Il a fallu attendre le Moyen Âge pour que le tombeau de Jacques, l’apôtre du Christ, frère de saint Jean l’évangéliste, devienne un lieu de pèlerinage dans la ville espagnole de Compostelle.Légende ou vérité, c’est à l’époque de Charlemagne, en l’an 813, que l’ermite Pelayo signale à l’évêque Théodomire d’Iria Flavia l’existence de phénomènes surnaturels à Compostelle. Après avoir été guidé la nuit par une étoile vers une montagne inhabitée, il voit des lumières et entend le chant des anges, ce que soutiennent des paroissiens du voisinage. Ils se rendent alors sur les lieux et trouvent un mausolée. À l’intérieur se trouve un corps décapité tenant la tête sous son bras, l’évêque reconnaît le corps de saint Jacques et considère cette reconnaissance comme une révélation divine. Deux autres corps sont trouvés, identifiés comme ceux d’Athanase et Théodore, disciples de l’apôtre, ceux-là même qui auraient embarqué son corps vers la Galice après sa mort. Très vite, le roi Alphonse est tenu au courant, puis Charlemagne lui-même, signe que cette découverte prend beaucoup d’importance. Une église est construite autour du cimetière (compositum) par Alphonse, auquel il reconnaît des dons. Celle-ci deviendra la grande cathédrale de Santiago de Compostelle, après une deuxième construction.
Une théorie plus ancienne de l’existence du chemin de Compostelle tire son origine du Chemin des Étoiles, que suit effectivement le pèlerinage chrétien en Espagne, orienté d’est en ouest, suivant la Voie Lactée. De même se trouve non loin le Cap Finisterre considéré depuis toujours comme un endroit magique — il a d’ailleurs attiré l’attention des géographes et historiens gréco-romains. Les Romains y auraient trouvé un autel consacré au soleil (Ara Solis), érigé par les anciens peuples.
Du Moyen Âge à nos jours : deux âges d’or pour les pèlerins
La période du Moyen Âge est l’initiatrice de nombreux pèlerinages, le temps des dévotions et des pénitences. Le culte des reliques rend les lieux où elles se trouvent des motifs de voyages. Les premières basiliques, après les persécutions, sont bâties sur les cryptes où ont été enterrés des martyrs, pour consacrer une église on met également une relique dans l’autel. Les cathédrales et monastères prestigieux ont également de grandes collections des reliques, les foules affluent et les dons aussi. Les pèlerinages fleurissent ainsi à une période où la religion joue un rôle social très important. Ce contexte éclaire le fait que la découverte des reliques de saint Jacques a profondément ému et ébloui la chrétienté de l’Occident du Moyen Âge.
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Les pèlerinages s’intensifient au XIe siècle, grâce aux ordres religieux, à la noblesse et aux monarques qui apportent de l’argent pour la construction des hospices, ces importants lieux d’accueil pour les pèlerins. Avec Rome et Jérusalem, Compostelle devient l’un des trois plus grands centres de pèlerinage chrétien dans le monde. Il va même rapidement se placer en tête de ces destinations. L’an 1033 est le millénaire de la mort de Christ, et Jérusalem va connaître un flux de pèlerins très important. Mais les invasions de l’islam en Terre Sainte rendent bientôt ce pèlerinage difficile et risqué. Même les croisades n’arrivent pas à ouvrir de nouveau l’accès aux pèlerins. Ceux-ci se rabattent donc sur d’autres destinations moins lointaines et périlleuses comme Compostelle.
Un siècle plus tard, le pape Calixte II proclame que les années jacquaires — celles où le jour de la saint Jacques, le 25 juillet, tombe un dimanche — les pèlerins obtiendront l’indulgence plénière, qui efface tout péché et permet au fidèle d’accéder directement au paradis à la fin de sa vie. Le pape Alexandre III confirme ensuite ce privilège à Compostelle. L’année jacquaire arrivant environ une fois tous les six ans à Santiago alors que les années jubilaires à Rome n’arrivent que tous les 25 ans, le succès du pèlerinage de Compostelle n’en est que plus grand.
Entre les vagues de peste qui ravagent l’Europe au XIVe siècle et l’arrivée du protestantisme qui fait naître des luttes contre les indulgences, les pèlerinages commencent à faiblir. Cela entame des siècles d’indigence en nombre de pèlerins. Mais le véritable déclin de Compostelle a lieu au XIXe siècle, où seule une poignée de pèlerins est décomptée. Il faut attendre les XXe et XXIe siècles pour voir un renouveau et même un véritable engouement des fidèles vers Compostelle, toujours palpable aujourd’hui.
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