Le frère Adrien Candiard évoque une cohabitation nécessaire entre les religions sous peine de guerre civile.
Pour qu’Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l’avenir d’Aleteia deviendra aussi le vôtre.
*don déductible de l’impôt sur le revenu
Adrien Candiard est depuis dix ans frère dominicain, et réside au Caire. À l’occasion d’un séjour en France, cet islamologue, membre de l’Institut dominicain d’études orientales a donné plusieurs conférences pour répondre aux questions que beaucoup se posent sur la place de l’islam en France. Au couvent dominicain Saint-Thomas d’Aquin de Lille, jeudi 29 septembre, l’auteur de Comprendre l’islam (ou plutôt : pourquoi on n’y comprend rien), paru chez Flammarion en 2016, a développé une analyse nuancée sur ces questions, devant une assemblée de deux cents personnes attentives.
L’islam, un sujet aujourd’hui omniprésent
L’islam est un sujet qui devient omniprésent en France, et dont les termes reviennent en boucle dans tous les médias, sans prendre le temps de les définir ou de s’attarder sur le message véhiculé par une religion complexe. Pour le frère, il existe bien un socle commun de la religion islamique qui réside dans la révélation coranique, la référence au Prophète Mahomet, et l’attachement central à l’unicité divine. Ce qui explique la grande incompréhension des musulmans pour l’idée de trinité chrétienne. L’islam a longtemps su contrôler la diversité culturelle présente au sein de la religion… mais aujourd’hui, la régulation est en panne.
De multiples interprétations du Coran
La difficulté demeure dans le fait qu’il est difficile, si ce n’est impossible, de promouvoir une interprétation unique et fiable du Coran. Chiites, Sunnites, Wahhabites ne sont pas d’accord entre eux, et ces divergences ne font que s’accroître depuis l’invention de la branche salafiste, née à la fin du XIXe siècle. Malgré tout ce que l’ont peut penser des méthodes prônées par ce qui semble être une vision arriérée de l’islam, le salafisme est un mouvement moderne dans sa conception du monde. Il s’est constitué en réaction aux échecs des instances traditionnelles qui n’ont pas su faire de l’islam une force capable de résister à la domination militaire, technique et intellectuelle de l’Occident.
Un islam fantasmé
Les salafistes court-circuitent l’islam de leurs parents et de leurs grands-parents pour opérer un bond dans le passé, un retour à l’islam fantasmé des origines. Un islam pour lequel ce qui compte est le respect de règles et d’interdits pratiques – alimentaires ou vestimentaires. Une femme non voilée sera ainsi regardée comme une apostate (si elle est d’origine musulmane) ou une mécréante. L’islam traditionnel souffre de son incapacité à faire un lien entre l’islam théologique et le monde contemporain. Une part importante de l’islam réside dans la notion de soumission (traduction du mot arabe islam) : la barbe, pour l’homme, marque l’inscription physique de la soumission aux commandements de Dieu, de même que le voile, pour la femme, la soustrait aux regards impurs. Les actes comptent plus que la foi elle-même : le musulman ne sera jugé que sur ses actes.
Vers une guerre civile ?
Une personne du public s’interroge sur l’efficacité du dialogue inter-religieux. Le frère Candiard lui répond que les institutions ne luttent pas à armes égales puisqu’il n’y a pas de clergé musulman hiérarchisé comme ce qu’il peut exister dans l’Église catholique. Et affirme sa confiance dans le dialogue direct entre croyants plutôt que dans une discussion institutionnalisée. À l’opposé d’un Zemmour qui voit dans la religion musulmane un système politico-religieux fondamentalement incompatible avec la République française laïque, l’islamologue dominicain juge possible et nécessaire la cohabitation des musulmans avec les chrétiens et les Français athées ou d’autres confessions, sous peine d’une inévitable guerre civile.