Elle se croyait "nulle" mais c'est à elle que l'Immaculée apparut à Lourdes du 11 février au 16 juillet 1858, montrant la prédilection de Dieu pour "ce qui est faible dans ce monde". L'Eglise la fête le 18 février.
Qui n’a pas déjà vu cette image bucolique de la petite bergère aux sabots de bois ? Indissociable de Lourdes et de la « Belle Dame » qui lui est apparue dix-huit fois en 1858, Bernadette Soubirous (1844-1879), fait toujours courir les foules à la grotte de Massabielle. Mais sa vie ne commence pas et ne se termine pas avec les apparitions. Pour Bernadette, il y a un avant et un après Lourdes.
Pauvreté et misère Bernadette ne s’est pas faite toute seule. Fille aînée d’un véritable mariage d’amour entre François Soubirous, meunier, et de Louise Castérot, elle naît le 7 janvier 1844 au Moulin de Boly en Bigorre, tout près de Lourdes qui compte alors environ 4000 habitants. Elle habite pendant dix ans ce « Moulin du bonheur », selon son expression, dans l’amour et la simplicité du foyer familial, ces grandes valeurs qui guideront sa vie, La misère va bouleverser cette petite Église domestique. D’abord, un éclat de pierre d’une meule crève un oeil du père. Plus tard, il est accusé par le boulanger de Lourdes d'avoir volé deux sacs de farine ; il est incarcéré huit jours. Puis, à cause de la sécheresse qui sévit dans la région, les meuniers sont au chômage. François fait faillite. Et comble de tout, le choléra frappe Lourdes. Des centaines de personnes en sont atteintes, dont Bernadette qui, de santé déjà fragile, en portera les séquelles toute sa vie. Les Soubirous, qui ont déjà quatre enfants, sont dans la misère. Un cousin met à leur disposition une ancienne prison désaffectée, « le cachot ». Ils s’y installent au début de l’hiver 1857. Humiliés, ils vivent l’exclusion. Bernadette, malgré ses quatorze ans, ne sait ni lire ni écrire, de plus, elle parle le patois de Lourdes, ce qui l’exclut du catéchisme qui s’apprend en français. Elle est placée comme bonne à tout faire au cabaret chez sa marraine, puis bergère de moutons chez sa nourrice à Bartrès. Elle revient au « cachot » en janvier 1858 pour se préparer à sa première communion. Quelque chose d’inattendu va transformer sa vie, sa famille, sa région. Les apparitions de l’Immaculée Conception L'Abbé Pène, vicaire de la paroisse de Lourdes en 1858, décrit ainsi Bernadette : « Petite pour son âge, chétive, légèrement asthmatique, sa figure était arrondie mais régulière, ses yeux beaux ». En ce frisquet 11 février 1858, la jeune fille de 14 ans va chercher du bois vers le Gave avec sa soeur Toinette et leur amie Jeanne Abadie. Arrivées devant la grotte de Massabielle, Toinette et Jeanne traversent l’eau glaciale du canal. Soudain, Bernadette « entend un bruit comme un coup de vent ». Rien ne bouge. Elle lève la tête et voit dans le creux du rocher humide quelque chose de blanc, « une petite demoiselle, enveloppée de lumière, qui la regarde et lui sourit ». Dieu a choisi ce lieu obscur pour dévoiler à Bernadette, et à chacun de nous, le tendre amour de sa Mère. Les apparitions se dérouleront du 11 février au 16 juillet 1858, fête de Notre-Dame du Carmel. À la troisième apparition, le 18 février, Bernadette entend la dame du rocher pour la première fois : « Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde, mais dans l’autre ». Aux apparitions suivantes, elle récite le chapelet avec la dame et converse avec elle. La foule augmente de jour en jour. De la 8e à la 13e apparition, la dame est triste, elle répète : « Pénitence, pénitence, pénitence » ; « Priez Dieu pour les pécheurs ». Lors de l’apparition suivante, Marie lui dit : « Allez boire à la fontaine et vous y laver ». Bernadette boit l’eau boueuse au fond de la grotte, plusieurs la prennent pour une folle. À la 13e apparition, Marie demande à Bernadette : « Allez dire aux prêtres qu'on vienne ici en procession et qu'on y bâtisse une chapelle ». Elle rend donc visite à l’abbé Peyramale qui est très sceptique. Bernadette lui dit simplement, en toute liberté : « Je suis chargée de vous le dire, je ne suis pas chargée de vous le faire croire ». La voyante a bien compris qu’il ne donne rien de s’acharner. Elle a fait ce qu’elle avait à faire, le reste appartient à la grâce. Devant cet appel, l’abbé Peyramale répond : « Qu’elle dise son nom et on la bâtira sa chapelle ». Le 25 mars, jour de l’Annonciation, la dame dit : « Je suis l’Immaculée Conception ». À la dernière apparition, Bernadette voit la Vierge « plus belle que jamais ». Bernadette reste simple, calme et modeste. Elle donne son témoignage à la Commission canonique avec beaucoup de droiture, sans aucune exaltation. Son visage témoigne par lui-même. Mgr Laurence, évêque de Tarbes, reconnaît la réalité des apparitions en janvier 1862. Religieuse à Nevers Bernadette va passer huit ans à l’Hospice de Lourdes qui est tenue par les Soeurs de Nevers. Elle y parfait son éducation. La tentation est grande de montrer la voyante comme un animal de cirque. Bernadette s’emploiera à rester cachée. Des congrégation religieuses la courtisent, elle choisira les Soeurs de Nevers : « Je veux rentrer chez vous parce que vous vous occupez des pauvres et que j’aime les pauvres, que je m’y sens bien, et que vous ne m’y avez jamais forcée ». Bernadette va passer les treize dernières années de sa vie comme religieuse et infirmière à Nevers. Elle prend le nom de soeur Marie-Bernard. Après la vie publique, voici la vie cachée. Elle a quitté sa chère grotte, son ciel. À l’exemple de Jean-Baptiste qui s’efface devant l’Agneau de Dieu pour que lui grandisse, Bernadette laisse la place à Marie pour que Lourdes rayonne. Elle vivra concrètement à Nevers le message de Lourdes. : amour, prière, pénitence. Elle se voit comme un balai dont on se sert et que l’on remet à sa place. Bernadette se sent comme toute le monde avec des qualités et des défauts. Elle a du caractère: « On me dit obstinée, volontaire, cela me faite honte ». Les saints ne sont pas parfaits, ils veulent aimer. Susceptible, hypersensible, prompte à répondre, elle essaie de se corriger en levant les yeux sur Jésus crucifié, son modèle. Solidaire de tous, surtout des pauvres, elle écrit : « Travaillons pour le Ciel, tout le reste n’est rien ». Soeur Marie-Bernard aura toujours conscience de ne pas avoir rendu à Dieu les grâces reçues. Son chemin est simple, humble, amoureux. « Je ne vivrai pas un instant que je ne le passe en aimant ». C’est ainsi qu’elle meurt de tuberculose le mercredi de Pâques 16 avril 1879. Elle a 35 ans. Ce texte de saint Paul lui convient à merveille : « Ce qui est faible dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre ce qui est fort » (1 Co 1, 27). Lorsqu’on ouvrira le cercueil trente ans plus tard, son corps ne sera pas décomposé. En 1925, le corps de Bernadette, demeuré incorruptible, sera placé dans une chapelle du couvent Saint-Gildard de Nevers. Huit ans plus tard, Bernadette est canonisée par Pie XI. On la fête le 18 février, jour où la Vierge lui avait promis de la rendre heureuse non en ce monde mais dans l’autre.