Aux premiers siècles de notre ère, sur les terres arides d’Orient, après le temps des ermites, sont apparues les premières communautés monastiques chrétiennes. Le monachisme, qui s’est ensuite implanté en Occident porté par de nombreux saints, a connu un essor exceptionnel durant tout le Moyen Âge et couvert les terres chrétiennes de monastères. Des établissements tout à la fois dédiés au recueillement, à la prière et au travail.Le monachisme occidental connaît plusieurs grandes périodes de développement. L’acte fondateur est celui de saint Benoît de Nursie, initiateur de la célèbre abbaye italienne du Mont Cassin, qui édicte, avec la règle bénédictine, dès le VIe siècle, les premiers principes de la vie « cénobitique ». Selon Bossuet, il s’agit d’un véritable « précis de l’Évangile » dont l’influence a été immense et s’est étendue jusqu’à nos jours. Cette règle doit rythmer la vie communautaire et amène moines et moniales à occuper leur temps dans la recherche de Dieu, partagés entre prière, travail (ora et labora) et étude méditative de l’Écriture sainte (lectio divina). Selon cette règle, la communauté monastique se doit de vivre dans l’ascétisme et doit tenter de développer son autonomie afin de préserver son isolement hors du monde et de ses péchés :
« Le monastère doit, autant que possible, être disposé de telle sorte que l’on y trouve tout le nécessaire : de l’eau, un moulin, un jardin et des ateliers pour qu’on puisse pratiquer les divers métiers à l’intérieur de la clôture. De telle sorte que les moines n’auront pas besoin de se disperser au-dehors, ce qui n’est pas du tout avantageux pour leurs âmes ».
La journée de travail est rythmée par la prière. La liturgie des Heures des monastères est répartie en sept offices qui réunissent la communauté autour de l’autel. Car en dehors du monde, le moine prie tout de même pour lui comme l’évoque Jean Climaque, moine syriaque au VIe siècle : “Par son pouvoir, la prière est le soutien du monde”.
Les VIIe et VIIIe siècles assistent alors à une éclosion désordonnée de communautés monastiques partout en Europe. C’est saint Benoît d’Aniane, proche du fils de Charlemagne, qui, lors du concile d’Aix en 817, cherche à unifier la pratique monastique. Celle-ci s’étendit encore au cours des VIIIe et IXe siècles. Au cours des siècles suivants, d’autres réformes voient le jour et font encore évoluer la tradition monastique. Éclosent alors de multiples ordres aux caractéristiques propres : la solitude silencieuse des chartreux, l’austérité cistercienne et avec saint François d’Assise, la pauvreté des ordres mendiants, franciscains, dominicains, carmes et augustins au XIIIe siècle qui acquièrent quant à ces derniers une importance considérable. Ensuite, la Contre-Réforme apportera un nouveau souffle aux communautés monastiques. On le voit donc, le monachisme n’est en rien un phénomène uniforme. Il est au contraire multiformes, riche de nuances et de multiples courants qui rencontrent cependant quelques rivalités. Toutefois, les monastères, malgré ces différences, se caractérisent par des traits communs.
Le cloître, lieu emblématique du monastère
Le monastère qui peut prendre d’autres appellations comme abbaye, prieuré ou couvent, selon leur taille et le type d’occupation, est dirigé par un supérieur ou un abbé. En règle générale, le centre du monastère est organisé autour de l’église qui réunit la communauté des moines ou des moniales lors de la prière. À côté est généralement accolé un cloître, espace de circulation qui permet de desservir les différentes ailes du monastère, mais également lieu important de vie spirituelle des religieux de la communauté. Il s’agit d’un espace ouvert sur le Ciel, mais coupé du monde, dans lequel chaque moine peut s’isoler pour méditer et prier dans cette figuration réduite du Paradis. Comme l’écrit Denis Tillinac dans son Dictionnaire amoureux du catholicisme :
“Il invite au plus beau des voyages, celui d’une oraison à ciel ouvert dans un abrégé de la paix céleste”.
Le cloître est sans doute le lieu le plus emblématique du monastère. Situé sur le flanc de la chapelle, il permet également d’y prolonger la liturgie. Il forme ainsi un intermédiaire entre le monde sacré et le monde profane.
Autour de cet élément central, on trouve les déambulatoires ; le dortoir, composé de cellules généralement proches de l’église ; les salles communes comme le réfectoire à l’architecture souvent soignée et de grande dimension, signe de l’importance du repas dans la vie chrétienne. On trouve ensuite la salle capitulaire qui sert d’espace de discussion pour la vie et la gestion de la communauté. Infirmerie, noviciat, bibliothèque, et espaces de travail occupent aussi une grande place au sein du monastère, auxquels s’ajoutent les bâtiments nécessaires à l’exploitation agricole : celliers, granges, pressoirs, porcherie… Car le monastère, en plus d’être un foyer de spiritualité, leur impose aussi un dur labeur au quotidien. Paysans, cuisiniers, artisans, brasseurs, boulangers… Chaque moine, fort de ses compétences particulières, contribue à la vie de la communauté religieuse mais doit trouver également dans son travail une source d’élévation spirituelle. La bonne organisation du travail collectif contribue à l’harmonie et à la paix du monastère, nécessaires à la prière.
Par leur nombre et leur organisation, les monastères acquièrent ainsi une importance considérable dans l’Europe médiévale, devenant de prospères établissements créateurs de richesses mais également des lieux de transmission du savoir. Ceci grâce à un travail insatiable, par les moines copistes, de retranscriptions de livres dans le scriptorium à une époque qui ne connaît pas encore les ressources de l’imprimerie. Ces moines deviennent alors de formidables transmetteurs du savoir et de la culture. L’idéal monastique, même s’il suscite actuellement moins de vocations qu’à son âge d’or médiéval, se perpétue encore aujourd’hui.
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