La Tradition recommande de communier au moins une fois par an, à l’occasion de la résurrection du Christ. Trop ou trop peu ?
“Pour l’Église primitive à ses débuts, quand la ferveur chrétienne était intense, les fidèles devaient communier tous les jours. Le pape Anaclet avait rappelé l’importance de la communion pour les Apôtres, pour tous ceux qui ne veulent pas être exclus de l’assemblée des fidèles. La ferveur de la foi s’étant ensuite amoindrie, le Pape Fabien autorisa un minimum de trois communions par an, à Pâques, à la Pentecôte et à Noël. Le pape Sôter rajouta également la Cène du Seigneur (le Jeudi Saint, ndlr). Par la suite, face à la multiplication des comportements d’iniquité et de manque de charité, Innocent III décida que les fidèles devaient communier au moins une fois par an, à Pâques. D’autres documents conseillent toutefois la communion tous les dimanches.”
Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, III, q. 80, a. 10, ad 5
L’Église, on le voit, a évolué au gré du contexte historique et des baisses ou regains de ferveur de ses fidèles. Elle essaye de proposer depuis l’aube de son Histoire une discipline sacramentelle de juste mesure. Bien loin d’une forme de laisser-aller face à l’Eucharistie que beaucoup de pêcheurs reçoivent sans aucun scrupule ni examen de conscience, le quatrième concile de Latran avait ainsi établi que chaque fidèle, homme ou femme, ayant atteint l’âge de raison, “devait confesser loyalement tous ses péchés au minimum une fois par an, et recevoir à Pâques au moins le sacrement de l’Eucharistie, à moins que le prêtre ne lui conseille de s’en abstenir un certain temps, pour des raisons valables” (IVe Concile du Latran, cap. 21: DS 812).
Toutefois, au fil des siècles, le peuple chrétien a intégré une vision rigoriste de l’Eucharistie, aggravée encore avec l’hérésie janséniste au XVIIe siècle. Dans De la fréquente communion, Antoine Arnauld allait jusqu’à écrire que, pour communier, il fallait non seulement n’avoir commis aucun péché véniel, mais s’être acquitté des peines applicables à ses péchés. Ce livre, qui eut un certain succès en France, éloigna les fidèles de la Sainte Communion et poussa, à la fin du XIXe siècle, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus à regretter de ne pouvoir recevoir Notre Seigneur aussi souvent qu’elle l’aurait voulu. Ainsi, dans Acte d’Offrande à l’Amour Miséricordieux, elle écrit : “Ah ! Je ne peux pas recevoir la Sainte Communion aussi souvent que je le désire, mais, Seigneur, n’êtes-Vous pas Tout-puissant ? Demeurez en moi, comme dans le tabernacle, que je ne sois jamais éloignée de votre sainte Hostie…“.
Saint Pie X, “Pape de l’Eucharistie”
Plus tard, répondant à l’appel de la sainte carmélite, le pape saint Pie X encouragea la fréquence de la communion, avec divers décrets et discours qui lui valurent le surnom de “Pape de l’Eucharistie”, comme le document Sacra Tridentina Synodus, du 20 décembre 1905 (“Une communion fréquente et quotidienne (…) doit permettre à tous les fidèles en état de grâce, aux intentions pures et pieuses, d’accéder à l’autel sacré”) ou encore le décret Quam Singulari de 1910, sur l’importance de la communion pour les enfants. Ces enseignements encadrent aujourd’hui encore la Tradition de l’Église catholique.
L’Église ne pose plus de limite à la communion eucharistique mais formule une pratique minimum, dont le Catéchisme atteste : “Tout fidèle est tenu par l’obligation de recevoir la Sainte Communion au moins chaque année à Pâques” ce qui “garantit un minimum dans la réception du Corps et du Sang du Seigneur en liaison avec les fêtes Pascales, origine et centre de la liturgie chrétienne” (CEC n°2042). “Ce précepte – précise le Code du Droit Canonique – doit être rempli durant le temps pascal, à moins que pour une juste cause, il ne le soit à une autre époque de l’année.” (n°920, §2).
Qui se contentera dès lors de n’offrir qu’un minimum à Dieu quand, fervent croyant animé du désir toujours ardent de se sanctifier, la communion fréquente lui tend les bras ?