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La mort de Louis XIV, “apogée et crépuscule de la royauté”

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Jean Muller - publié le 12/10/15
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Pour le tricentenaire de la mort de Roi Soleil, Joël Cornette revient avec méthode sur le plus long règne qu’ait connu la France.À l’été 1715, le roi est à nouveau malade. Les médecins ont tout essayé. Le 25 août commence l’agonie royale. Une agonie qui est une grande cérémonie, celle de la mort. Ce sera la dernière d’un règne tout en spectacles et en représentations. Celle-ci n’échappe pas à la règle. C’est plein de sérénité, de maitrise et de confiance en Dieu que le roi affronte cette dernière épreuve. Conscient de l’imminence de son trépas, Louis XIV accomplit sa charge jusqu’au bout, donne encore des ordres et fait ses adieux aux grands du Royaume. Le duc d’Orléans, futur Régent, ses cousins le duc du Maine et le comte de Toulouse ou encore la dévouée Mme de Maintenon reçoivent ses dernières recommandations. Six jours plus tard, le roi s’éteint. Après un règne personnel de 54 ans, de 1661 à 1715, “le dimanche 1er septembre, au moment ou l’horloge de la chapelle neuve frappait huit heures un quart, après quelques petits soupirs et deux hoquets, sans agitation ni convulsion, Louis XIV rendit l’âme sans aucun effort, comme une chandelle qui s’éteint”.

La réaction de la population ne se fait pas attendre. C’est une véritable explosion de la parole critique qui a lieu. Après 54 ans de pouvoir absolu, les langues se délient et les moqueries abondent. “Louis le Grand” est raillé, surnommé “Louis le Petit”. Signe que la mort du roi est également la fin d’un siècle, la mort d’un monde. La monarchie a connu son apogée, voilà son crépuscule. C’est ce qui autorise l’historien Joël Cornette à publier La mort de Louis XIV dans la collection “Les journées qui ont fait la France” chez Gallimard. L’occasion de distinguer l’héritage du Grand Siècle et la conception du pouvoir léguée par Louis XIV.

Un pouvoir absolu

Louis XIV, c’est les fastes de la cour, c’est l’apogée de la civilisation occidentale et du rayonnement de la France en Europe, mais c’est surtout le triomphe du pouvoir absolu. En 1661, fidèle au conseil de Mazarin qui l’incitait à gouverner de lui-même, Louis XIV refuse la subsistance du poste de Premier ministre et restreint le Conseil. Il est l’exécutif incarné. Rien ne doit lui échapper. Despote ? Loin s’en faut. Il écoute attentivement sa garde rapprochée avant de prendre ses décisions. Lui et les trois ministres qu’il s’est choisi, Le Tellier, Lionne et Fouquet, forment le Conseil d’en haut. Fin politique, le roi ne s’entoure que de roturiers. L’origine modeste de ses collaborateurs servant de garantie contre les coups de poignards dans le dos. L’objectif est avoué, “une autorité sans partage, une et indivisible : voilà la maxime fondatrice de la souveraineté absolue que le roi entend pleinement assumer et exercer”.

Un pouvoir concentré dans les mains du roi et de ses principaux ministres, voilà peut-être la conséquence du souvenir de la Fronde. Le roi, alors très jeune, aurait été très marqué par son départ forcé lors de la nuit du 5 au 6 janvier 1649 de Paris pour Saint-Germain-en-Laye. Le pouvoir royal ne doit en aucun cas être concurrencé par celui des princes. Pas plus que par celui des parlements, privés de leur titre de cour souveraine. À partir de 1673, les droits de remontrance des parlements sont supprimés. C’est cette longue concentration des pouvoirs qui expliquera les critiques faciles qui surgiront à la mort du roi. D’autant plus que le royaume aura eu à affronter plusieurs années de disette et de misère, en 1692-1694 et 1709-1711.

La représentation et la grandeur

Le règne de Louis XIV est un règne de guerres, guerre de succession au trône d’Espagne, guerre contre Ligue d’Augsbourg, autant de conflits qui permettent l’affirmation du pouvoir. Dirigeant lui-même les combats, Louis XIV œuvrait déjà pour l’histoire, lui qui “conçut sa vie publique comme une représentation”. Il s’agissait pour lui de “faire le roi”. Occupant toujours une place éminente dans la vie publique, les arts et les cérémonies, signifiant continument sa domination, l’œuvre de Louis XIV est également celle de “la fabrique de la grandeur”, selon Joël Cornette.

Roi de guerre, Louis XIV est plus que le premier des bellatores. Il est aussi le “Très Chrétien”. Souvent acerbe, Saint-Simon concède que le roi ne manquait jamais la messe quotidienne. “Je continuais à vivre pour les exercices de piété, dans la même régularité ou la reine mère m’avait fait élever”, écrit le roi dans ses Mémoires. Sa discipline est stricte et ascétique. Intransigeant, tout comme son siècle. Le XVIIe, c’est l’époque des tragédies classiques de Racine et de Corneille, des amours impossibles et du devoir d’État. Comme le dit magnifiquement Joël Cornette, “dans la Rome des césars comme dans la France des Bourbons, la raison d’État devait l’emporter sur la raison du cœur et la discipline politique sur l’abandon aux passions”.

La fin d’un monde

Le roi mort le 1er septembre, la séance du parlement du 2 septembre est une entrée dans un monde nouveau. Un véritable coup d’État. Le testament de Louis XIV n’est pas respecté, la Régence qui se met en place n’est pas celle qu’il avait voulue. Les droits de remontrance sont rétablis et les bâtards, Toulouse et Maine, pourtant élevés à la succession du trône, sont destitués de cette habilitation. “Ce fut comme le dernier acte de ce qui s’apparente à la liquidation politique du règne de Louis XIV.”

La conclusion revient à l’historien : “Le règne de Louis XIV a ouvert un nouveau chapitre de l’histoire de la monarchie, qui s’achève avec sa mort. C’est à ce titre que, à tant d’égards, le 1er septembre 1715 est une journée qui a fait la France”.

La mort de Louis XIV : Apogée et crépuscule de la royauté de Joël Cornette. Gallimard, 2015, 21 euros.

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