L’épisode de la Cananéenne dans l’Évangile est aussi bref qu’intense. Il exprime avec fulgurance la force de la demande de cette païenne qui sera exaucée après une brève mise à l’épreuve par Jésus. Osons-nous encore suffisamment demander dans notre foi ? Ce passage manifeste la force de la demande confiante et non point plaintive comme cela est trop souvent le cas.
Une rencontre surprenante
Le récit de la Cananéenne relaté par les Évangiles de Matthieu et de Marc surprend toujours à sa lecture. Alors que Jésus se rend vers Tyr et Sidon, au nord-ouest de la Galilée, il fait la rencontre d’une femme venue d’un pays bien connu de la Bible — Canaan — puisque ce dernier correspond à la Terre promise aux Hébreux. Nous ne connaîtrons jamais son nom, seule la région dont elle est issue l’identifie à un statut d’étrangère. Elle n’est pas juive et pourtant elle n’hésite pas à apostropher Jésus en compagnie de ses disciples : « Prends pitié de moi, Seigneur, fils de David ! Ma fille est tourmentée par un démon ». Curieusement, Jésus ne lui répond pas et la femme a certainement renouvelé à plusieurs reprises sa demande, car les textes rapportent que les disciples demandèrent à Jésus : « Renvoie-la, car elle nous poursuit de ses cris ! » Voici une étrange entrée en matière, mais Jésus devant l’insistance de la femme se décide finalement à lui répondre : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël ». L’épisode aurait dû en rester là, mais la Cananéenne insiste encore et se prosterne devant Jésus : « Seigneur, viens à mon secours ! ».
Lire aussi :
Priscille, une femme active de l’Évangile
Une démonstration éclatante de foi
Rares sont les épisodes où Jésus reste aussi sourd à une demande d’aide adressée par une personne désemparée, et c’est de nouveau par une réponse déroutante par laquelle Jésus va poursuivre son dialogue singulier avec la Cananéenne : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens ». Comment comprendre une telle réponse énigmatique ? Jésus met à l’évidence à l’épreuve la foi de la femme qui lui fait face, ce que confirme saint Augustin commentant cette rencontre : « Le Seigneur feignait de ne pas l’entendre, mais ce n’était point pour lui refuser sa miséricorde, c’était pour enflammer encore son désir », ce que ne manque pas de faire, en effet, la Cananéenne qui ose soutenir, une nouvelle fois, l’argumentation de Jésus : « Oui, Seigneur ; mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres ». Le credo est manifeste, Jésus prend acte de la grande foi de cette femme et lui intime : « Que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » Et, à l’instant même, l’Évangile rapporte que sa fille fut guérie…
Une rencontre à valeur de parabole
La progression du texte souligne le chemin de foi entrepris par la jeune femme : elle, étrangère, ose une demande à un groupe d’hommes qu’elle ne connaît pas, mais dont elle a entendu et connaît certainement la réputation de thaumaturges. Face au silence, elle persévère encore et encore et argumente après chaque refus ; une mise à l’épreuve souhaitée par Jésus, non point par indifférence à sa douleur, mais à valeur d’enseignement pour cette femme comme pour tous les témoins de cette scène forte et puissante. Le désir de la conversion est aiguisé à un point tel qu’il abat toutes les barrières des convenances et des usages de son temps, une leçon qui peut être méditée pour chacun d’entre nous, à toutes les époques. Jésus souligne combien la Cananéenne a osé demander, avec bruits et cris, une insistance qui doit briser notre orgueil du silence et de la réserve, « Nous pouvons demander et nous devons demander » a rappelé Benoît XVI. L’épisode de la Cananéenne nous rappelle ainsi que le Salut est apporté à tous, étrangers et païens compris, et ce miracle est là, présent, pour que nous puissions nous en souvenir chaque jour au quotidien.
Lire aussi :
Anne, de la stérilité à l’enfantement de Samuel