La solennité de l'Épiphanie est le jour où l'Église commémore la révélation du Messie à toutes les nations, représentées par les mages. L'Épiphanie (mot d'origine grecque signifiant "manifestation") constitue la fête de l'universalité du salut dans le Christ.
L'astre du Messie joue à cache-cache
Le récit évangélique illustre cette universalité par la recherche des mages venus d'Orient. Ceux-ci ont vu l'astre du roi nouveau-né des juifs à son ascendance (c'est-à-dire à son lever), et sont venus se prosterner devant lui. Manifestement, l'étoile a guidé ces fins astrologues de leur terre natale jusqu'en Judée.
Mais pour quelle raison sont-ils passés par Jérusalem ? L'astre a-t-il subitement disparu, tandis qu'ils cheminaient ? Il semblerait que l'étoile se soit en effet éclipsée, puisqu'elle réapparaîtra après leur passage à Jérusalem, en les précédant de nouveau jusqu'au domicile où réside l'enfant recherché. Pourquoi un tel jeu de cache-cache, un tel caprice de la part de l'astre du Messie annoncé ?
L'astrologie est une aliénation
La première raison qui vient à l'esprit est que les mages sont introduits ainsi dans une religion qui a toujours tenu l'astrologie en suspicion. Celle-ci est condamnée dans le judaïsme (dont la Judée est l'épicentre théologique), qui y voit une atteinte à la liberté de l'homme. La Bible rejette les pratiques de divination :
"Il ne se trouvera personne chez toi pour recourir à la divination" (Dt 18, 10-11).
Ces précisions sont importantes, surtout lorsqu'on sait qu'un Français sur quatre lit (de façon plus ou moins sérieuse, certes) son horoscope le matin ! De son temps, saint Thomas d'Aquin n'y allait pas avec le dos de la cuillère : "L'astrologie peut conduire à une aliénation de la liberté des individus qui, au lieu d'assumer leurs responsabilités devant les événements, s'en remettent à des prédictions hasardeuses !" Ainsi, les mages venus d'Orient sont-ils obligés de reconnaître qu'en pénétrant en Israël, ils doivent relativiser leur science prédictive qu'ils tiennent de leurs observations savantes du ciel.
Une révélation d'amour
Mais la condamnation de l'astrologie n'est pas le motif principal de l'éclipse momentanée de l'astre du Messie. Si l'étoile a disparu du ciel, c'est surtout afin que les mages passent par la case Jérusalem, où résidaient des savants versés dans l'Écriture. La prophétie du Livre saint leur fait saisir que la Révélation n'est pas une affaire d'astronomie ou d'astrologie, qu'elle n'est pas donnée par la Nature, mais par Dieu lui-même et sa Parole. Les mages comprennent ainsi que la révélation dont Dieu a gratifié son peuple est d'abord une révélation d'amour avant d'être une manifestation de sa puissance.
Si Dieu n'avait voulu ne faire connaître à Israël que sa toute-puissance, ou son unicité, Il lui aurait parlé intérieurement, en lui demandant de lever les yeux sur le spectacle du monde. L'univers aurait alors instruit l'homme sur l'omniscience et l'omnipotence de la divinité. Mais Dieu est Amour. Il n'a pas envie d'être adoré d'abord en tant que tout-puissant ou Sagesse suprême, mais en tant que partenaire d'une Alliance. En tant que Dieu-Amour.
Le Messie, fruit d'une déclaration d'amour
Or l'amour doit se dire, se déclarer. Voilà pourquoi Dieu a parlé par les prophètes dans la Bible. Le livre qui scelle spirituellement les Écritures, le quatrième évangile, porte à son accomplissement la Révélation dans l'épisode du flanc transpercé de Jésus sur la Croix. Là, le Cœur de Dieu s'ouvre sous le coup de lance du soldat romain, pour nous manifester que toute la Révélation biblique est une déclaration d'amour de Dieu à l'homme (Jn 19, 34). Le Catéchisme de l'Église catholique affirme :
"L'Écriture est une en raison de l'unité du dessein de Dieu, dont le Christ est le centre et le cœur, ouvert depuis la Pâque" (CEC 112).
Voilà pourquoi les rois mages sont obligés d'aller consulter les savants versés dans l'Écriture sainte à Jérusalem. Le Messie a été annoncé par une parole d'amour, qui court tout au long de la Bible, avant de l'être par une étoile dans le ciel.