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Loi sur la fin de vie : qu’est-ce qu’une vie utile ?

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Sylvain Dorient - publié le 17/06/15
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Le Sénat débat d’une loi ambigüe qui, sans jamais citer le mot “euthanasie”, la rendra possible sous certaines conditions.
Votée à l’Assemblée nationale en première lecture le 17 mars 2015, la loi sur la fin de vie est examinée en ce moment même au Sénat. L’accès à un "droit de mourir dans la dignité" étant le 21e engagement de campagne de François Hollande, les évolutions de la législation sont scrutées à la loupe par diverses associations de défense de malades, réunies au sein du collectif Soulager mais pas tuer.

Désamorcer un texte dangereux

Le texte original, pouvant entraîner une légalisation discrète de l’euthanasie a déjà été partiellement sécurisé. Le Sénat, lors de la commission des affaires sociales du 27 mai, a demandé que la condition de "souffrance réfractaire à tout autre traitement" soit exigée pour la mise en œuvre d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès. Autre désamorçage : la nutrition et l’hydratation artificielle ne seront pas considérées comme des traitements, contrairement à ce qui était établi dans la première mouture du texte. On comprend l’importance de ce point au regard de l’affaire Vincent Lambert : le jeune homme tétraplégique serait irrémédiablement condamné dans le contexte d’une telle loi. Enfin, certaines expressions étonnantes sont supprimées, comme "ne pas prolonger inutilement la vie". Cette dernière était digne de faire un bon sujet de philosophie en cette période de baccalauréat : "Qu’est-ce qu’une vie utile ?".

Un texte à améliorer

Le texte passé par le tamis du Sénat contient encore des ambiguïtés, notamment liées au "droit à la sédation profonde et continue". Parmi les associations réunies au sein de Soulager mais pas tuer, Convergence Soignants-Soignés rassemble 10 900 soignants, qui demandent une clause de conscience explicite si la loi n’est pas améliorée. Parmi les notions invoquées par la loi, celle du "maintien artificiel de la vie" est équivoque et ouvre la porte à toutes les dérives. Ils demandent aussi de clarifier le but de certains arrêts d’alimentation et d’hydratation, pour qu’ils ne soient pas un moyen détourné de provoquer la mort. Enfin, ils s’interrogent sur la nature de la contrainte que font peser les directives anticipées. Elles seraient, de toute évidence, inacceptables si elles amenaient le corps médical à accomplir des actes contraires au Code de déontologie médicale, même à la demande écrite du patient !

Une étape ?

Sur le long terme, le texte de la loi "Fin de vie" ne serait, aux yeux des partisans de la légalisation de l’euthanasie, "qu’une étape qui appelle à une autre loi", comme le formule l’écologiste François de Rugy. Plusieurs radicaux de gauche et parlementaires PS partagent ouvertement cet espoir. Prennent-ils leurs désirs pour des réalités ? En tout cas, le chef du gouvernement Manuel Valls semblait leur apporter son soutien lorsqu’il affirmait, à l’issue de la première lecture de la loi : "Il y aura forcément d’autres discussions sur ces questions dans les années qui viennent". De son côté, le collectif Soulager mais pas tuer "note avec inquiétude (…) que les amendements pour légaliser le suicide assisté sont systématiquement proposés à chaque vote. Le mouvement reste totalement vigilant et mobilisé à chaque étape parlementaire". Il n’exclut d’ailleurs pas de recourir aux manifestations publiques, pour mettre en lumière les tentatives masquées de légaliser la pratique de l’euthanasie.

Et les soins palliatifs ?

Outre l’accès à l’euthanasie, François Hollande avait annoncé en 2012, un nouveau plan de développement des soins palliatifs. Un engagement qu’il avait lui-même rappelé le 12 décembre 2014, à l’occasion de la remise du rapport Claeys-Leonetti. Puis, le 10 mars 2015, la ministre de la Santé Marisol Touraine annonçait qu’un nouveau plan triennal de développement des soins palliatifs serait "lancé dans les prochaines semaines". Dans le meilleur des cas donc, trois années ont été perdues, alors que les hôpitaux de France sont en situation d’urgence. Soulager mais pas tuer rappelle que 15 000 personnes sont mortes aux urgences en 2010, et que seules 7,5% d’entre elles ont bénéficié de soins palliatifs, alors que les deux tiers des victimes en avaient besoin. Le collectif demande aussi que le système de santé favorise le "mourir à domicile".

Selon un sondage IFOP de 2010, 81% des Français souhaitent mourir chez eux, alors qu’en 2013, 57% des morts sont survenues à l’hôpital, 25% à domicile et 12% en maison de retraite. Il y a donc effectivement des chantiers à soutenir, mais pas forcément celui d’une mort médicalisée. Philippe Pozzo di Borgo, le parrain de Soulager mais pas tuer et héros du film Intouchables, rappelle : "Si, à l’époque de mon accident, on m’avait donné la possibilité de me suicider, je l’aurais fait sans hésiter ! Rapprochez-vous des intouchables ; en déconsidérant les personnes fragiles, nous nous déconsidérons nous-mêmes !".

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