Rencontre avec ce chrétien d’Alep, formé en Suisse mais revenu en Syrie, son pays, pour soigner les siens pendant la guerre. Naim Marachaly, orthopédiste, est retourné à Alep en 1985 après avoir fait ses études universitaires à Lausanne, en Suisse. ِFamilier de la poliomyélite ou de la paralysie cérébrale, il n’avait été confronté qu’à très peu de cas d’amputations. Depuis son retour en Syrie, Naim a dû s’adapter à des cas hors-normes : des blessures de guerre et des amputations à la chaîne. Il aide désormais les Syriens qui ont perdu leurs jambes à marcher de nouveau. Aleteia l’a rencontré.
Aleteia : Dans quelles conditions avez-vous travaillé pendant la bataille d’Alep ?
Naim Marachaly : Ce n’était pas facile d’accéder à mon lieu de travail puisque les missiles tombaient partout et sans interruption. Plusieurs fois, ces missiles ont fait des dégâts dans mon atelier. Ne pas avoir d’électricité a compliqué les choses puisqu’il n’était plus possible d’utiliser l’ascenseur : les gens ayant perdu un membre devaient être portés sur des chaises ou sur le dos des personnes qui les accompagnaient.
Qui sont vos patients, de quoi souffrent-ils ?
Tous les patients que je reçois souffrent de blessures de guerre. Touchés par des missiles, des bombes, des mines, des éclats. Jusqu’à aujourd’hui, j’ai conçu et posé environ 190 prothèses. J’ai traité beaucoup d’enfants, de jeunes, de femmes. La plupart devaient être amputés d’un membre inférieur, peu d’un membre supérieur.
Comment leur rendez-vous l’usage de leurs membres ?
Je prends les mesures de mes patients pour leur fabriquer le membre prothétique et une fois mis en place, je leur apprends comment le porter et comment marcher avec. S’ils ont des problèmes, ils reviennent me voir. Mes patients deviennent, au fil du temps, de vrais amis.
Pour pouvoir travailler dans ces conditions et face à de tels cas, il faut aimer les gens autant que l’on aime son métier. Ce travail ne saurait se réduire à un simple gagne-pain. Je considère chaque individu comme un cas différent et un chef-d’œuvre unique qu’il faut aider pour qu’il retrouve une vie acceptable. C’est en travaillant ainsi que l’on peut faire l’impossible.
Les patients peuvent-ils payer facilement ces prothèses ?
Quand le dollar augmente, le prix des prothèses augmente. J’essaie d’avoir du matériel qui puisse convenir à la situation dans laquelle nous vivons. Beaucoup de personnes n’ont pas les moyens de se payer une prothèse. Parfois, de généreux donateurs paient le prix d’une prothèse, en partie ou même entièrement. Il arrive ainsi que des personnes viennent me dire : “Cette somme d’argent est à ta disposition, garde-la pour un patient qui n’aura pas les moyens”.
Comment trouvez-vous la force d’exercer un tel travail ?
Je porte toujours un chapelet en forme de bracelet autour de mon poignet. J’ai confiance en Dieu : je pense que ce chapelet joue un rôle très important quand les patients commencent à marcher. Beaucoup d’entre eux sont surpris de constater qu’avec moi, ils marchent deux heures après avoir mis leur prothèse et rentrent chez eux à pied. Je sens que quelqu’un est avec moi et m’aide : Dieu, la Sainte Vierge. Avant de commencer mon travail, je dis toujours “Ô Vierge Marie” afin qu’elle soit présente et m’aide.
Comment pouvons-nous vous aider ?
L’organisation “Rise Again”, créée par deux Syriens, paroissiens de la cathédrale Sainte-Anne des grecs melkite catholique en Californie, aident les jeunes enfants qui ont subi une amputation de leur membre inférieur à couvrir les frais d’une prothèse. Vous pouvez les aider et faire des dons ici.
Propos recueillis par Jala Kebbe.