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Burkina Faso : « La ligne d’action est de semer la terreur »

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Agnès Pinard Legry - publié le 08/03/20
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Au Burkina Faso, les attaques djihadistes ont fait environ 750 morts et 600.000 déplacés depuis cinq ans. Si les attaques contre les églises et les chrétiens ont débuté en 2015, elles se sont accélérées depuis 2018. « Ce sont d’abord les forces et symboles étatiques, les écoles qui sont attaqués », explique à Aleteia Philippe Bai, frère des Écoles chrétiennes au Burkina Faso. « Il y a comme ligne d’action de semer la terreur, de désorganiser le pays ».Au Mali, au Burkina Faso et au Niger, les violences djihadistes, entremêlées de conflits intercommunautaires, ont fait 4.000 morts en 2019. Derrière ces chiffres énoncés par les Nations unies, ce sont des drames qui se jouent. Des drames dont les chrétiens sont bien souvent les tristes victimes. Frères des Écoles Chrétiennes, Philippe Bai, 65 ans, est arrivé en Haute-Volta (ancien nom du Burkina Faso, ndlr) en 1978 dans le cadre d’un service de coopération. Depuis plus de quarante ans, celui qui est né et a grandi dans l’Essonne enseigne inlassablement, sans distinction de religion. Il revient pour Aleteia sur ces violences dont les chrétiens sont régulièrement la cible.

Aleteia : Depuis 2015, le pays s’enfonce dans une spirale de violences. Comment l’expliquez-vous ?
Frère Philippe Bai : Nous observons à l’échelle planétaire un « réveil » de l’islam qui s’explique entre autre par la décolonisation mais aussi par l’anticolonialisme diffusé par l’Occident lui-même. Ce réveil, qui se traduit par une islamisation ou une réislamisation en différents points du globe, ne pouvait laisser l’Afrique à l’écart. Au Burkina Faso, la chute de Blaise Compaoré en 2014 a contribué à déstabiliser le pays. À des violences perpétrées par des personnes venues de l’extérieur viennent s’ajouter des locaux, recrutés moyennant un salaire ou l’accès à des biens matériels comme une moto. Je pense que la thèse de l’africaniste Bernard Lugan est hélas largement vérifiée : la colonisation risque bien de n’avoir été qu’une parenthèse. La greffe n’a pas pris et les rivalités anciennes refont surface. Les intérêts mafieux expliquent les violences djihadistes plus que le souci de conquêtes spirituelles…

“Ce sont les forces et symboles étatiques qui sont attaqués.”

Depuis plusieurs mois, les attaques contre les chrétiens se sont intensifiées. Pourquoi ?
Les préjugés sur les chrétiens demeurent dans certains milieux : les cafres trichent et mentent en arrangeant les Écritures, ils cachent l’annonce faite par le Christ de la venue du « Prophète » etc. Mais ce sont les forces et symboles étatiques qui sont attaqués, les écoles… C’est d’ailleurs le mode d’action de Boko Haram. Mais des mosquées ont également été attaquées et des imams tués. Parfois, en effet, le tri est fait non seulement entre les hommes, qui sont tués, et les femmes et enfants, provisoirement épargnés, mais aussi entre chrétiens et musulmans. En fait, la ligne d’action est de semer la terreur, de désorganiser le pays. Il ne s’agit pas nécessairement d’un plan méthodique dans la terreur. Selon les circonstances et les points de faiblesse, les chrétiens seront les victimes visées parmi les différentes cibles possibles.


BURKINA FASO
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Les chrétiens sont-ils visés en raison de leur foi ou de ce qu’ils peuvent représenter, à savoir l’Occident ?
Assurément non ! Les familles sont mixtes au niveau religieux, et le lien familial prime sur le religieux. Il faut plus craindre le syncrétisme que le radicalisme religieux, même dans le contexte des évolutions récentes. Tout le monde est essentiellement déiste. Ce qui assure le respect mutuel… et permet l’action évangélisatrice ! Le brassage interethnique est maintenant général, en particulier du fait de la scolarisation. Mais il peut exister une difficulté, une faille dans la « cohésion sociale » au niveau des Peuls. Ils sont traditionnellement marginaux et font souvent l’objet de ‘discrimination’. De cette situation naît une volonté d’auto-défense qui engendre des violences collectives et aveugles.

La société burkinabè était connue pour l’entente qui y régnait entre les différentes ethnies et religions. Cette période est-elle définitivement révolue ?
Assurément non ! Les familles sont mixtes au niveau religieux, et le lien familial prime sur le religieux. Il faut plus craindre le syncrétisme que le radicalisme religieux, même dans le contexte des évolutions récentes. Tout le monde est essentiellement déiste. Ce qui assure le respect mutuel… et permet l’action évangélisatrice ! Le brassage interethnique est maintenant général, en particulier du fait de la scolarisation. Mais il peut exister une difficulté, une faille dans la « cohésion sociale » au niveau des Peuls. Ils sont traditionnellement marginaux et font souvent l’objet de ‘discrimination’. De cette situation naît une volonté d’auto-défense qui engendre des violences collectives et aveugles.


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À l’école, dans votre quotidien, ressentez-vous ces tensions entre religions ?
Les élèves musulmans ayant une foi qui se veut radicale existent. Mais ils respectent les chrétiens, dans la mesure même où ils les voient prier. Les familles musulmanes restent les plus solides soutiens de l’école catholique. L’imam qui condamne les familles confiant leurs enfants à « la mission » (l’école chrétienne) voient leur mosquée se vider. Dans nos établissements, la « réflexion religieuse », deux heures hebdomadaires au cours desquelles nous étudions la Bible, les Évangiles, les sacrements ou encore la morale chrétienne, est obligatoire. Je n’ai jamais vu un enfant ou une famille la remettre en cause. La prière en classe se fait. Si un professeur la néglige, les musulmans comme les chrétiens s’en plaindront. De façon générale, les relations sont plus faciles avec les musulmans qu’avec certains protestants.

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