Alors que la France entame son déconfinement ce lundi 11 mai, la date de reprise des célébrations religieuses publiques demeure floue. Malgré cette incertitude, « l’activité pastorale doit reprendre », assure à Aleteia l’archevêque de Strasbourg, Mgr Luc Ravel. Reprise des réunions à moins de dix personnes, accueil dans les églises, mise en place de micro-communautés… « Nous devons nous fixer sur ce que nous pouvons faire plutôt que de nous polariser sur ce que nous ne pouvons pas faire ».Réouverture des commerces, circulation libre dans une limite de 100 kilomètres, reprise progressive de l’école… Le déconfinement qui démarre ce lundi 11 mai est attendu, pour beaucoup, avec impatience. Plusieurs zones d’ombre demeurent néanmoins dont la reprise des célébrations religieuses publiques. Lors d’une conférence de presse organisée jeudi 7 mai, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a affirmé travailler, avec les représentants des cultes « aux condition d’une reprise des cérémonies religieuses d’ici la fin du mois ».
Une incertitude qui n’a pas empêché l’archevêque de Strasbourg, Mgr Luc Ravel, de proposer un plan de reprise de l’activité pastorale. “Cette reprise va se faire en deux temps. La première phase démarre le 11 mai et va jusqu’à la fin du mois puis nous amorcerons une deuxième phase avec l’organisation des célébrations religieuses publiques”, explique-t-il à Aleteia.
Aleteia : Quel est votre mot d’ordre pour ce déconfinement ?
Mgr Luc Ravel : Se fixer sur ce qu’on peut faire plutôt que de se polariser sur ce qu’on ne peut pas faire. Je sens que les gens sont encore aujourd’hui, et peut-être plus qu’hier, remplis de peur et d’angoisse quant à la reprise d’une vie normale. Nous allons donc vivre ce temps de déconfinement comme un temps de convalescence. Bien sûr, de belles initiatives de prière et de générosités ont émergé pendant le confinement mais il y a également de nombreux séquelles. Le corps ecclésial est un peu comme un malade qui a été hospitalisé pendant deux mois. Même s’il a eu un bon traitement il doit récupérer sa masse musculaire, sa vigueur, pour affronter la vie extérieure. C’est à cela que nous allons nous atteler jusqu’à la fin du mois de mai.
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Comment envisagez-vous la reprise de l’activité pastorale ?
Dès le 11 mai nous sommes à nouveau autorisés à circuler librement dans un périmètre de 100 kilomètres autour de notre domicile et à nous réunir à moins de dix. Tout cela nous invite à une reprise de l’activité pastorale en biseau et nous devons vivre ce temps de déconfinement comme un temps de convalescence. Nous allons ainsi réamorcer certaines activités, dans la limite de dix personnes, comme les conseils pastoraux, les réunions équipes d’animation, les réunions des différents mouvements caritatifs… Les agents pastoraux vont également reprendre leurs visites aux fidèles et les églises vont s’organiser pour accueillir, dans les respects des règles sanitaires, ceux qui viennent s’y recueillir.
“Si ces cénacles arrivent à se maintenir ils seront de vraies forces spirituelles et missionnaires pour les paroisses.”
Pour se préparer à la Pentecôte vous comptez également sur la création de « cénacles »…
Puisque nous avons le droit de nous réunir jusqu’à dix, je propose aux curés d’encourager la création de « cénacles », c’est-à-dire de petits groupes de chrétiens afin qu’ils se rencontrent régulièrement pour prier ensemble, louer et appeler l’Esprit-Saint. Ils sont un intermédiaire entre la cellule familiale et la communauté paroissiale. Certains appelleront cela des équipes, d’autres des communautés de base, d’autres encore des cellules d’évangélisation ou des petites fraternité. Si le nom est égal l’enjeu est crucial. Ce terme de cénacle vient des Actes des Apôtres, quand ces derniers, avec la Vierge Marie, attendent la venue de l’Esprit-Saint. Si ces cénacles arrivent à se maintenir ils seront de vraies forces spirituelles et missionnaires pour les paroisses. Quand on y réfléchit la ressemblance entre ce que nous vivons en ce temps de déconfinement et ce que vivent les apôtres est frappante.
Quel est le parallèle que nous pouvons faire entre ce qu’ont vécu les apôtres jusqu’à la Pentecôte et ce que nous vivons pendants ce déconfinement ?
Il y a une synchronisation involontaire surprenante entre le traitement de la pandémie par le confinement et les grandes étapes de la vie liturgique. Après la résurrection du Christ, les disciples sont restés confinés jusqu’à la Pentecôte. Ils ont d’abord été confiné par la peur et le doute, jusqu’à l’Ascension, puis par l’unité et l’attente jusqu’à la Pentecôte. Après l’Ascension ils se sont rassemblés avec la Vierge Marie car ils attendaient une force venue d’en haut : l’Esprit-Saint. C’est exactement ce que nous sommes en train de vivre.
“La vie et la vitalité de l’Église ne se résument pas à l’eucharistie dominicale.”
Êtes-vous déçu que les messes ne reprennent pas plus tôt ?
Il y a cette idée que je trouve importante : la vie et la vitalité de l’Église ne se résument pas à l’eucharistie dominicale. Même si elle est la source et le sommet de notre vie, elle ne se résume pas à cela, je pense à l’Amazonie par exemple.
Comment envisagez-vous la reprise des célébrations religieuses « à la fin du mois » ?
À l’instar des diocèses suisses et allemands dont nous nous sommes inspirés, nous allons adresser une liste de directives pour les célébrations concernant la désinfection régulière des lieux de culte, la mise en place de sens de circulation au sein de l’église, la suppression de l’eau bénite un marquage au sol, un taux de remplissage de l’édifice, la mise en place de petites colonnes pour distribuer du gel hydroalcoolique qui s’activeront par une pédale… Je vais également demander aux curés d’être vigilant à la durée de l’office et les célébrations se feront sans chant de l’assemblée. Nous avons différentes options pour la communion : est-ce au curé de se déplacer ou aux fidèles de s’avancer, dans le respect des mesures de distanciation, vers le prêtre ? Une autre question concerne les paroisses dont les offices sont régulièrement pleins et pour lesquels les fidèles devront s’inscrire au préalable. Nous avons encore quelques jours pour affiner cela.
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Pour beaucoup de fidèles l’attente est difficile…
Au fil des apparitions du Christ ressuscité, la peur disparaît progressivement chez les apôtres. Mais après l’Ascension, qui marque la dernière apparition du Christ ressuscité aux disciples, les apôtres attendent. Ils attendent une force venue d’en haut qu’est l’Esprit-Saint. Neuf jours séparent l’Ascension de la Pentecôte. Jésus aurait pu continuer d’apparaître jusqu’à la Pentecôte où la Pentecôte aurait pu intervenir plus tôt. Alors oui, il est difficile d’attendre et cela est d’autant plus difficile quand il y a de l’incompréhension sur la raison de cette attente. Mais nous avons mieux à apporter qu’une mauvaise humeur épiscopale. Nous devons redire que l’Église prend son temps, qu’elle déploie même une pédagogie de l’attente. Il n’est pas question de l’attente imposée par le gouvernement dans le cadre du déconfinement mais de celle de Dieu, du temps qu’il a mis entre son départ terrestre lors de l’Ascension et l’arrivée du don de l’Esprit à la Pentecôte. Les apôtres et la Vierge Marie ont vécu cette attente dans l’unité. À nous d’en faire de même.