Sur la route de Saint-Jacques de Compostelle, le pèlerin emporte avec lui une crédentiale. Ce carnet, tel un passeport, permet au pèlerin de récolter les cachets des différents lieux d’étapes et montre de façon vivante tout l’itinéraire parcouru.Celui qui se met en route vers Compostelle emporte avec lui la fameuse credencial del peregrino. Se présentant sous la forme d’un long morceau de papier cartonné, cet objet est d’une certaine manière le passeport du pèlerin. En principe, ce dernier la présente à chaque étape. Son hôte (ou le curé des lieux, ou encore l’agent d’un office du tourisme…) appose alors un cachet dessus. Elle atteste de sa condition de pèlerin et de sa bonne foi et lui permet de bénéficier des gîtes et albergues mis à sa disposition. Elle peut s’obtenir auprès des associations jacquaires et constitue pour le pèlerin un souvenir formidable du chemin parcouru !
La crédentiale tire son origine de la lettre de recommandation que présentait le pèlerin du Moyen Âge afin de pouvoir passer sans encombre les nombreux contrôles qui jalonnaient les routes. Elle prouvait son état de pèlerin recommandable à ceux qui lui proposaient l’hospitalité et permettait de distinguer vrais pèlerins et vagabonds. Délivrée par les autorités ecclésiastiques, elle existe encore aujourd’hui sous le nom de créantiale. Elle exerce à peu près les mêmes fonctions que la crédentiale, si ce n’est qu’elle manifeste plus particulièrement la dimension spirituelle de la démarche du pèlerin.
Ultreïa !
Ultreïa est le cri du pèlerin. Il signifie “allons plus loin”. On n’en connaît pas l’origine exacte. Pour certains, l’expression viendrait du latin ultr, version raccourcie du mot ultra, qui exprimerait le dépassement, ainsi que de eia, qui peut être traduit par “allons !”. Ultreïa se traduirait donc par “allons plus loin !”. Chaque jour, le jacquet va plus loin, il dépasse ses peurs et son découragement et progresse sur son chemin vers Compostelle. C’est également un cri de ralliement, une façon de se reconnaître entre pèlerins et de s’encourager. Il est présent dans le chant des pèlerins de Compostelle.
La coquille et le bourdon
Ce tampon, qui vient de Castrojeriz, une commune située en Castille-et-León (près de Burgos), représente la célèbre coquille saint Jacques, symbole de tous les pèlerins, que traverse le bourdon (bâton de marche), auquel est accrochée une calebasse, ancêtre de la gourde. Le bourdon est le support du pèlerin durant sa route. Il lui sert d’arme contre les dangers et d’appui pendant la marche. De même que saint Jacques le majeur, saint Roch, natif de Montpellier, qui a mené une vie de pèlerin au XIVe siècle, est très souvent représenté avec un bourdon. Celui-ci est d’ailleurs souvent associé à la gourde, fabriquée avec une calebasse.
Saint Jacques
Ce cachet représente probablement saint Jacques, reconnaissable aux attributs du pèlerin : le grand chapeau orné d’une coquille ainsi que le bourdon. Saint Jacques le majeur, évangélisateur de l’Espagne et patron des pèlerins, est souvent représenté barbu et vêtu d’un long manteau, d’un chapeau à bords relevés frappé d’une coquille, d’une besace et d’un bourdon.
La croix de saint Jacques
On voit ici la croix de saint Jacques. Son origine remonte à l’Ordre de Saint-Jacques de l’Épée, également appelé Ordre de Santiago, un ordre religieux et militaire fondé dans l’Espagne médiévale. Les trois bras supérieurs de la croix sont ornés d’une fleur de lys, tandis que la pointe du bas en forme d’épée rappelle la dimension militaire de l’ordre.
Saint-Jean-Pied-de-Port
Au pied des Pyrénées, Saint-Jean-Pied-de-Port est une étape importante sur le chemin jacquaire puisqu’elle marque l’une des premières étapes du célèbre camino francés. Même si beaucoup de pèlerins se mettent en route à partir de là, le chemin commence réellement à Puente La Reina. Sur ce tampon, on voit un pèlerin de saint Jacques se tenant au côté des armoiries de la ville. À gauche, un blason, sur lequel on distingue saint Jean-Baptiste, tourné vers une tour crénelée qui représente le château couronnant la ville de Saint-Jean-Pied-de-Port à l’époque médiévale. Aux pieds du saint, un agneau. En-dessous de la tour, le blason du royaume de Navarre, représenté par les chaînes se rattachant au centre à une émeraude.
