La privation de messe peut nous aider à prendre conscience du sens profond de l’eucharistie. Toute la vie du chrétien est appelée à devenir eucharistie, et pas seulement le dimanche.La pandémie extrêmement contagieuse qui sévit dans le monde a obligé les pouvoirs publics à prendre des décisions restreignant un certain nombre de libertés fondamentales dont celle du culte. Ainsi, la liberté de se rassembler publiquement pour célébrer un culte, inscrite dans la loi française, sous réserve du respect de l’ordre public, a été temporairement suspendue, puis fortement restreinte. La difficulté pour les autorités était de mesurer la gravité de la situation, d’anticiper les évolutions, et de trouver la bonne proportionnalité des mesures à prendre. On peut regretter le peu de prise en compte, dans les discours, des droits des citoyens français d’avoir une religion et de la pratiquer : c’est révélateur d’une conception dévoyée de la laïcité. Plus de dialogue aurait permis un meilleur ajustement des mesures nécessaires et une meilleure compréhension de la part des fidèles.
L’eucharistie est un témoignage public
Dans cette épreuve et pour attester la nécessité de se rassembler autour de l’eucharistie dominicale, de nombreux articles ont été écrits sur la centralité de l’eucharistie dans la vie chrétienne ; on ne peut que se réjouir de ce travail d’approfondissement du sens de l’eucharistie, source et sommet de la vie chrétienne. De fait l’Église ne peut se passer de se rassembler pour célébrer l’eucharistie. Le mot Église, nous le savons, vient du verbe grec qui signifie « convoquer » ; les croyants sont convoqués par Dieu, rassemblés par Lui, pour écouter sa Parole et Lui rendre un culte public. La dimension publique du culte fait partie du témoignage que les chrétiens ont à rendre à Dieu dans la société : ils témoignent au cœur du monde que celui-ci ne se suffit pas à lui-même, et qu’il ne peut trouver son sens qu’en s’ouvrant à un au-delà de lui-même.
La célébration eucharistique est comme une anticipation du monde à venir et du banquet messianique, qui rassemblera l’humanité sauvée dans l’Amour du Père et du Fils et du Saint Esprit, et qui portera à son achèvement la communion fraternelle.
L’eucharistie, particulièrement celle célébrée le Jour du Seigneur, est le rendez-vous incontournable des chrétiens avec Dieu et entre eux. Elle rassemble les fidèles pour célébrer le mémorial du sacrifice du Christ, le culte par excellence rendu à Dieu pour sa gloire et le salut du monde. Célébré sous la présidence d’un prêtre, le sacrifice de l’Alliance nouvelle et éternelle constitue les fidèles en un seul Corps, l’Église, puisqu’ils ont part à l’Unique Corps du Christ livré pour nous. Dans l’eucharistie, c’est toute la création et l’activité humaine qui sont présentées à Dieu dans l’offrande du Christ ; Celui-ci, dans le sacrifice de la croix, récapitule en Lui toutes choses pour les sauver et les porter à leur accomplissement dans la Création nouvelle. La célébration eucharistique est comme une anticipation du monde à venir et du banquet messianique, qui rassemblera l’humanité sauvée dans l’Amour du Père et du Fils et du Saint Esprit, et qui portera à son achèvement la communion fraternelle. L’eucharistie dominicale devrait donner à voir quelque chose de cette humanité réconciliée en Dieu et vivant de la Charité divine. Ce qui est célébré dans les églises est à vivre dans le quotidien, à mettre en pratique en allant partager à tous la lumière et la charité divines reçues.
À la table de la Parole
Vivre de l’eucharistie, en effet, ne peut donc pas se réduire à une heure de présence dans une église, le dimanche. Toute la vie du chrétien est appelée à devenir eucharistie, action de grâce à Dieu le Père par Jésus-Christ dans l’Esprit saint. Tout est occasion de s’unir au sacrifice du Christ et de participer en Lui à la transformation du monde. L’envoi en mission, à la fin de la messe, rappelle à tous que ce qui a été vécu, durant la messe, est à poursuivre dans le concret de la vie.
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Il arrive que les fidèles ne puissent pas participer à l’eucharistie dominicale, pour des raisons de santé, pour des raisons d’absence de prêtre, ou d’autres raisons graves. Cependant, ils ne sont pas coupés du Christ, ni de la communauté, pour autant. Ils peuvent s’unir à l’eucharistie là où elle est célébrée, en méditant la Parole de Dieu, en exerçant leur sacerdoce baptismal par l’offrande d’eux-mêmes unie à celle du Christ sur la croix. Ils mangent le Pain de Vie à la table de la Parole en attendant de pouvoir le manger en communiant au Corps du Christ. Or nous qui affirmons, ces temps-ci, notre faim du Christ, nous ne savons pas nous nourrir du Pain de la Parole ; nous laissons beaucoup de miettes ; il arrive même que nous gaspillons ce Pain, en écoutant d’une oreille distraite. Cependant la Parole est à mâcher et à digérer pour qu’elle porte du fruit en nous. De même qu’il faut éviter de perdre une miette de l’hostie consacrée, de même il est bon de recueillir toutes les miettes de la Parole de Dieu.
Prendre part à la croix du Christ
Saint Jean ne relate pas le récit de l’institution de l’eucharistie dans son évangile, mais il décrit le geste du lavement des pieds, comme signe du don total que le Christ fait de Lui-même. Il nous indique ainsi la dimension eucharistique de l’humble service des frères. Se donner, s’abaisser pour le service des autres, à commencer par les plus fragiles, est une occasion de s’unir au don de soi du Christ sur la croix. Servir le frère, c’est servir le Christ, et communier à son amour livré. St Vincent de Paul, dans ses instructions aux filles de la Charité, leur disait ceci, lorsqu’elles étaient obligées d’aller porter des soins à des pauvres ou des malades à l’heure de l’oraison : « Ce n’est point quitter Dieu que quitter Dieu pour Dieu. »
Les circonstances nous conduisent à vivre des renoncements imprévus qui sont une manière de nous unir au sacrifice du Christ.
L’eucharistie nous rappelle que le but de notre vie chrétienne est l’union à Dieu qui passe par la participation au Mystère pascal du Christ. C’est la vérité de notre union à Dieu qui est en jeu et que nous devons rechercher, en acceptant de prendre notre part de la croix du Christ. Or celle-ci n’est jamais celle que nous attendons ; les circonstances nous conduisent à vivre des renoncements imprévus qui sont une manière de nous unir au sacrifice du Christ. La manière de vivre pleinement l’eucharistie ne se réduit donc pas à la participation à la messe dominicale. Il est à souhaiter que les épreuves actuelles nous donnent une prise de conscience renouvelée de l’eucharistie, sans omettre aucune des dimensions de ce plus grand des sacrements et en demandant la grâce de le vivre en vérité.
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