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Love with the proper stranger, titre original de l’œuvre, fait partie du très beau cinéma parmi les oubliés des années 1970. Steve McQueen et Natalie Wood se répondent ici dans un jeu exemplaire. Les plans jouent avec eux et les révèlent tantôt fragiles, hésitants et nerveux, tantôt factices, maladroits et amoureux, dans une image en noir et blanc qui laisse dominer leur présence.
L’amour avorté
Alors que les débats sur l’avortement divisent encore et que le droit à celui-ci progresse toujours comme en témoigne le récent référendum irlandais, la redécouverte de ce film est bienvenue. Ce n’est ni un drame ni un moyen de propagande conservateur, ni encore un thriller sentimental. C’est plutôt une ode à la liberté et aux sentiments vrais, une plongée dans le réel et une initiation du passage de l’adolescence à l’âge adulte.
Angela, une jeune femme issue d’une famille catholique italienne, cherche à retrouver Rocky Papasano, un musicien de jazz, pour lui annoncer qu’elle est enceinte. Elle a besoin de son aide pour trouver un docteur capable de pratiquer l’avortement. Elle vit chez ses parents et lui chez une danseuse, entourée de ses chiens, qui travaille de nuit. Quand ils se retrouvent face à l’avorteuse, Rocky ne tient pas et force Angela à partir. À partir de ce moment, la famille d’Angela veut forcer le mariage, mais celle-ci, trop fière, rebute à se marier avec un homme qui lui "fait une faveur". Elle aurait voulu qu’il l’aime, comme elle et décide de s’assumer et de prendre son indépendance.
Ils ont tout des responsabilités d’un couple sans en être un, mais face à cette grossesse, ce problème à résoudre, Rocky revient vers Angela qui joue à se faire désirer. Une nuit passée ensemble, un enfant à venir et la possibilité du mariage font-ils le mariage ? Sans amour, celui-ci ne compte pas, il n’est pas valide, l’Église catholique est d’ailleurs intransigeante là-dessus. S’ils veulent s’aimer, tout le chemin reste à faire pour eux.
Une magnifique rencontre
Dans la majorité du film, les splendides acteurs Steve McQueen et Natalie Wood sont rarement face à face, ni côte à côte, ni jamais vraiment dans la même pièce, la rencontre est encore impossible. Cette femme à la fois déterminée et fragile a été déçue par l’amour. Lui se demande finalement quand il deviendra enfin un homme responsable. "Tu as le regard vitreux d’un homme mort", lui annonce-t-elle. Elle a peut-être le secret de la vie et il ne la quitte bientôt plus d’une semelle. La scène finale, assez touchante et drôle, montrera alors un Steve McQueen déterminé, bien que perdu dans une foule, brandissant une pancarte avec écrit : "Mieux vaut être un homme marié que ressembler à un homme mort", à l’intention d’Angela. Ils se font enfin face et partent ensemble, en s’éloignant de la foule pressée devant les grands magasins.
Le génie du film de Robert Mulligan ? Il est autant dans l’économie et l’efficacité des dialogues, que l’on doit au scénariste Arnold Schulman formé à l’Actors Studio, toujours en vie, que dans la captation des regards, des gestes, qui en disent plus longs que tous les mots possibles. Il en montre peu et parvient à en dire beaucoup. Il est dans la finesse des sentiments et dans l’évolution du scénario, inattendu par sa manière de saisir l’humain et d’utiliser les objets et l’espace. Quelques scènes sont de véritables leçons de cinéma, pour servir une véritable leçon de vie.
Natalie Wood a reçu un lot de récompenses pour son jeu, dont le Golden Globe et l’Oscar de la meilleure actrice pour ce rôle, Steve McQueen, le Golden Globe du meilleur acteur et Arnold Shulman l’Oscar du meilleur scénario original en plus d’une nomination pour le prix du meilleur scénario de cinéma au Writers Guild of America Award de 1964. C’est assurément un très beau film à ne pas oublier, qui évoque le thème de l’avortement mais surtout une belle histoire d’amour.