Le film de Frédéric Tellier, “Sauver ou périr”, est une ode au courage des soldats du feu. En quelques secondes ils peuvent sauver, guérir, mais aussi perdre beaucoup. Comment se relève-t-on d’avoir donné sa vie pour ceux que l’on protège ? “Mort au feu”, cette phrase résonne dès le début à l’heure du rassemblement matinal de la caserne des sapeurs-pompiers. Ils énumèrent les soldats du feu morts en mission, pour en faire mémoire. Franck, incarné par le pensionnaire de la Comédie française Pierre Niney, vit ici avec sa femme Cécile, jouée par Anaïs Demoustier. Il réalise un des rêves de sa vie : devenir un homme fort et se reconstruire autour de sa famille.
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Inspiré d’une histoire vraie, le deuxième long-métrage du réalisateur est dédié “à celles et ceux qui trouvent la force de se relever et de tout réinventer”. Parce que, sur fond d’héroïsme musclé, ce film évoque surtout le combat contre soi-même, contre la mort de l’âme et de celles des liens. Alors que Franck tente de sauver deux de ses hommes dans un incendie, que tout bascule après son réveil du coma, le jeune chef y fera face tant bien que mal jusqu’à renaître de ses cendres. Après une intervention périlleuse où tout vacille, il ne sera plus jamais le même homme, loin du monde des pompiers. Cette mort qui pèse sur leurs épaules, la leur, celles de ceux qu’ils secourent, donne une atmosphère étouffante au film, qui dure près de deux heures.
Pierre Niney, un homme d’honneur et de talent
Le 18 septembre dernier, l’acteur était reçu par les Pompiers de Paris pour recevoir le grade de première classe honorifique pour son rôle dans “Sauver ou périr”. C’est sans doute par l’authenticité de son jeu et son engagement à rendre compte de la fragilité d’un homme se croyant invincible qu’il a gagné le respect de ces hommes. Eux qui sont confrontés chaque jour aux risques, à la désolation, “à la folie humaine”, déclare-t-il dans un discours poignant du film, qui se veut courageux, prononcé à sa sortie de l’hôpital. “J’ai toujours pensé que ce métier nous pousse vers la vie”, explique-t-il, devant la photo de ses dix-huit ans, à son entrée dans la profession. “On est des gamins qui doivent devenir adulte, pour sauver, soigner les blessés, les désespérés, faire face à la folie humaine. J’ai le sentiment de ne pas être allé au bout de mes rêves, et je sais ce que je perds, l’esprit de corps, la fraternité humaine, le dépassement de soi et la capacité d’aider les autres.” Et de réaliser : “Personne n’est invincible”.
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Durant de longs mois, il reprend pieds à l’hôpital au service des grands brûlés, accompagné du personnel médical habitué à devoir faire rejaillir la vie dans le cœur de personnes démolies. La plupart des monologues du blessé sont très touchants et si justes. C’est bouleversant de voir un homme qui se relève, qui doute de sa capacité à faire face et qui se souvient, finalement, de l’essentiel, après avoir perdu. Au-delà d’une vie héroïque qui change subitement de trajectoire, le film retrace aussi la vie d’un jeune couple soumis à la fragilité de la vie et aux peurs qu’elle suscite. “L’homme se découvre quand il se mesure avec l’obstacle. Mais, pour l’atteindre, il lui faut un outil”, commence le livre d’Antoine de Saint-Exupéry Terre des hommes. L’obstacle, pour Franck, est celui de l’accident, de la vulnérabilité. “Se mesurer avec lui” suggère qu’il faut du temps pour se positionner et ensuite le surmonter. Quant à l’outil, c’est sans doute la patience, l’acceptation et le pardon, ceux qui lui permettent de revenir à la vie. La gratitude a aussi une large place dans la guérison des relations, quand l’ancien pompier parvient enfin à dépasser son dégoût de lui-même. C’est dans ce même roman que l’écrivain rend hommage par ces mots à l’aviateur Henri Guillaumet : “Ce que j’ai fait, je le jure, jamais aucune bête ne l’aurait fait”, à l’image du courage dont a fait preuve le soldat du feu, mais aussi celui dont il a dû user pour aller de l’avant.
Le réalisateur nous offre ici une leçon de vie humaine, un exemple singulier de courage au sein d’un couple également. Il nous donne à voir que la grandeur se réalise aussi dans les petites choses du quotidien, de celles qui peuvent aussi sauver des vies.
“Sauver ou périr” (2018), de Frédéric Tellier, avec Pierre Niney, Anaïs Demoustier et Vincent Rottiers. En salles.