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À l’ouest d’Alep, où la joie éclate et les yeux pleurent

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Charlotte d'Ornellas - publié le 21/12/16
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Rencontre avec ceux qui célèbrent la reprise de leur ville par l’armée syrienne.

De notre correspondante à Alep (Syrie). 

On passait la grande place de la ville d’Alep en courant et en rasant les murs il y a encore quelques semaines, en raison des francs-tireurs. Les Alépins s’y précipitent aujourd’hui, alors que des camions s’affairent à la nettoyer aussi vite que possible. À l’entrée d’une ruelle qui mène vers la vieille ville, le jeune Ahmad attend sur le pas de son magasin d’antiquités, qui est resté ouvert malgré la guerre, visité par quelques soldats russes présents dans la ville.

Son sourire en dit long : « Enfin, nous allons retrouver Alep » lance-t-il avant d’éclater de rire à l’évocation de la liberté promise par l’opposition. « Je suis musulman sunnite et je peux vous dire que je ne veux pas de cette opposition composée de terroristes qui n’ont cessé de viser et tuer des civils pendant quatre ans. » Quelques rues plus loin, la vieille ville offre un terrible spectacle : les rues autrefois visitées par des milliers de touristes sont méconnaissables, transformées en torrents de pierre par les bombardements. De nombreux Alépins reviennent voir ce quartier qui faisait leur fierté, et les regards sont humides. Lorsque l’on évoque avec eux les bombardements syriens ou russes, la réponse est toujours la même : « Les civils sont toujours les victimes innocentes des bombardements, mais ils étaient nécessaires en raison des exactions commises chaque jour par par ces terroristes. Ces gens étaient armés, nous non. Il fallait bien quelqu’un pour nous défendre », répètent-ils inlassablement, faisant à la fois preuve d’une immense compassion pour les civils des quartiers est de la ville.

« Nous sommes venus remercier l’armée »

Quelques mètres plus loin, une tout jeune homme se tient debout devant un mur en ruines, le regard vide et son portable à la main pour prendre quelques photos. « C’était le magasin de mon père dans lequel je travaillais. »

Au détour des rues, les jeunes se pressent avec leurs perches à selfies pour immortaliser le moment avec les soldats de l’armée syrienne. « C’est leur victoire et nous sommes venus les remercier », lance une femme au regard particulièrement ému, encadré par son hijab rouge.

La mosquée des Omeyyades, magnifiquement restaurée avant la guerre, est elle aussi dans un piteux état mais les familles s’y pressent pour prendre des photos, constater les dégâts et même prier pour certains, dans la cour. Derrière, on aperçoit déjà la Citadelle plurimillénaire, véritable joyau de la ville d’Alep. Imprenable, encore une fois, comme tout au long de son histoire. Le drapeau y flotte fièrement et les Alépins ont cette fois-ci de larges sourires en contemplant leur merveille retrouvée : située sur la ligne de front, la forteresse était inaccessible depuis plus de quatre ans.

De jeunes lycéens sont venus en classe, et l’un d’eux ne contient pas sa joie. Lorsqu’on lui demande si les rebelles n’auraient pas pu leur apporter un peu plus de liberté, la réponse est instantanée : « Ceux qui disent ce genre de bêtises auraient du venir vivre notre quotidien pendant ces trois dernières années ». Leur quotidien ? « La peur, en permanence, en raison des obus lancé aveuglément sur la partie ouest de la ville par ces rebelles. Nous partions à l’école le matin sans jamais savoir si nous rentrerions le soir. Ces terroristes ont détruit nos vies, nos familles, nos maisons, nos écoles… Comment voulez-vous que nous parlions de liberté ? »

« Nos vies ne valent donc rien ? »

Deux soldats s’avancent en demandant : « Vous êtes Français ? ». Devant la réponse positive ils enchaînent : « Dites à vos compatriotes de cessez leurs insultes à notre égard. Nous nous sommes engagés dans l’armée pour défendre notre pays, rien de plus. Vos soldats vous protègent contre l’islamisme, nous faisons la même chose en Syrie. Nous connaissons notre métier, les règles de la guerre et nous ne sommes pas les monstres que vous décrivez sans cesse ».

La couverture médiatique occidentale des évènements semble en exaspérer plus d’un, comme cet autre homme lui aussi ravi de pouvoir parler : « Nous avions une vie paisible, même imparfaite, avant la guerre et une ville sublime. Elle est totalement détruite et toutes nos familles sont endeuillées. Les imperfections condamnables du gouvernement méritaient-elles une destruction de notre pays et de nos vies ? C’est totalement absurde. »

Quelques jours avant Noël, la ville célèbre donc ce que ses habitants appellent sans détour une « libération » et les scènes de liesse se multiplient dans les rues. Les civils récemment évacués vers Idlib ont sans doute un avis différents, mais là encore, les habitants ont un commentaire à faire : « Ces civils partisans de l’opposition sont infiniment moins nombreux que nous et ils sont les seuls à avoir eu la parole sur vos télévisions pendant quatre ans. Nos vies ne valent-elles donc rien ? ».

L’heure est maintenant à la reconstruction, « des pierres et des cœurs » commente une mère de famille devant la citadelle. L’enjeu sera également la réconciliation de tous ces civils séparés pendant quatre ans, mais elle conclut confiante : « Nous y arriverons avec le temps, nous savions le faire il y a encore quatre ans ! ».

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