Il y a deux grands types de démonstrations de l’existence d’un Dieu Créateur, explique Mgr Denis Biju Duval.Une connaissance directe de Dieu à partir du monde créé n’est logiquement pas possible puisque, s’il existe, le Créateur transcende la Création. Le Créateur est avec sa création dans le même rapport que le potier avec ses productions : en regardant dans les pots, on ne peut pas voir le potier.
Cependant, le Dieu invisible se rend visible par ses œuvres de manière indirecte comme une cause peut parfois se faire connaître de manière certaine par ses effets. Et il s’agit là d’une connaissance véritable à partir du principe de causalité : il ne peut pas y avoir d’effet sans cause.
Il y a ainsi deux grands types de démonstrations de l’existence d’un Dieu Créateur :
- À partir du principe de causalité appliqué à l’être même de tout ce qui existe, au niveau métaphysique,
- À partir du principe de causalité appliqué à l’œuvre de la Création, car l’Artiste se révèle dans son œuvre : l’ordre, la grandeur et la beauté du Cosmos nous parlent de la sagesse et de la gloire infinie du Créateur.
Ainsi, on ne saurait prouver l’existence de Dieu de l’intérieur des sciences expérimentales : la notion de Dieu est hors de leur champ propre d’investigation. Ce sont des démonstrations philosophiques inductives qui permettent de découvrir son existence, et elles conduisent elles aussi à des résultats bien réels. Si elles ne sont pas de nature scientifique au sens moderne du terme, ces démonstrations philosophiques peuvent très bien s’appuyer sur les découvertes scientifiques. Du reste, les sciences d’aujourd’hui donnent de plus en plus de matière pour cela.
Quelles sont ces démonstrations possibles de l’existence de Dieu ?
1. Aujourd’hui comme hier, la question métaphysique est toujours une question fondamentale : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?
Les choses qui existent aujourd’hui n’ont pas l’existence par elles-mêmes. Elles proviennent d’autres causes, qui elles-mêmes doivent avoir d’autres causes. Et comme on ne peut pas remonter à l’infini dans l’ordre des causes, il est nécessaire qu’il y ait une « Cause première » par elle-même existante. C’est elle qui donne l’existence à tout ce qui existe dans l’univers. On parle ici de « preuve par la contingence ». Notons qu’elle est indépendante de la question de l’origine temporelle de l’Univers, qui elle aussi renvoie à Dieu, mais d’une autre manière. Même si l’univers n’avait pas de début temporel, il faudrait, hors du temps, un Dieu pour le créer, c’est-à-dire pour lui donner d’exister indéfiniment, lui et les causes qui l’habitent.
2. La preuve par l’ordre de l’Univers est elle aussi très ancienne.
Elle a été pourtant considérablement renforcée dans les derniers temps par les extraordinaires découvertes scientifiques modernes. Celles ci montrent à la fois la stupéfiante complexité de l’univers, et la totale improbabilité de la vie. Elles mettent aussi mieux en lumière ce que l’homme a de vraiment unique.
L’existence de Dieu est accessible à tous dans la contemplation de la Création qui révèle le Créateur. Une Intelligence infinie, qui nous dépasse complètement, se révèle dans la conception d’un grain de blé ou d’une cellule vivante. Un simple brin d’herbe est plus complexe et plus génial qu’une centrale nucléaire. Une technologie inouïe se manifeste dans fonctionnement d’un œil ou d’un cerveau. Il y a un ordre supérieurement intelligent qui se révèle au cœur du réel, et qui m’oblige à reconnaître dans un flocon de neige ce que les grecs appelaient un Logos, un élément intelligent, rationnel, qui règle, qui dirige, qui anime le cosmos, et qui fait que ce cosmos n’est pas chaos. « L’univers m’embarrasse et je ne puis songer que cette grande horloge existe et n’ait pas d’horloger » disait déjà Voltaire, à une époque où on sous estimait pourtant complètement la complexité de l’horloge en question.
Le principe anthropique récemment mis en lumière manifeste dans cette ligne que la quinzaine des grandes constantes physiques qui régissent l’univers, sont réglées de manière extrêmement fine et que ce réglage stupéfiant est indispensable pour que la vie soit possible. Pour tenter de répondre, des athées en viennent à défendre une « l’hypothèse désespérée » : la théorie des « multivers ». Elle ne repose sur aucune donnée scientifique, car par définition, les multiples univers qu’elle imagine sont hors du champ des sciences expérimentales. Et même si existait une infinité d’univers, il faudrait encore expliquer leur existence et leur ordre. À vrai dire, le seul fondement réel de cette hypothèse est de désir d’échapper à la conclusion que Dieu existe. Beaucoup de découvertes scientifiques récentes confortent la vision créationniste du monde : le Big Bang, l’évolution stable en espèces, l’unicité du genre humain, l’expansion accélérée de l’univers qui marche vers une fin, la prise de conscience de l’incroyable complexité du monde et du vivant, etc.
