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La natalité baisse-t-elle vraiment en France ?

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Mathilde de Robien - publié le 11/09/18
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Les bébés français naissent dans des foyers où les parents sont de plus en plus âgés, mais ils sont bien là pour assurer la relève des générations. À condition de prendre en compte certains écueils démographiques. Explications des professeurs Gilles Pison, démographe, et Claude Martin, sociologue.Les dernières statistiques relatives à la natalité et à la fécondité en France portent à croire que le nombre de naissances serait faible, et qu’avec un indicateur conjoncturel de fécondité à 1,88 enfant par femme en 2017, le pays s’écarterait dangereusement du seuil de renouvellement des générations établi à 2,07. Cependant, si on se penche sur d’autres indicateurs, et notamment sur celui de la mesure par génération, ainsi que sur le phénomène des maternités de plus en plus tardives, la situation en France n’est pas si catastrophique.

Il reste néanmoins trois éléments à prendre en considération pour les années à venir : les limites imposées par la biologie féminine, la sortie, ou pas, d’un contexte socio-économique morose qui frappe tout particulièrement les 25-35 ans, et les signaux envoyés par les politiques publiques en direction de la famille. Gilles Pison, démographe, professeur au Muséum d’histoire naturelle et chercheur associé à l’Institut national d’études démographiques (INED), et Claude Martin, sociologue, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ont apporté à Aleteia des éléments de réponse.

La France enregistre une baisse de la natalité pour la troisième année consécutive

Ces dernières années ont été marquées par une baisse des naissances et de la fécondité. Les dernières données de l’Insee rapportent que 770.000 bébés sont nés en France en 2017, soit 14.000 naissances de moins qu’en 2016. Depuis 2014, le nombre de naissances baisse chaque année. L’indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) est également en recul pour la troisième année et s’établit à 1,88 enfant par femme en 2017 (contre 1,92 en 2016 et 2 en 2014). La France fait néanmoins toujours figure d’exception, dans la mesure où ce taux est le plus élevé d’Europe.



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Une baisse qui n’est pas si évidente si on se base sur la mesure par génération

La baisse du nombre de naissances s’explique, d’une part, par la diminution du nombre de femmes âgées de 20 à 40 ans depuis le milieu des années 90, mais aussi, et surtout, par la diminution de leur fécondité, si on se base sur l’ICF, indicateur rapportant le nombre de naissances sur une année au nombre de femmes en âge de procréer. Cependant, le démographe Gilles Pison fait remarquer que si on prend en considération un autre indicateur de fécondité, appelé la mesure par génération (ou descendance finale), qui s’applique, non pas à une année de calendrier, mais à une génération de femmes bien réelles, il apparaît « que les femmes qui ont des enfants aujourd’hui en ont autant que leur mère, mais elles les ont plus tard ». Effectivement, les femmes mettent au monde leurs enfants de plus en plus tardivement : l’âge moyen de la maternité est de 30,7 ans en 2017, alors qu’il était de 26,5 ans en 1977. Les femmes sont mères de leur premier enfant à près de 29 ans aujourd’hui alors qu’elles l’étaient à 24 ans en moyenne il y a quarante ans.

« L’examen de la fécondité par génération montre ainsi que les femmes nées en 1966, qui ont atteint 50 ans en 2016 et ont donc maintenant achevé leur vie féconde, ont eu en moyenne 2,02 enfants. Les femmes nées en 1976, qui ont eu 40 ans en 2016, en ont déjà 1,97, si bien que le total atteindra sans doute au moins 2 enfants à l’âge de 50 ans pour elles aussi », explique Gilles Pison.

Cependant, cette projection ne peut être illimitée dans la mesure où l’horloge biologique de la femme, elle, est limitée. C’est ce que souligne le sociologue Claude Martin : « Ne perdons pas de vue que les chances d’avoir des enfants après 40 ans diminuent. Sans parler des risques de stérilité chez les hommes et chez les femmes, en raison notamment des facteurs environnementaux ». En outre, cet indicateur longitudinal, fondé sur des données réelles, a l’inconvénient de ne pouvoir être mesuré que pour des générations ayant atteint ou dépassé l’âge de 50 ans. Il n’est ainsi pas encore possible de connaître la descendance finale des femmes nées en 1977, qui ont fêté leur 40e anniversaire en 2017.

Replacer les variations sur le long terme

Les deux scientifiques sont formels : nul besoin de s’alarmer outre mesure quant au renouvellement des générations. Gilles Pison invite à prendre du recul et à replacer les variations observées ces dernières années sur le long terme. « Depuis la fin du babyboom, le nombre de naissances est relativement stable. L’ICF de 1,88 enfant par femme est un intermédiaire entre deux extrêmes ». En effet, il se situe entre le taux de 1,66 enregistré en 1993 et celui de 2,02 enregistré en 2010. « Je ne pense pas qu’il diminue jusqu’à un niveau très faible en France. Notre pyramide des âges reste cylindrique à la base », explique le démographe.


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Une ombre au tableau, cependant, que ne manque pas de souligner le sociologue Claude Martin : la précarité des jeunes. La tranche des 25-35 ans, la plus à même de procréer, est aussi celle qui subit le plus les répercussions de la crise des années 2008-2010. « Décider d’avoir un enfant est le signe qu’on donne du crédit au futur », explique Claude Martin. « Mais le contexte économique actuel n’est pas favorable. La précarité des jeunes contribue à reporter, voire à compromettre, les projets de naissance ».

Influence des politiques publiques

Il est difficile de déterminer les causes des regains ou des chutes des niveaux de fécondité car de nombreux facteurs entrent en ligne de compte. Si le contexte socio-économique joue un rôle primordial dans la décision de donner naissance, de la reporter ou au contraire d’y renoncer, Claude Martin identifie un second facteur qui dépend directement des politiques publiques en direction de la famille et de l’enfance. Selon le sociologue, « on a plus facilement des enfants, si l’on sait que l’on va être épaulé. Non pas tant par un soutien monétaire, telles que les allocations familiales, mais surtout par l’accès à des services, à des solutions d’accueil de l’enfant ».


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La prévisibilité, en France, de ces services encourageait la fécondité. Notre État avait un avantage en la matière, par rapport à d’autres pays, dans la mesure où il offrait des réponses à ces problématiques. Cependant, la tendance actuelle « envoie les signaux d’une politique familiale un peu moins systématique, un peu plus ciblée, un peu moins vigoureuse, un peu moins permanente et peut-être même, susceptible de se réduire encore. Alors ceci, combiné avec la situation économique, donne deux explications abondant dans le sens où les jeunes générations reportent une naissance », analyse Claude Martin.

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