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Roncevaux
Roncevaux, moment légendaire dans l’itinéraire du jacquet. L’ascension jusqu’au col de Roncevaux, situé à plus de 1 000 mètres d’altitude, bien connu grâce à la Chanson de Roland, est considérée comme un moment fort. Elle marque le passage en Espagne. Pour le jacquet qui commence tout juste son pèlerinage, le trajet est généralement éprouvant. Mais pour celui qui a commencé son pèlerinage au Puy ou à Vézelay, il est bien plus aisé ! Autrefois, l’hôpital des pèlerins de Roncevaux distribuait jusqu’à 30 000 rations par an. La tradition hospitalière est restée très importante dans ce lieu.
San Juan de Ortega
Le monastère San Juan de Ortega, dans la province de Burgos, situé à environ 1 000 mètres d’altitude, est un haut lieu du camino francés. À quelques kilomètres de Burgos, ce monastère isolé reste préservé. L’église, qui date des XIIe et XIIIe siècles, a été construite par san Juan de Ortega (saint Jean des orties). L’histoire raconte qu’au XIIe siècle, ce disciple de Domingo de la Calzada part en pèlerinage à Jérusalem. Sur le trajet du retour, son bateau est pris dans une violente tempête. Il promet alors de faire ériger une chapelle s’il en réchappe. Une fois chez lui, il tient parole et fait édifier un sanctuaire dans le lieu qui à l’époque est rempli d’orties.
Les pèlerins d’Emmaüs
Ce tampon, qui provient d’une auberge de Burgos, en Espagne, représente les pèlerins d’Emmaüs. L’Évangile de Luc raconte l’histoire de ces deux disciples qui, après la Résurrection du Christ, marchent vers un village en compagnie de Jésus. Ils ne le reconnaissent pas, mais leurs cœurs brûlent en eux. Cette image illustre de façon tangible cette dimension du pèlerinage : se mettre en route vers Compostelle, c’est marcher en présence d’un Dieu peut-être invisible mais bien présent.
Nuestra Señora del Pilar
À Rabanal del Camino (province de León), cette auberge des pèlerins est placée sous le patronage de Nuestra Señora del Pilar (Notre-Dame du Pilier). À gauche de l’auberge, une Vierge à l’enfant est représentée entourée d’une immense auréole, le pied posé sur un pilier. Selon la légende, vers l’an 40, alors que saint Jacques tentait en vain d’évangéliser les habitants de l’Espagne, Marie lui serait apparue en haut d’une colonne d’albâtre, l’encourageant à poursuivre ses efforts. La basilique Nuestra Señora del Pilar, à Saragosse, est un haut lieu de la dévotion espagnole. Pilar est d’ailleurs un prénom très répandu chez les Espagnols.
Saint Nicolas de Flüe
Cette auberge paroissiale de Ponferrada, dans la province de León, en Espagne, est nommée ainsi en référence à saint Nicolas de Flüe, patron de la Suisse, en signe de reconnaissance envers un couple, Joseph et Ursule Leutenegger, qui ont contribué à l’installation de l’auberge. Cet ermite et mystique du XVe siècle était réputé pour avoir un très fort esprit de paix. Le jacquet en route vers Santiago ne recherche-t-il pas la vraie paix ?
La crédentiale, signe d’un chemin singulier
Les tampons varient selon les itinéraires empruntés, les maisons où le pèlerin s’est arrêté, les personnes qu’il a rencontrées. Il n’existe pas de typologie de la crédentiale, bien que certains cachets, plus particulièrement reconnaissables, fassent l’objet de la fierté du jacquet. La crédentiale est à l’image du chemin du pèlerin : unique. Elle porte dans ses encres le reflet d’un parcours à chaque fois singulier, celui d’hommes et de femmes en quête d’absolu.
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