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Liberté de culte : l’audience où s’est jouée la possibilité de célébrer des messes

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Agnès Pinard Legry - publié le 05/11/20
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Le Conseil d’État a examiné ce jeudi 5 novembre les recours déposés par plusieurs requérants, dont les évêques de France, afin de dénoncer une atteinte à la liberté de culte et permettre la reprise des offices religieux publics. La décision est attendue avant le week-end.Pendant plus de deux heures l’ensemble des requérants ayant saisi le Conseil d’État en référé-liberté ont été reçus en audience ce jeudi 5 novembre pour dénoncer une atteinte à la liberté de culte et réclamer la reprise des messes publiques. Autour de la table, les représentants d’associations catholiques mais aussi d’évêques, d’abbayes bénédictines et de laïcs, dont les initiateurs d’une pétition en ligne “Pour la messe”, qui a déjà recueilli plus de 100.000 signatures. Évêque auxiliaire de Versailles, Mgr Bruno Valentin a assisté à l’audience afin d’être la voix du collège épiscopal.

En mai dernier on déconfinait à peu près tout le monde sauf le culte, là on ne reconfine quasiment personne sauf le culte.

“J’ai eu le sentiment qu’on nous refaisait le coup du mépris du culte, saison 2”, a réagi auprès d’Aleteia Maître Jérôme Triomphe, avocat de plusieurs requérants, à l’issue de près de deux heures d’échanges d’arguments. “En mai dernier on déconfinait à peu près tout le monde sauf le culte, là on ne reconfine quasiment personne sauf le culte.” En réalité, ce qui a été principalement débattu par les requérants pendant cette audience, ce sont les circonstances sanitaires ainsi que l’absence de tout document scientifique établissant l’existence d’un risque sanitaire particulier dans les lieux de culte. “Les représentants du ministère ont répondu que cela allait de soit, qu’à la messe on était souvent debout, qu’on chantait et donc que cela faisait des gouttelettes, que le prêtre ne se désinfecte pas les mains entre chaque hostie distribuée”, énumère Maître Henri de Beauregard qui a lui-même déposé deux référés dont un au nom des initiateurs de la pétition en ligne “Pour la messe”.


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“Le gouvernement adopte une attitude monolithique ferme qui ne laisse aucun arrangement possible”, déplore Maître François-Henri Briard, qui a représenté six évêques lors de l’audience. “Leur objectif est d’interdire les rassemblements et réunions. Mais c’est un problème majeur car dans la jurisprudence, notamment celle de la CEDH, la liberté de culte ne suppose pas seulement la pratique individuelle mais aussi un aspect communautaire. Le rassemblement est un élément majeur de la liberté de culte, se rassembler c’est aussi exercer la liberté de culte”. Les requérants ont ainsi développé l’aspect communautaire de la messe pour les catholiques, de l’eucharistie et cette union qui ne peut se faire que dans une église.

Un avis du conseil scientifique

Au cours de l’audience, un avis du conseil scientifique en date du 26 octobre, trois jours avant le décret de reconfinement, a été particulièrement discuté. Il souligne que les lieux de cultes “pourraient rester ouverts à condition qu’ils respectent les protocoles sanitaires stricts contractualisés”. “Le Président en a tout de suite parlé”, souligne Maître Jérôme Triomphe. S’en est suivi un échange assez vif entre les représentants du gouvernement estimant qu’il pouvait être plus restrictif que le conseil scientifique et les requérants soulignant que oui, il pouvait être plus tatillon, “à condition de le justifier”. “Nous avons rappelé que sur les dizaines de milliers de messes célébrées depuis le déconfinement en mai, personne ne contestait le fait qu’il n’y a pas de cluster dans les lieux de culte”, défend encore Maître Henri de Beauregard.

“En agissant ainsi, le gouvernement porte atteinte à la liberté fondamentale du culte”, accuse de son côté Maître Jérôme Triomphe. “S’agissant d’une liberté fondamentale, cette liberté peut être aménagée, adaptée et proportionnée à l’objectif de santé poursuivi. Mais elle ne peut jamais être annihilée comme c’est le cas ici.” Même en cas de reprise de l’épidémie, dès lors que la plupart des autres activités restent autorisées, le Conseil d’État devrait dans son jugement rappeler que la liberté fondamentale du culte ne peut pas être interdite mais simplement adaptée et faire injonction au gouvernement de publier un nouveau décret en précisant les mesures nécessaires, adaptées et proportionnées permettant l’exercice fondamental du culte dans le respect des mesures sanitaires.

La délicate question de la proportionnalité

Quelle décision peut-on donc attendre du Conseil d’État ? Maître Henri de Beauregard n’exclut pas que l’institution puisse demander une clause de revoyure, c’est-à-dire que les mesures concernant la liberté de culte dans le cadre de la crise sanitaire soit réévaluées régulièrement. “À la fin, le juge a demandé avec insistance s’il y avait un dialogue entre l’État et les responsables du culte”, indique Maître Henri de Beauregard. La représentante de l’État et l’avocat représentant l’épiscopat ayant tous deux indiqués qu’il n’y avait pas de dialogue de ce type mis en place, le juge pourrait être tenté d’imposer aux cultes et à l’État, afin de faire le point sur la situation épidémiologique et modifier le décret pour adapter la liberté de culte au regard de la situation.

On peut porter atteinte à liberté fondamentale à condition que ce soit adapté, nécessaire et proportionnel à l’objectif de santé poursuivi.

“Dans la jurisprudence, on peut porter atteinte à une liberté fondamentale à condition que ce soit adapté, nécessaire et proportionnel à l’objectif de santé poursuivi”, rappelle Maître François-Henri Briard. “On peut gagner, perdre ou avoir une décision avec des réserves d’interprétation. Mais une chose est sûre ce sera une décision équilibrée”. Pour comprendre cette décision, l’avocat prend volontiers l’image d’une balance. “Il faut vous imaginer d’un côté la liberté qui pèse plus ou moins selon qu’il s’agit d’une liberté fondamentale ou pas. De l’autre côté, vous avez l’ordre public, la santé publique, le droit à la vie, la sécurité… Et l’équilibre entre les deux se fait si le rapport est adapté, nécessaire et proportionné”.



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