"En ces jours-là, Jésus s’en alla dans la montagne pour prier, et il passa toute la nuit à prier Dieu. Le jour venu, il appela ses disciples et en choisit douze auxquels il donna le nom d’Apôtres : Simon, auquel il donna le nom de Pierre, André son frère, Jacques, Jean, Philippe, Barthélemy, Matthieu, Thomas, Jacques fils d’Alphée, Simon appelé le Zélote, Jude fils de Jacques, et Judas Iscariote, qui devint un traître" (Luc 6, 12-16).
Simon et Jude sont les moins connus des apôtres, même s’ils ont accompagné Jésus pendant sa vie publique. Je les fais parler dans mon livre Jésus raconté par ses proches. Selon la tradition, ils auraient évangélisé ensemble la Perse et y seraient morts martyrs. Jude est plus populaire que Simon auprès des fidèles puisqu’il est considéré comme le saint protecteur des causes difficiles ou désespérées.
Simon le Zélote
Simon est un Judéen. Matthieu et Marc le surnomment "le cananéen" (Mt 10, 4; Mc 3, 18). Luc l’appelle "le Zélote", non seulement parce qu’il est vaillant, mais parce qu’il a probablement fréquenté le groupe des zélotes qui luttait contre l’envahisseur romain. Benoît XVI apporte une nuance :
"En réalité, les deux qualificatifs sont équivalents, car ils signifient la même chose. En hébreu, en effet, le verbe « kana » veut dire « être jaloux, passionné ». Il est donc bien possible que ce Simon, s’il n’appartient pas proprement au mouvement nationaliste des zélotes, ait été au moins caractérisé par un zèle ardent pour l’identité juive, donc pour Dieu, pour son peuple et pour la loi divine" (Audience du 11 octobre 2006).
Et le pape émérite de conclure que Simon se situe aux antipodes du publicain Matthieu, qui était impur selon la loi juive. Jésus appelle qui il veut et il soude dans un même groupe des hommes très différents pour travailler ensemble à son royaume d’amour qui n’est pas terrestre mais spirituel.
Comme les autres apôtres, Simon a suivi Jésus dans son ministère de prédication. Plus que des idées, le Galiléen rendait libre par ce qu’il était. Il faisait vivre de la vie même de Dieu. Simon a vu ses miracles qui témoignaient de la présence de Dieu, au-delà de tout mérite et de tout légalisme. Ils suscitaient l’enthousiasme et cachaient une autre puissance, celle de l’amour. Le Zélote en aura été témoin jusqu’à la fin de sa vie, devenant un écho vibrant au cœur doux et humble de Jésus.
Simon a posé sa pierre à sa manière pour bâtir le royaume de Dieu. Avec le Maître, il a appris à prier, non pas à la hauteur de sa suffisance, mais dans les profondeurs de son cœur. Il a renoncé à ses propres sécurités pour suivre Jésus jusqu’à sa croix. Il a délaissé la violence pour vivre l’aventure du pardon et l’abandon confiant à la miséricorde divine.
Jude le Thaddée
Matthieu et Marc appellent Jude, "le Thaddée", ce qui signifie courageux. Au Cénacle, il est présenté par Luc comme le "fils de Jacques" (Ac 1, 13). Plusieurs auteurs ont vu en lui le frère de Jacques d’Alphée, dit le mineur, donc le cousin de Jésus (Mt 13, 55). Je penche également vers cette hypothèse. Jacques dirigea la communauté de Jérusalem et mourut en 62 sur ordre du grand-prêtre.
Jésus vint plusieurs fois à Nazareth, où il avait grandi avec ses cousins. Un jour de sabbat, le chef de la synagogue l’invita à prendre la parole. Il se leva pour faire la lecture, ouvrit le rouleau sacré, et lu Isaïe : "L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur." (Lc 4, 18-19)
De nombreux auditeurs étaient frappés d’étonnement : "N’est-ce pas là le fils de Joseph ?" (Lc 4, 22). Ils étaient profondément choqués à son sujet, car ils ne le comprenaient pas. Ils s’étaient fait une image si familière de lui, qu’on ne voyait pas que le fils de Joseph et de Marie puisse parler avec une telle autorité. Ils connaissaient sa famille, comment pouvait-il accomplir des miracles ? Leur réaction était tout à fait naturelle. Jude savait que sans la foi, nul ne pouvait reconnaître que Jésus était le Messie.
Jésus ne voulait pas qu’un seul des enfants de son Père ne se perde. À son dernier repas, Jude lui posa une question pour qu’il précise un peu mieux sa venue avec le Père : "Seigneur, que se passe-t-il? Est-ce à nous que tu vas te manifester, et non pas au monde ?" (Jn 14, 22) Il lui répondit : "Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé. Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit." (Jn 14, 23-26)
Le don de l’Esprit leur sera d’un grand secours après sa résurrection. Mais au moment de la Passion, ils s’enfuiront, sauf Jean. Après la Pentecôte, Jude et les apôtres prendront la route pour annoncer la bonne nouvelle du salut. L’Esprit insufflera en eux une force pour qu’ils soient au milieu du monde les témoins de la résurrection du Christ.
Origène et Tertullien attribuent à Jude la courte lettre adressée aux fidèles de la communauté chrétienne. Thomas d’Aquin se réfère à Bède le vénérable pour affirmer que Jude et Thaddée sont la même personne, qu’il est le frère de Jacques le mineur, cousin germain de Jésus, et l’auteur de l’épitre qui se termine par cette louange à Dieu :
"À Celui qui peut vous préserver de la chute et vous faire tenir debout, irréprochables et pleins d’allégresse, en présence de sa gloire, au Dieu unique, notre Sauveur, par notre Seigneur Jésus Christ, gloire, majesté, souveraineté, pouvoir, avant tous les siècles, maintenant et pour tous les siècles. Amen."
Article tiré du blogue de Jacques Gauthier.