Cette Annonciation a été réalisée en 1486 par le peintre italien de la Renaissance, Carlo Crivelli. Originaire de Venise, il a suivi sa formation à Murano auprès de grands peintres comme Vivarini mais aussi à Padoue où il a eu l'occasion de rencontrer de grands maîtres comme Mantegna, Squarcione ou encore Donatello. Son style, immédiatement reconnaissable, se caractérise par une décoration et une ornementalité exacerbées comme en témoigne cette Annonciation, conservée à la National Gallery de Londres, et qui fait incontestablement partie de ses chefs-d'œuvre.
Une Annonciation mais pas seulement
Commandée pour l'église de la Sainte-Annonciation à Ascoli, le sujet du tableau évoque, bien évidemment, le thème de l'Annonciation. Mais en regardant de plus près, on se rend compte qu'un autre sujet y est évoqué, en lien avec un épisode majeur de la ville : la libération de la ville d'Ascoli. En effet, au XVe siècle, la ville est sous domination papale. En 1482, les habitants se libèrent de cette domination en achetant au pape Sixte IV le privilège de se gouverner en commune. Cette Liberta Ecclesiastica — on remarque cette inscription dans la partie inférieure du tableau — fut l'occasion pour les institutions religieuses et politiques de commander de nombreux tableaux pour commémorer cette libération.
Drôle de coïncidence : la lettre rédigée par Sixte IV leur annonçant leur autonomie, parvint aux habitants d'Ascoli le 25 mars soit le même jour que la fête de l'Annonciation. De ce fait, la ville décida que cette fête deviendrait la fête officielle de la ville.
Une composition rigoureuse
Ce hasard historique fait du tableau de Crivelli, une œuvre unique en son genre : il mélange ainsi à la fois la fête de l'Annonciation et un ex-voto. Même si ces deux événements sont rassemblés dans une même composition, le peintre a subtilement tenté de les distinguer par une construction géométrique ingénieuse. Dans la partie gauche du tableau, on distingue les rues de la ville d'Ascoli. Dans la partie supérieure, au dessus de l'arche, deux hommes sont en train de lire la lettre du Pape apportée par un pigeon voyageur. Dans la rue, un homme lève les yeux au ciel, comme s'il cherchait à distinguer ce fameux pigeon messager. De nombreux autres oiseaux sont visibles dans le tableau, posés sur des barreaux.
Ce thème du "messager" trouve son parallèle dans l'épisode de l'Annonciation. Toujours dans la partie gauche, on distingue l'ange Gabriel, agenouillé, venu annoncer la bonne nouvelle de la naissance du Christ à Marie. Près de lui, saint Emidius, patron de la ville, porte dans ses mains une maquette d'Ascoli. Pendant que ces deux personnes semblent être en grande conversation — étonnement l'ange ne s'adresse pas directement à la Vierge qu'il ne voit pas — cette dernière, située dans un intérieur, reçoit le rayon divin. La colombe de l'Esprit saint, placée au dessus d'elle, symbolise l'Incarnation. Elle a été choisie par Dieu pour porter le Sauveur.
Comme évoqué en introduction, le style de Crivelli se caractérise par une prolifération de détails. On peut ainsi remarquer les somptueux entrelacs qui décorent les parties architecturales mais aussi la multitudes d'objets et personnages qui agrémentent la scène. Parmi ces détails, notons la signature du peintre, au pied de l'une des deux colonnes qui encadrent la porte de la Vierge : "Opus Caroli Crivelli Veneti" et sur l'autre colonne "1486". Le peintre a également dispersé, ici et là, des objets à la symbolique forte : une pomme au pied de la composition symbolisant la rédemption et le Salut grâce à la venue du Christ et le paon, dans la partie supérieure, évoquant la Résurrection.
Oui, la Vierge Marie est une maman normale :