L’expertise médicale doit répondre à un certain nombre de critères qui ont été fixés au 18ème siècle pour l’examen des guérisons miraculeuses, nécessaires pour les béatifications et les canonisationsA Lourdes, la Vierge Marie n’a jamais parlé de guérison. Pourtant, les guérisons ont commencé à se produire dès que la source a été découverte. Elles ont été immédiatement enregistrées par un médecin. Elles ont été examinées par une commission, puis par un expert. Sept, finalement, ont été retenues comme « miraculeuses » et sont un des arguments qui ont amené l’évêque local à déclarer les apparitions « authentiques ».
Lourdes est identifiée aux miracles. Mais aujourd’hui, le mot « miracle » n’a plus guère de sens religieux et ne s’applique pas spécialement aux guérisons. Le match mal entamé qui se termine par une victoire est un miracle. De même, l’accident qui n’a pas fait de morts. En sens inverse, hélas, depuis des années, il n’y a pas eu de miracle économique.
Dans les paroles de la Vierge que Bernadette a répétées, il n’est jamais question de guérisons. « Allez boire à la fontaine et vous y laver », dit la Vierge : c’est une invitation à la pénitence. Bernadette s’est toujours située très en retrait sur cette question des miracles. Elle-même n’a jamais guéri de son asthme. Elle est devenue infirmière et ne soignait pas à l’eau de Lourdes. Elle disait de cette eau qu’elle ne servait à rien sans la foi et la prière.
Les guérisons ont tenu une certaine place dans la reconnaissance des apparitions. La petite ville de Lourdes comptait plusieurs médecins. L’un d’eux, le docteur Dozous, s’est employé tout de suite à relever les cas de guérison. L’évêque nomma une commission pour étudier tous ces cas. Après ce premier examen, il confia le dossier à un professeur agrégé de Montpellier, le docteur Vergez. Celui-ci retint sept guérisons comme inexplicables.
C’est le troisième argument en faveur des apparitions, après la qualité du témoignage de Bernadette et les fruits spirituels du Message de Lourdes.
En déclarant une guérison « miraculeuse », l’Eglise donne une indication, qui n’engage pas la foi. Elle s’appuie sur une expertise médicale : cette guérison est-elle explicable, actuellement, par la « science » ? Mais la déclaration de l’Eglise déborde l’expertise médicale : cette guérison a-t-elle porté des fruits spirituels dans la vie de la personne concernée ?
Notre époque, incrédule par certains côtés, est aussi très friande de faits paranormaux que les croyants appelleront volontiers surnaturels. Hélas, le plus souvent, ces faits sont porteurs de malheur. L’Eglise, au moins depuis longtemps, est très prudente sur le surnaturel. On la dit parfois trop prudente. Elle met sa foi en Jésus et non en quelque miracle ou quelque apparition. Ni les apparitions de Lourdes, ni les miracles reconnus ne sont objets de foi, même pour le catholique le plus obéissant. Inversement, il serait absurde de les mépriser.
Jésus a prévenu : « Il surgira des faux christs et des faux prophètes, qui produiront de grands signes et des prodiges, au point d’abuser, s’il était possible, même les élus. » Le véritable signe du surnaturel, c’est la foi, l’espérance et la charité. L’expertise médicale est donc une première étape, nécessaire pour ne pas se laisser abuser par des malades imaginaires. Mais ce n’est pas à la médecine de conclure. Les médecins qui composent actuellement les instances médicales de Lourdes s’en défendent bien. Ils veulent seulement permettre à l’Eglise de ne pas s’engager à tort.
L’expertise médicale doit répondre à un certain nombre de critères qui ont été fixés au 18ème siècle pour l’examen des guérisons miraculeuses, nécessaires pour les béatifications et les canonisations.
Pour qu’une guérison puisse être reconnue, ultérieurement, comme miracle, il faut d’abord que la médecine vérifie les points suivants : le diagnostic était certain ; la chance de guérison, nulle ; aucune « médecine » n’a été administrée ; la guérison a été instantanée ou quasi-instantanée ; il n’y a eu ni séquelle, ni convalescence ; la guérison est définitive.
Sans connaître ces critères qui servaient à Rome pour les causes des saints, les docteurs Dozous et Vergez les ont instinctivement appliqués aux cas dont ils avaient à juger. Mais, depuis, la médecine a bien changé.
Ces critères posent aujourd’hui question même s’ils sont un garde-fou utile contre le risque d’une inflation des miracles. Un chercheur d’aujourd’hui ne dira plus qu’une guérison est à jamais inexplicable. Il peut seulement dire qu’elle est inexpliquée dans l’état actuel de la science.
Aujourd’hui, effectivement, un certain nombre de ces critères pose question. Comment être sûr du diagnostic puisque la personne est guérie ? Les examens avaient-ils été bien faits ? Aujourd’hui, on ne dira plus que la guérison est impossible ; on dira que le pronostic est très défavorable et rend la guérison statistiquement plus qu’improbable. Et surtout, quelle que soit la maladie, il n’en est aucune aujourd’hui qu’on n’essaie pas de soigner. Et l’Eglise a toujours encouragé la médecine.
Les autres critères restent valides mais, actuellement, pour une reconnaissance d’un éventuel miracle, il faut que tous les critères, pris un à un, soient remplis. Il ne faut pas s’étonner que les reconnaissances soient désormais très rares. Non parce que la foi aurait changé mais parce que la culture a changé : la science était affirmative ; la recherche est un perpétuel questionnement.
Un chercheur d’aujourd’hui, quel que soit son domaine, ne dira jamais d’un phénomène qu’il est inexplicable. Il dira que, jusqu’ici, il n’en a pas la clé mais qu’il la cherche : c’est pour cela qu’il est payé.
Certaines maladies incurables autrefois ne le sont plus aujourd’hui : pour autant, leur guérison, avant que n’existe le traitement actuel, pouvait être, bel et bien, un miracle.
Depuis un siècle et demi, les théories qui ont prétendu expliquer les guérisons de Lourdes ne rendent pas compte du réel. Les médecins d’aujourd’hui savent qu’ils ne savent pas tout : Lourdes les intéresse.
Il est curieux, après cent cinquante ans, d’entendre toujours les mêmes explications frelatées. L’eau de Lourdes aurait des vertus thérapeutiques, alors que bon nombre de guérisons n’ont aucun rapport avec l’eau. La ferveur expliquerait la guérison mais ce ne sont pas les plus fervents qui guérissent. Et que dire de la ferveur d’un enfant de deux ans, comme Justin Bouhort, ou de trois ans, comme Francis Pascal ?
Les gens honnêtes reconnaissent qu’ils ne savent pas. Les chrétiens voient dans ces guérisons inexpliquées des signes avant-coureurs de la résurrection et se réjouissent quand ils voient la médecine guérir de nouvelles maladies.