3. La beauté de la création
En plus de ces deux voies vers Dieu que sont la question de l’origine de l’être et celle de l’ordre de l’univers, beaucoup sont sensibles à la beauté de la Création, qui touche le cœur en profondeur. Une harmonie étonnante nous est offerte par exemple dans un coucher de soleil sur l’océan, dans les couleurs de la nature, dans la beauté d’une rose ou d’un papillon. Il ne s’agit pas ici seulement d’émotion affective : découvrir qu’une réalité est belle est une expérience profonde qui fait discerner en elle un mystère qui dépasse sa seule complétion matérielle. Ce n’est pas intellectuel, mais c’est intelligent ; en effet, si cette expérience de la beauté rend les hommes plus humains, elle ne peut être une illusion.
4. Le mystère de l’homme conduit lui aussi à Dieu quand on le scrute attentivement. D’où vient la dignité de la personne humaine ? D’où vient son caractère unique et irremplaçable dont nous avons tous l’intuition ?
La personne, sujet « individuel de nature rationnelle » (Boèce), est plus qu’un simple amas de cellules. D’ailleurs, si tout était matériel, on n’aurait rien à objecter à Staline ou Hitler, ni à tous les athéismes. Ils se sont révélés logiquement les plus grands massacreurs de l’Histoire, très loin devant les guerres religieuses, parce qu’en niant Dieu, ils ont aussi renié à la personne son caractère sacré d’image de Dieu.
Autre piste
Pourquoi est-ce moi qui existe et pas un autre ? Si c’est un pur hasard, alors mon identité personnelle, comme ton identité personnelle, sont un non-sens, et nos liens une illusion. C’est ainsi que l’on entrevoit le mystère d’une paternité, le mystère d’un Dieu qui a voulu que j’existe, moi et pas un autre.
Finalement, si le cosmos est son propre absolu, il n’y a aucune différence de nature entre un homme et un moustique : ils ne sont que des sous-produits temporaires de la matière et de l’énergie. Il n’y a donc pas de bien et de mal, il n’y a pas de valeurs morales objectives : que l’on écrase un enfant ou un moustique, c’est juste une réorganisation de la matière qui les constituait. Les relations humaines ne sont elles-mêmes que des illusions transitoires, de simples phénomènes hormonaux et neuronaux. Mais par notre expérience commune de tous les jours, par nos rencontres, notre désir d’être respecté et de respecter autrui, nous savons très bien que ce n’est pas vrai.
Tout ceci explique pourquoi toutes les cultures ont finalement un sens du divin. C’est également le message de la Bible et de l’Église : l’homme et l’Univers ne sont pas advenus tous seuls.
Dieu est la source de tout être.
Son existence ne s’oppose pas aux sciences : bien au contraire, il les rend possibles en créant le monde et ses lois. Il est cette Intelligence infinie qui transparaît dans les merveilles de l’Univers ; Il est Celui qui a conçu ce « programme » extraordinaire qui a permis l’évolution du Big Bang au vivant, dans toute sa complexité et sa variété ; Il est la source de la beauté et de l’harmonie du cosmos. Il donne le sens profond de nos expériences humaines les plus fortes (l’amitié, l’amour, le service des plus pauvres).
Dieu est accessible par la lumière naturelle de la raison humaine, et il est accessible au sens commun.
Mais on peut aussi le connaître et l’aimer grâce à sa Révélation – qui est tout au long de l’Histoire, une autre grande preuve de l’existence de Dieu. On peut aussi le rencontrer personnellement dans sa vie. Et cette rencontre peut avoir un caractère tellement puissant, qu’elle donne alors une certitude et une force infinie, comme cela a été le cas pour tant de martyrs, de témoins de la foi et de serviteurs des plus pauvres.
Dieu existe et on doit en recevoir une très grande espérance car s’il est la source de notre existence, il n’y a qu’avec Lui que le mal et la mort peuvent ne pas avoir le dernier mot.
Mgr Denis Biju Duval, ingénieur de l’École Centrale de Paris, docteur en théologie, enseigne la théologie pastorale à l’Institut Redemptor Hominis, qu’il préside actuellement au sein de l’Université du Latran à Rome. Il est aussi Consulteur au Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation, et auteur de plusieurs ouvrages : Croire n’est pas si compliqué, Le psychique et le spirituel et Faut-il encore se soucier du salut des âmes ? L’urgence de l’évangélisation.