il transmettre ?
Qu’est-ce que le ministère du lectorat ? Et celui de l’acolytat ?
Le ministère du lectorat a une fonction précise « d’enseignement de la Parole », explique le Père Cédric Burgun, vice-doyen de la Faculté de droit canonique de l’Institut catholique de Paris. Il comprend notamment la fonction liturgique de proclamation de la Parole de Dieu (à l’exception de l’Évangile) et l’instruction en matière de foi des enfants et des adultes. L’acolyte est quant à lui institué pour servir de ministre au prêtre. Il lui revient donc de s’occuper du service de l’autel, d’aider le prêtre dans la liturgie, de distribuer la sainte communion (en tant que ministre extraordinaire) ou encore d’exposer, dans certains cas, le Saint Sacrement. Ces deux ministères institués par l’évêque représentent des engagements à vie et sont délivrés par un rite liturgique.
Jusqu’à présent, qui pouvait exercer ces ministères ?
Depuis 1972, à la suite de la promulgation du motu proprio “Ministeria quaedam” par le pape Paul VI, ces deux ministères qu’on appelle aussi “ordres mineurs” sont accessibles aux hommes laïcs. Toutefois, ils ont été très peu utilisés en pratique. « Nous n’avons quasiment pas l’expérience de ces ministères en France », estime Nathalie Becquart, consultrice pour le secrétariat général du synode des évêques. Elle souligne à cet égard que la plupart des acolytes et lecteurs en France étaient des séminaristes institués dans le cadre de leur parcours jusqu’à la prêtrise ; Paul VI considérant que l’acolytat et la lecture étaient une préparation à l’ordre sacré. Seuls quelques rares laïcs ont été institués.
Que change le motu proprio “Spiritus Domini” ?
Le lectorat et l’acolytat sont désormais accessibles aux femmes. Le Père Burgun met toutefois en garde contre la confusion qui peut être faite : « ce qui change c’est bien l’accès pour les femmes à un ministère institué », et donc permanent, de l’acolytat et de la lecture. « La pratique comme le droit permettaient déjà aux femmes de lire durant la messe ou de servir comme acolyte en vertu d’une députation temporaire », précise-t-il. C’est ainsi que cette disposition permet à bon nombre de femmes de proclamer la Parole de Dieu ou encore à certaines de présider une cérémonie de funérailles sans pour autant être instituées à vie.
Par cette nouvelle loi, « qui offre la possibilité d’un vrai changement pour les femmes, le pontife déconnecte les ministères institués et le cheminement vers le sacerdoce », poursuit le Père Burgun. Cette disposition « vise à permettre à ceux qui ont reçu ce ministère de mieux vivre une forme de collégialité entre hommes et femmes » et de développer une conscience renouvelée du peuple de Dieu.
À quels changements s’attendre en France ?
« Il s’agit d’observer comment cette nouvelle norme canonique va être reçue par le peuple de Dieu car le droit à recevoir un ministère se reçoit de l’autorité ecclésiale », rappelle le Père Burgun. Toute la question est selon lui de savoir comment les diocèses, et donc les évêques, vont se saisir de cette nouvelle possibilité.
Il fait à ce titre remarquer que l’Église en France s’est très peu emparée des ministères institués pour les hommes laïcs lorsque Paul VI a promulgué son motu proprio en 1972. Un manque d’engouement qui pourrait s’expliquer selon le canoniste par deux facteurs : d’une part, cette fonction suppose un engagement à vie pour le laïc ; d’autre part, des potentiels problèmes hiérarchiques avec le clergé ont pu être craints. On peut alors craindre que cette nouvelle loi ne parvienne pas à remettre en lumière ces ministères.
Outre une reconnaissance du rôle des femmes dans l’Église, « ce motu proprio est une manière de redécouvrir plus largement ce ministère laïc et pourra peut-être donner lieux à de nouvelles institutions permanentes » de laïcs en France, espère de son côté Nathalie Becquart. Elle cite le « cas d’école » de Thomas et Benjamin Pouzin, membres du groupe de louange Glorious, institués ministres de la Parole dans le diocèse de Lyon par le cardinal Philippe Barbarin. La religieuse imagine également que ces ministères permanents pourraient être élargis à d’autres types de missions aujourd’hui temporaires : les laïcs en mission, souvent nommés pour des mandats de plusieurs années au service d’un évêché, pourraient ainsi devenir des ministres institués.
Pour le canoniste, plus encore que d’encourager une multiplication des ministres institués, homme ou femme, le véritable enjeu de ce motu proprio consiste plutôt à rappeler que les diocèses sont appelés à inventer de nouveaux ministères. En temps de pandémie, il salue également avec intérêt le coup de projecteur du pontife argentin sur ces fonctions qui pourraient être vraiment utiles : « je trouve que c’est intéressant de disposer de personnes chargées d’exposer le Saint Sacrement pour des communautés qui ne peuvent pas se rassembler », déclare le Père Burgun.
Et dans le monde ?
Le texte stipule que ces ministères institués nécessitent un mandat de l’évêque et par conséquent celui-ci aura la charge de discerner ou non s’il souhaite en instaurer dans son diocèse. Le pape « François a un désir de décentralisation », résume Nathalie Becquart qui relève que la loi « permet mais n’impose pas ». Elle compare volontiers cette disposition à la création du diaconat permanent lors du Concile Vatican II : chaque diocèse a pu discerner s’il avait besoin ou non de diacres et bon nombre de diocèses n’en ont toujours pas. Ce sera donc à chaque communauté de déterminer, par la voix de son évêque, si elle a besoin d’acolytes et de lecteurs permanents.
Quelles sont les différentes étapes qui ont précédé ce motu proprio ?
« Cette publication ne tombe pas du Ciel mais s’inscrit dans le développement de la Doctrine », poursuit la religieuse. « Elle constitue une réponse aux recommandations effectuées par les Pères synodaux lors du synode sur l’Amazonie mais pas seulement », relève-t-elle. Elle note en effet que cette disposition avait déjà été demandée dans le document final du synode sur le peuple de Dieu, sous Benoît XVI, et avait été maintes fois évoquée durant le synode des jeunes. « Plus largement, il faut recevoir aussi ce texte dans la suite de Vatican II qui met en lumière la vocation baptismale ».
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