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L’histoire de la France n’a pas commencé en 1792 avec la République, ni même en 496 avec le baptême de Clovis, mais dès les premiers siècles de l’ère chrétienne, quand des disciples du Christ accostent en Provence. La persécution s’abattant en Palestine, Marthe, Marie et Lazare quittent cette région pour trouver un lieu sûr. Avec eux les accompagnent Maximin, Sidoine et Marie-Madeleine. La tradition voit dans Maximin l’intendant de la famille de Lazare et dans Sidoine l’aveugle qui fut guéri au Temple par Jésus. Les six compagnons prennent un bateau qui les mène jusqu’en Occident en s’échouant dans le delta du Rhône. Marthe et Marie de Béthanie demeurent dans ce village, qui devient par la suite Les Saintes-Maries-de-la-Mer et qui connaît encore tous les ans à la fin août un grand pèlerinage de gitans. Lazare part évangéliser Marseille et en devient le premier évêque. Maximin évangélisa Aix-en-Provence, alors ville de garnison romaine, et en devint évêque. À sa mort, il fut remplacé par Sidoine, connu dans la région sous le vocable de Restitut et qui fut, avant Aix, évêque de Saint-Paul-Trois-Châteaux. Là aussi la toponymie conserve la mémoire de ces premiers chrétiens avec les villages de Saint-Maximin et de Saint-Restitut.
Quant à Marie-Madeleine elle se retira dans la montagne de l’arrière-pays de Marseille, dans une grotte (une baume en provençal) qui donna son nom au massif de la Sainte-Baume. Sentant la mort venir, elle descendit jusqu’au village où habitait Maximin et y mourut. Ses restes, ainsi que ceux de Maximin et de Sidoine, sont conservés dans la basilique de la ville.
Évangélisation de la Provence
La Provence est la plus romaine des provinces de la Gaule. Compte tenu de l’importance du port de Marseille et des échanges commerciaux entre les deux rives de la Méditerranée, il n’y a rien de surprenant que ces amis du Christ y soient venus s’y réfugier. Les cathédrales de Fréjus, d’Aix et d’Arles conservent des baptistères qui datent des premiers siècles du christianisme et qui ont probablement été bâtis sur des baptistères plus anciens encore. Il est toujours émouvant de les contempler en prenant conscience que dans cette fontaine sont nées, depuis deux mille ans, des générations de chrétiens.
Lacordaire fut particulièrement ému par le tombeau de Marie-Madeleine, qu’il nomma le troisième tombeau de la chrétienté, après celui du Christ à Jérusalem et celui de Pierre à Rome. La ferveur des fidèles qui, tous les 24 juillet, gravissent les 150 marches vers la grotte, comme les Ave d’un chapelet, rattache à la tradition bimillénaire du pèlerinage. Se rendre à la Sainte-Baume, c’est à la fois remonter aux sources de l’histoire du christianisme en France et en Occident et se placer dans le cours d’un fleuve qui irrigue le continent depuis vingt siècles.
Nombreux sont les rois qui sont venus à la Sainte-Baume : saint Louis, Louis XI, François 1er, Charles IX, Henri III et Louis XIV. C’est le pèlerinage du peuple et des rois pour l’histoire d’un sanctuaire et d’une basilique qui a connu tous les drames du pays, des invasions aux guerres civiles. Au VIIIe siècle, la Provence est sous le feu des incursions sarrasines. Nombreux sont les villages de la côte qui sont attaqués et pillés, les Sarrasins réalisant des raids jusqu’à l’intérieur des terres. Pour protéger les reliques de Marie-Madeleine, les moines cachent ses ossements sous terre en plaçant un parchemin d’authentification dans le cercueil. Quand la paix revient, la mémoire de la cachette s’est perdue. C’est finalement le frère de saint Louis, Charles d’Anjou, roi de Sicile et comte de Provence, qui fait réaliser des fouilles pour tenter de retrouver le précieux reliquaire. Celui-ci est découvert en 1279 et translaté dans la basilique, qui est alors restaurée et agrandie. Le sanctuaire de la Sainte-Baume a souffert des guerres civiles du XVIe siècle, de la Révolution et de la nationalisation des biens du clergé, des incendies et des destructions, qui se sont toujours conclues par des restaurations et des relèvements.
Les précieuses reliques de la basilique
Longtemps, la basilique fut placée sous la protection des moines de l’abbaye Saint-Victor à Marseille. Une immense et imposante abbaye qui domine le vieux port, fondée au Ve siècle par le grand intellectuel Jean Cassien. De cette abbaye est sortie toute une génération d’intellectuels chrétiens qui ont contribué à inculturer la foi dans la pensée romaine. Il fallait le creuset de Marseille, toute à la fois grecque et romaine, pour contribuer à cette cristallisation du christianisme dans la romanité.
La crypte est le cœur de la basilique. Pièce basse et étroite, elle comprend quatre sarcophages chrétiens des premiers siècles, ainsi que le reliquaire de Marie-Madeleine. Outre un crâne, il contient le Noli me tangere, un bout de chair qui se serait détaché de la tête de Madeleine quand le Christ la toucha de sa main le jour de la Résurrection. Ces insignes reliques sont sorties tous les ans pour être adorées par les fidèles et portées en procession dans les rues de la ville et jusqu’à la sainte grotte. Rares sont les lieux qui ont une telle histoire ; et une histoire vivante de plus de deux mille ans.