« Les jours heureux d’hier ne reviendront pas car le passé comme l’avenir n’existent pas. Il n’y a que le présent dans lequel il nous faut nous engager. »« Ma vie est fichue… », « Je doute de moi… » Combien sont-ils au moment où j’écris ces lignes à se remettre profondément en cause, pris de vertige dans le tourbillon de ce monde qui s’affaisse ? Combien sont-ils, ces parents qui viennent de prendre leur retraite et qui refont, fébrile, les calculs comptables pour dénicher les moyens de venir en aide à des enfants qui ont depuis longtemps passés l’âge de leur tendre la main ? Combien sont-ils ces enfants, justement, qui ne savent plus de quoi, pour eux, demain sera fait ? Une jeune femme me disait l’autre jour qu’au sortir de cette crise, il y aura probablement dans la jeunesse une colère profonde contre nous, aînés, pour ce monde de sable que nous prétendions revêtir de marbre.
Un monde idéal… sans espérance
Notre folie collective n’a pas été de ne pas prévoir l’apparition d’un virus et les moyens de le traiter. Notre folie a consisté à croire qu’un monde pouvait surgir, se développer, prospérer et porter du fruit quand on en extirpe soigneusement et délibérément toute espérance et toute transcendance. Que l’horreur des guerres mondiales et la sauvagerie des totalitarismes aient pu susciter un désir d’évasion et de jouissance, on en comprend aisément les raisons. De nombreux historiens se sont penchés et se pencheront sans doute dans l’avenir sur l’incroyable rapidité de l’effondrement dans notre pays de la foi.
Il ne s’agit pas simplement de faire du bien, mais de laisser Le Bien à travers nos vies se communiquer afin que les Béatitudes, la loi nouvelle du Christ, deviennent la vie des hommes.
La névrose contemporaine conduit certains à accabler tel ou tel parce qu’il faut bien toujours se soulager la conscience en désignant des coupables, les rendant responsables d’une désertion collective où chacun à sa part. Il y a quelques années lors d’un synode sur l’Europe, des évêques du Vieux Continent reconnaissaient devant le pape Jean-Paul II, l’apostasie symbolique de leurs Églises. C’est un fait aujourd’hui que moins de 5 % des Français vont à la messe tous les dimanches. Il n’est pas déraisonnable de penser que le taux de pratique fidèle est peu ou prou le même dans les autres religions présentes dans notre pays.
Au pied du mur
Nous voici donc au pied du mur, devant un présent qui n’a rien de plaisant. Beaucoup parmi nous, fatigués ou échaudés par un avenir qui ne tient pas ses promesses, préfèrent se réfugier dans la mélancolie d’un passé qui n’existe plus. Non les jours heureux d’hier ne reviendront pas car le passé comme l’avenir n’existent pas. Il n’y a que le présent dans lequel il nous faut nous engager, forts de nos expériences pour construire demain. Le baptisé est enfant de lumière dans un monde toujours peuplé d’embûches que recouvre le brouillard. Nous ne pouvons pas nous contenter de proclamer notre espérance dans le salut de Dieu, en réclamant pour nous-mêmes le droit d’y communier, sans éprouver un désir plus ardent encore d’en faire goûter les fruits à ceux qui en ignorent tout. C’est comme si nous disions que nous aimons Dieu en oubliant d’aimer nos frères : et nous savons depuis saint Jean comment sont appelés dans la Bible ceux qui se parjurent ainsi.
Il est temps qu’aujourd’hui nous cessions de reprocher au monde d’être ce qu’il est et que nous demandions avec plus de ferveur encore pour nous-mêmes et pour nous tous la grâce d’être les disciples de celui qui nous appelle à donner nos vies, sans condition et sans pudeur de jeunes filles. Il ne s’agit pas simplement de faire du bien, mais de laisser Le Bien à travers nos vies se communiquer afin que les Béatitudes, la loi nouvelle du Christ, deviennent la vie des hommes.
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