À l’image du Pérou, les catastrophes environnementales se multiplient en Amazonie, affectant notamment les populations indigènes. Mais l’Église latino américaine veille au grain.Depuis début janvier, plusieurs graves avaries se sont produites sur des oléoducs traversant la forêt amazonienne du Pérou. Dans la région de Loreto, au nord-est du pays, près de 60 000 personnes, en grande majorité des populations indigènes, ont été affectées par des nappes d’hydrocarbure, polluant les cours d’eau indispensables pour la vie de ces populations.
Le gouvernement a pourtant attendu près de deux mois pour déclarer “l’état d’urgence environnemental”. La décision a été publiée dimanche 28 février au Journal officiel péruvien. Elle a permis de déclencher le lancement de diverses opérations d’aide humanitaire et d’assistance pour des opérations de nettoyage. Pas vraiment du luxe pour une situation jugée “extrêmement grave” par nombreux experts de l’environnement du Pérou.
L’Église péruvienne a condamné cette catastrophe écologique et s’est mobilisée pour soutenir les populations affectées. Elle a pu également compter sur l’appui du Réseau ecclésial pan-amazonien (Repam). Créé en septembre 2014 avec l’assentiment du pape François, le Repam s’est fixé comme objectif de faire entendre la voix de l’Église dans une région menacée par le changement climatique et par le pillage de ses richesses naturelles. Une mission capitale pour Mgr Pedro Barreto, archevêque de Huancayo, au Pérou, l’un des fondateurs du Réseau ecclésial pan-amazonien (Repam).
Aleteia: Comment est née l’idée du Repam ?
Mgr Pedro Barreto: Le Repam est né de plusieurs constats. D’abord, le fait que l’Eglise, depuis l’époque de l’évangélisation, a toujours été présente en Amazonie. Ensuite, cette partie de la planète et de la biomasse où s’exprime la vie dans son immense diversité est un don de Dieu. Le bassin amazonien, ou Pan-Amazonie, est un immense territoire de 7,7 millions de km2, peuplé de plus de 35 millions d’habitants. Mais le plus important sans doute c’est que l’Amazonie produit plus de 20% de l’oxygène mondial. Autrement dit, chaque humain respire une fois sur cinq grâce à l’Amazonie. Il est également très important de rappeler que cette zone est habitée par des personnes de cultures diverses et avec une chose que nous devons apprendre : les indigènes vivent dans une harmonie que je qualifierais de quasi parfaite avec la nature. L’Amazonie est notre maison commune. Mais c’est une maison dangereusement affectée par les grands projets d’extraction des ressources naturelles et les monocultures, et où le droit à l’auto-détermination des peuples est ignoré.
Concrètement, comment ce réseau a-t-il vu le jour ?
J’ai été président de la Commission de Justice et Solidarité du Conseil épiscopal latino américain (CELAM). Et nous avions une priorité pour les quatre ans à venir : faire une sorte de guide pastoral sur la manière d’agir face aux conflits liés à l’extraction minière et pétrolière. Nous nous sommes rendu compte que l’Amazonie aujourd’hui est le lieu de la planète le plus convoité par les investisseurs. Nous avons donc établi un contact avec divers prélats de la région amazonienne et c’est de là qu’est née l’idée de créer un réseau afin de donner une visibilité à tous les conflits dans la région et de faire entendre la voix de l’Église. Il y a eu une série de réunions en 2013 et, en septembre 2014, nous avons donc créé le Repam.
Quels sont les objectifs du Repam ?
Le Repam a pour objectif de répondre à la nécessité urgente de protéger la vie en harmonie avec la nature, à partir de la présence diffuse et multiple de l’Eglise en Amazonie. Ce réseau a pour mission de sensibiliser le monde sur l’importance de l’Amazonie pour le reste de la planète et pour l’humanité toute entière. L’idée de base qui a présidé à la création de ce réseau est d’organiser une pastorale qui, dans le respect des spécificités locales, favorise un modèle de développement au service du bien commun, dans lequel les pauvres sont au centre des préoccupations. Nous avons donc déterminé plusieurs axes de travail et d’actions comme par exemple les droits humains, l’environnement, le plaidoyer, etc. Le tout avec une perspective de spiritualité écologique.
Pourquoi y a-t-il urgence pour l’Église de s’impliquer en Amazonie ?
La présence de l’Église dans cette région comme ailleurs est fondamentale car la faim irrationnelle et irresponsable des ressources naturelles est en train de dévaster la terre. Et les effets les plus brutaux retombent sur les plus pauvres, les plus éloignés, les exclus.
Vous avez présenté le Repam au pape François à Rome, en mars 2015. Quelle a été sa réaction ?
Elle a été excellente ! Mais nous savions depuis le lancement du Repam que nous avions son appui. À l’époque de sa création officielle, à Brasilia, le Saint-Père nous avait envoyé un message d’encouragement et dépêché un de ses représentants depuis Rome. Nous savions déjà qu’il travaillait à l’encyclique Laudato si’. Nous n’en connaissions certes pas le contenu, mais déjà, depuis sa prise de fonction en mars 2013, il avait eu des prises de positions très claires sur la nécessité de préserver la maison commune. Et ce n’est pas une idéologie comme certains aiment à le dire, mais tout simplement la parole de Dieu, la Genèse. Donc nous souhaitions offrir au Saint-Père une proposition pastorale de réseau. Car le Repam n’est pas une institution mais bien un espace de dialogue, de concertation, d’appui mutuel.
Près d’un an et demi après sa création, comment qualifier l’action du Réseau ecclésial pan-amazonien ?
Le Repam est l’une des contributions de l’Église à la nécessaire protection de l’Amazonie. Mais nous restons humbles. Car l’Église ne va pas en Amazonie avec les valises toutes prêtes, comme ceux qui viennent pour exploiter les richesses et puis s’en vont. En étant aux côtés des hommes et des femmes qui vivent dans ce poumon de la biodiversité de la planète, nous voulons écouter leur cri et accompagner leurs espérances, en mettant en pratique les orientations de Laudato si’. Aujourd’hui, je suis convaincu que l’Église est devenue un interlocuteur incontournable lorsqu’il s’agit de parler de l’Amazonie.
Propos recueillis par Jean-Claude Gerez