Tout le monde est gagnant à faire davantage qu’emprunter le chemin le plus simple pour aimer son prochain. Champ d’amélioration ou culpabilité ? Les occasions manquées sont en réalité ce que l’on décide d’en faire. Fr. Michael Rennier, chroniqueur de l’édition anglaise de Aleteia, en a fait l’expérience.
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Une fois, j’ai vu un accident de voiture se produire sous mes yeux. Il y avait une tempête de neige, on était sur l’autoroute et le vent s’est engouffré sous le pare-choc d’une voiture et l’a poussée à grande vitesse dans un banc de neige sur le bord de la route. Sous le choc, j’ai d’abord continué un peu, puis je suis sorti de l’autoroute et ai appelé une ambulance. J’ai repris mon chemin, satisfait d’avoir accompli mon devoir. Tandis que je continuais ma route, j’ai eu une réaction à retardement, telle une lampe qu’on venait enfin d’allumer : Pourquoi ne me suis-je pas arrêté pour aider ? À quelle distance se trouvait réellement l’ambulance ? Mon obligation envers ce conducteur n’aurait pas dû se terminer par un simple appel téléphonique. J’ai choisi la solution de facilité et laissé l’épave de la voiture s’éclipser dans mon rétroviseur. Jusqu’à ce jour, je pense à des moments comme celui-là, des moments où j’aurais pu aider davantage mais où j’ai supposé que quelqu’un d’autre s’en chargerait à ma place. »
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Il y a un certain confort à remettre quelque chose à plus tard, car on a l’impression de se tirer d’affaire sans ressentir de culpabilité. Quelqu’un d’autre nourrira les pauvres, quelqu’un d’autre se portera volontaire à l’église, quelqu’un d’autre téléphonera à cet ami qui a tant besoin de parler. Et bien sûr, pour les personnes dans le besoin, il existe toutes sortes d’organisations et de programmes gouvernementaux efficaces et dotés de ressources qu’une seule personne ne possède pas. Il est évidemment important de soutenir ces organisations inestimables et il ne s’agit pas ici de prétendre les remplacer, toutefois on doit garder à l’esprit que le simple fait de faire don à un organisme de bienfaisance ou de payer nos impôts ne signifie pas qu’on fait preuve d’une véritable compassion. Savoir qu’une ambulance arrive sur les lieux d’un accident ne veut pas dire qu’on a aucune obligation personnelle envers nos semblables.
Il y a environ un an, je suis devenu aumônier de conférence de Saint-Vincent-de-Paul dans diverses paroisses proches de la mienne. Saint Vincent ne m’était pas très familier et la spiritualité vincentienne qui porte son nom ne faisait pas partie de mon éducation théologique. Je me suis plongé dans les écrits et les principes qui sous-tendent la sainteté de cet homme remarquable. Ordonné prêtre en 1600, saint Vincent a vécu en France. Il a été capturé et asservi pendant une courte période par des pirates, avant de s’installer à Paris où il a travaillé avec des catholiques fortunés pour créer des sociétés de bienfaisance informelles qui consistait à visiter personnellement les pauvres. Il était conscient que faire des visites en personne en apportant de la nourriture était beaucoup plus difficile que de donner de l’argent pour créer une nouvelle soupe populaire. « Vous verrez que la charité est un lourd fardeau à porter, plus lourd qu’une marmite de soupe, assurait-il. Mais vous garderez votre bonté et votre sourire. Donner de la soupe et du pain n’est pas suffisant. » En d’autres termes, les pauvres méritent non seulement notre pain, mais aussi notre amour. Leur offrir des aliments sans compassion revient à les trahir.
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La compassion ne peut être déléguée. Saint Vincent souligne ainsi que « la charité est par-dessus toutes les règles, et il faut que toutes se rapportent à celle-là. » Si on souhaite être une personne véritablement compatissante, on ne peut pas se contenter d’appeler une ambulance, d’envoyer quelqu’un à la soupe populaire ou de le diriger vers un programme gouvernemental. Ces filets de sécurité organisationnels sont une pièce du puzzle, mais au final, ce que chaque personne mérite, c’est la compassion personnelle d’un autre être humain. C’est pourquoi les conférences locales de Saint-Vincent-de-Paul dans chaque paroisse insistent sur le contact personnel avec notre prochain. Bien que les visites à domicile soient importantes pour aider avec les repas et les factures, il est important de prier pour les gens, de leur poser des questions sur leur bien-être et celui de leur famille. Est-ce le moyen le plus efficace de gérer les souffrances humaines ? Absolument pas. Cela prend beaucoup de temps et d’énergie, mais notre prochain mérite le contact personnel.
Alors, qu’est-ce que la compassion, réellement ? C’est s’arrêter volontairement et parler pendant une minute, passer un appel téléphonique, poser des questions sur un membre malade de la famille, prier pour un ami, ou faire une course pour un voisin âgé. La compassion n’est ni efficace ni économique, mais elle est profondément personnelle et profondément humaine. Cela demande quelque chose à chacun de nous. En fin de compte, cet effort personnel, ce petit sacrifice, ne s’avère pas être un cadeau offert à d’autres personnes, mais une opportunité pour elles de nous faire un cadeau.
La compassion est avant tout un acte d’amitié et de fraternité. Elle établit des liens et crée une communauté, c’est pourquoi elle est une voie à double sens. Si on est prêt à faire cet effort, on reçoit en récompense un véritable lien humain enrichissant. Ce que saint Vincent a si bien compris, c’est que la compassion ne relève ni de la pitié ni de l’opportunisme, il s’agit d’une occasion pour les gens de ralentir et de donner un peu d’eux-mêmes aux autres. La vie est au cœur de ces relations humaines, alors tentons de saisir ces opportunités.