Curieuse bête que le basilic qui de nos jours a disparu du bestiaire commun, mais qui naguère aux temps bibliques, puis au Moyen Âge, peuplait aussi bien l’Ancien Testament et les Évangiles qu’une riche iconographie. Cette bête légendaire à l’aspect monstrueux entre serpent, coq et dragon, lui a longtemps conféré un aspect diabolique. Figure de l’antéchrist, on ne lui connaît qu’un seul ennemi, la belette…
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Si de nos jours le seul mot de basilic évoque immédiatement la plante aromatique, synonyme de soleil et de gastronomie joyeuse, il en est cependant un autre, nettement moins comestible celui-là, cité à cinq reprises tant par l’Ancien que par le Nouveau Testament. Son nom grec signifie roi, car il est le roi des serpents et est souvent assimilé à la vipère. Le frère dominicain Vincent de Beauvais le décrivait au XIIIe siècle issu du croisement du ciel et de la terre, né d’un œuf de coq, pondu sur un tas de fumier et couvé par un crapaud ! Par-delà la fantaisie de cette origine, c’est l’abomination du rapprochement des contraires qui donnera à cet animal mythique des pouvoirs extraordinaires.
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Il aurait vécu en Afrique, de couleur jaune avec trois légères bosses et une tache blanche sur sa tête de coq, arborant une queue de reptile terminée par un crochet ou parfois l’inverse. Souvent doté d’ailes de dragon, sa physionomie peu engageante évoluera avec les siècles et il est un miroir certain des peurs respectives de chaque époque. Quelle que soit sa représentation, reste que sa morsure demeure toujours mortelle et le basilic se révèle être l’animal le plus venimeux de tous les reptiles dont le seul regard pouvait même tuer à distance.
Les Proverbes enjoignent aux hommes de se méfier du vin dont les effets piquent comme la morsure du basilic, alors qu’Isaïe prophétise, pour sa part, des jours où le nourrisson pourra étendre sans mal la main sur son nid sans risque de morsures ; un monde également évoqué par le Psaume 90 qui n’hésite pas à rappeler que l’on pourra fouler le basilic sans en ressentir de blessure…
Des pouvoirs maléfiques
Les pouvoirs du basilic sont assurément diaboliques. Avec l’aspic, le lion et le dragon, il est compté par l’Ancien Testament comme l’une des figures majeures de la Bible incarnant le mal, en opposition marquée avec les quatre animaux symbolisant les Évangélistes. Le basilic sera, dès lors, une figure de l’antéchrist, ainsi que l’avait préfiguré le prophète Isaïe : « Ne te réjouis pas, Philistie tout entière, si le bâton qui te frappait est brisé. De la racine du serpent va sortir une vipère, et son fruit sera un dragon ailé ». Le Moyen Âge reprenant ces récits bibliques verra alors fleurir une multitude de représentations éloquentes quant à cette dernière image. De nombreuses images du Christ foulant aux pieds l’animal mythique seront présentes rappelant la victoire du bien contre le mal. Dans l’Évangile de Luc, Jean le Baptiste stigmatisera, lui aussi, les foules venues pour être baptisées en les comparant au basilic face à leur propension à braver les lois divines.
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Pour conclure cette évocation de ce si étrange et maléfique animal, laissons les mots de la fin au célèbre écrivain argentin Jorge Luis Borges qui n’hésite pas dans Le Livre des êtres imaginaires à rappeler que « Le basilic réside au désert ; ou plutôt, il crée le désert. À ses pieds les oiseaux tombent morts et les fruits pourrissent ; l’eau des fleuves où il s’abreuve reste empoisonnée durant des siècles. Pline a certifié que son regard brise les pierres et brûle l’herbe. L’odeur de la belette le tue ; au Moyen Âge, on a dit que c’était le chant du coq. Les voyageurs expérimentés se pourvoyaient en coqs pour traverser des contrées inconnues. Une autre arme était un miroir ; le basilic est foudroyé par sa propre image ». Reste donc à trouver pour le neutraliser une belette, un coq ou un miroir …
En tout état de cause, nous sommes avec le basilic biblique bien loin de notre si appréciée plante aromatique !
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