Un tournant dans la guerre contre Daesh : la Turquie est sortie de sa position équivoque en lançant des raids aériens contre les djihadistes en Syrie mais en profite pour s’en prendre aussi aux Kurdes.
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Tôt ce matin, trois chasseurs F16 de l’armée turque ont frappé deux positions de l’État islamique et un "point de rassemblement" de ses combattants en Syrie, sans pour autant franchir la frontière. Simultanément, 5 000 policiers appuyés par des hélicoptères intervenaient à Istanbul à la fois contre des cellules de Daesh et contre des militants du parti indépendantiste kurde, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). D’autres coups de filet "antiterroristes" avaient lieu en même temps dans 13 provinces. Au total, 251 personnes auraient été arrêtées dans tout le pays, sans que l’on sache combien d’entre elles étaient des djihadistes et combien des activistes du PKK que le gouvernement turc considère comme plus dangereux que les djihadistes de l’État islamique.
Un attentat majeur
C’est en réplique à l’attentat suicide meurtrier commis lundi à Suruç par un jeune Turc ayant effectué un séjour en Syrie dans les rangs de l’EI, que la Turquie s’est décidée à intervenir : 32 jeunes militants pro-kurdes mobilisés pour reconstruire la ville syrienne de Kobané, reprise à l’État islamique, ont été tués, une centaine d’autres blessés. "C’est la première fois qu’une attaque de cette ampleur était commise sur le territoire turc", relève Le Point. En représailles, le PKK a assassiné mercredi à leurs domiciles, dans la ville frontière de Ceylanpinar, deux policiers turcs accusés d’être des collaborateurs de Daesh.
Jeudi, des djihadistes de l’EI ont ouvert le feu depuis la Syrie sur un poste frontalier de l’armée turque, tuant un sous-officier et blessant deux soldats. Des chars turcs ont riposté, tuant un combattant de l’EI. "Le même jour, à Diyarbakir, grande ville à majorité kurde du Sud-Est, un agent des forces de l’ordre est tué et un autre grièvement blessé par deux hommes qui ouvrent le feu en pleine rue" (Nouvel Obs).
Hier également, le président truc Recep Tayyip Erdogan a autorisé les Américains à frapper la Syrie depuis le sol turc. "L’accès aux bases turques (…) augmentera l’efficacité opérationnelle de la coalition" militaire qui combat le groupe État islamique", a déclaré un responsable militaire américain (BFMTV). Le quotidien turc Hürriyet précise que le gouvernement "envisage de déployer des dirigeables au-dessus des 900 kilomètres de sa frontière syrienne et de renforcer sa protection par un mur pour contrôler les mouvements des combattants de l’EI" (Courrier International).
L’État islamique s’est aliéné la Turquie
Une fois de plus, les djihadistes, dont la Turquie constitue le principal point de passage de recrues vers la Syrie, ont "poussé le bouchon" trop loin et se sont aliénés un pays sunnite qui faisait preuve jusque-là d’une neutralité plutôt bienveillante, sinon complice, bien que ce pays soit membre de l’OTAN. "Ankara est soupçonné d’avoir soutenu le groupe pour affaiblir le régime de Bachar el-Assad, ennemi d’Ankara, ainsi que les Kurdes de Syrie. Ces derniers se taillent un fief dans le Nord de la Syrie en guerre, et la Turquie craint de voir émerger un embryon d’État kurde à sa frontière", explique Le Monde.
L’habileté des Turcs consiste à faire avaler à leurs alliés occidentaux la reprise des hostilités contre le PKK en échange de leur intervention contre l’État islamique. "En s’attaquant aussi aux militants du PKK, le gouvernement turc entend montrer qu’il n’entend lâcher aucun des deux fronts, et que la lutte contre l’État islamique ne passera à aucun prix par la création d’un Kurdistan indépendant au sud de sa frontière", note Le Figaro.