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L’art comme la religion appellent à la vie

la vocation de st mathieu caravage

La vocation de saint Matthieu, Caravage.

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Benoist de Sinety - publié le 20/12/20
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Privés de scène, les artistes ne peuvent plus exprimer leur vocation, et privés de culture, les Français manquent de nourriture spirituelle. Dans la quête du beau, les hommes d’art et de religion rendent ce service immense à leur prochain : ils le poussent vers le haut.“L’assomption du visible dans l’invisible” : en prononçant ces mots, Paul VI manifestait — et de quelle manière ! — la reconnaissance par l’Église pour les artistes.  En 1964, un pape s’adresse directement aux artistes : “À vous tous, maintenant, artistes, qui êtes épris de la beauté et qui travaillez pour elle : poètes et gens de lettres, peintres, sculpteurs, architectes, musiciens, hommes du théâtre et cinéastes… À vous tous l’Église du Concile dit par notre voix : si vous êtes les amis de l’art véritable, vous êtes nos amis ! L’Église a dès longtemps fait alliance avec vous. Vous avez édifié ses temples, célébré ses dogmes, enrichi sa liturgie. Vous l’avez aidée à traduire son divin message dans le langage des formes et des figures, à rendre saisissable le monde invisible.”

Une alliance féconde entre toutes

“Aujourd’hui comme hier, l’Église a besoin de vous et se tourne vers vous. Elle vous dit par notre voix : ne laissez pas se rompre une alliance féconde entre toutes ! Ne refusez pas de mettre votre talent au service de la vérité divine ! Ne fermez pas votre esprit aux souffles du Saint Esprit ! Ce monde dans lequel nous vivons a besoin de beauté pour ne pas sombrer dans la désespérance. La beauté, comme la vérité, c’est ce qui met la joie au cœur des hommes, ce fruit précieux qui résiste à l’usure du temps, qui unit les générations et les fait communier dans l’admiration. Et cela par vos mains…”



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Quarante-cinq ans plus tard, Benoît XVI renouvellera, à la lumière de la lettre aux artistes écrites par Jean-Paul II en 2000, le désir puissant de maintenir et développe cette alliance essentielle. En un temps où “augmentent les signes de résignation, d’agressivité, de désespoir”, il appelle les artistes à donner à l’homme une “secousse salutaire qui le fait sortir de lui-même, l’arrache à la résignation, au compromis avec le quotidien, le fait souffrir aussi, comme un dard qui blesse, mais précisément ainsi le réveille en lui ouvrant à nouveau les yeux du cœur et de l’esprit, en lui mettant des ailes, en le poussant vers le haut”.

En ces jours où nombre de chrétiens retrouveront la beauté des célébrations de Noël, et y communieront ensemble à l’Espérance de l’Amour invaincu, comment resterions-nous aveugles et sourds à la souffrance, notamment, de ceux, artistes, qui ne peuvent retrouver le lieu d’expression de leur art. Les musées, les théâtres, les cinémas, les opéras, les centres dramatiques, les bibliothèques : tout cela est fermé depuis des mois… Outres les situations dramatiques rencontrées par nombre d’entre eux, cela ne prive pas que les artistes. C’est nous tous qui nous privons de cette nourriture immatérielle qui nous nourrit au moins aussi sûrement que le fait de remplir nos réfrigérateurs. Cette nourriture spirituelle, pour peu que la recherche sincère de faire grandir l’homme soit exprimée, à force de manquer, risque de faire de nous des êtres déshumanisés. Nous faisant oublier que “l’art est, par nature, une sorte d’appel au Mystère” (Jean-Paul II, Lettre aux artistes, 10).

Tous appelés vers le haut

Que la prudence soit de mise, réjouissons-nous en. Mais que cette prudence ne concoure pas à faire de notre société davantage encore une sorte de troupeau informe d’individus consommant comme d’autres bêlent, sans autre préoccupation que de trouver toujours de nouveaux prés à brouter. Nous ne sommes pas créés pour consommer et nous abrutir devant des programmes indigents qui ne sont conçus que pour nous faire consommer plus encore ! Nous sommes faits pour relever la tête, regarder au plus haut et désirer aussi, désirer encore ! Dans cette quête, les hommes d’art et de religion rendent ce service immense à leur prochain de le mener au-delà de la facilité pour lui faire entrevoir le plus grand. Et susciter en lui cette émotion profonde qui le fait entreprendre et le pousse à avancer : la reconnaissance.

Ne nous y trompons pas, la défense de la liberté religieuse ne peut s’exempter de la défense des arts, de leur expression : afin que les artistes se sentent appelés et soutenus à travers la beauté de leurs œuvres, en toute liberté, à exprimer toujours mieux le mystère de Dieu et le mystère de l’homme. L’art comme la religion appellent à la vie. Et c’est de cet appel-là que nous avons aujourd’hui tant besoin !


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