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Un éloge des chrétiens en politique… qui fait mal !

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Philippe Oswald - publié le 20/04/16
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Alors que les catholiques semblent renouer avec l’engagement politique, le dominicain Thierry-Dominique Humbrecht les y encourage à sa façon : abrupte et sans concession. Les catholiques des jeunes générations semblent plus conscients que leurs aînés que la politique est “la forme la plus élevée et exigeante de la charité” (Paul VI, récemment cité par le pape François). Ils ont constitué le gros des effectifs des Manifs pour tous ou des Veilleurs, et ils se sont mobilisés sur les réseaux sociaux, notamment en relayant  les alertes bioéthiques lancées par Alliance Vita, la fondation Jérôme Lejeune, ou le Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ : European Center for Law & Justice). Il s’agit néanmoins d’effectifs encore modestes, de minorités généralement constituées de catholiques pratiquants. C’est pour les conforter dans leurs engagements et pour grossir leurs rangs que l’abbé Grosjean a récemment publié : “Catholiques, engagez-vous !”.

Un appel rugueux au réalisme

Cet appel à la mobilisation peut être utilement complété par l’Éloge de l’action politique du dominicain Thierry-Dominique Humbrecht. Celui-ci propose une méditation philosophique sur les ressors, les moyens et les fins de l’action. Il examine les finalités du politique, la légitimité de l’ambition, pèse le nécessaire et le possible, la recherche des terrains d’entente… Il prévient aussi contre le rêve romantique de rétablir une “chrétienté dans un pays apostat”. Bref, il appelle au réalisme et à l’efficacité, et plaide pour un engagement durable des catholiques qu’il qualifie un peu rudement d’ “intermittents du réveil”.

C’est sans doute pour maintenir ce (trop) petit troupeau en éveil que le père Humbrecht manie volontiers la pique et le paradoxe. On comprend son souhait qu’il y ait dans les rangs catholiques davantage d’apprentis philosophes, enseignants, historiens, journalistes, et moins de candidats aux écoles de commerce, car cette formation les rendrait “inoffensifs pour les combats d’idées à venir”. On comprend moins qu’il semble leur reprocher de vouloir se marier et “s’obstiner” à désirer des enfants, “des bébés fabriqués à l’ancienne” (faudrait-il préférer la PMA ?). Comme si les nuits blanches des jeunes parents -qui, heureusement, n’ont qu’un temps- étaient davantage préjudiciables à l’engagement social et politique que les nuits des “trentenaires branchés, célibataires, friqués mais politiquement corrects et sexuellement incorrects” supposés, eux, “penser le monde”. Éduquer des enfants, cher père, n’est-ce pas déjà faire œuvre politique ? Notre société ne souffre-t-elle pas par-dessus tout d’avoir négligé cette première et indispensable étape ?

L’idolâtrie du “politique d’abord”

On ne peut cependant que partager le désir de l’auteur de tordre le cou à l’amateurisme qui envoie au casse-pipe médiatique ceux qui s’illusionnent sur leur capacité à se lancer dans l’arène sans une solide préparation. Il faut du temps, de l’expérience, et même, si l’on en croit Aristote, quelques cheveux blancs, pour briguer les plus hautes fonctions en politique, mais cela se prépare de longue date et se pratique en gravissant patiemment les échelons… quand on est appelé à monter plus haut. Plus profondément, et c’est ce que nous avons trouvé pour notre part le plus éclairant dans cet essai, la réflexion finale sur le thème “société, chrétienté, Église” mérite d’être lue et relue pour libérer les chrétiens de l’idolâtrie du “politique d’abord” en leur rappelant que “la politique est œuvre humaine, quand la vie chrétienne est œuvre divine”. En d’autres termes, “la finalité éternelle de l’homme précède et dépasse son ordination à l’ordre politique”. “Il ne s’ensuit pour les chrétiens aucune démission politique, bien au contraire, mais la politique se voit ainsi mise à sa place, toute sa place, mais rien qu’elle”.

Fondation, confrontation, évangélisation

À quoi les chrétiens sont-ils tous appelés, en définitive ? À conjuguer les éléments suivants, répond Thierry-Dominique Humbrecht : “… une fondation, le retour aux liens religieux, sociaux et humains d’une civilisation (…) ; une confrontation, la nécessité de devenir partenaires de la culture, d’argumenter et de débattre ; une évangélisation, dynamisme de proposition explicite du message et de la personne du Christ…” Vaste programme, mais qui n’a rien de facultatif – étant entendu que “l’Évangile n’assure nullement les victoires terrestres. En revanche, il invite les chrétiens à agir toujours en chrétiens, justement parce que la victoire relève de l’éternité… ” N’est-ce pas la meilleure raison de rompre avec le découragement, l’amertume et la culpabilité ?

 

Éloge de l’action politique, de Thierry-Dominique Humbrecht. éditions Parole et Silence, 150 pages, 18,00 €

 

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