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Enseignement privé : de quoi parle-t-on vraiment ?

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PHILIPPE LISSAC / GODONG

Image d'illustration.

La rédaction d'Aleteia - publié le 16/01/24

Les nombreuses réactions après la révélation de l’inscription des enfants de la nouvelle ministre de l’Éducation nationale dans un établissement privé sous contrat au cœur de Paris, relancent le sempiternel débat sur l'enseignement libre. L’enseignement privé sous contrat y tient une place importante. Mais quelle réalité recouvre-t-il exactement ? Explications.

Nouvelle ministre de l’Éducation nationale, Amélie Oudéa-Castéa s’est attiré les foudres du corps enseignant après avoir reconnu avoir retiré son fils de l’enseignement public… pour l’inscrire, ainsi que ses deux autres enfants, à Stanislas, établissement catholique privé parisien sous contrat d’association avec l’État. Il n’en fallait pas plus pour alimenter débats et fantasmes sur l’enseignement privé sous contrat et ce qu’il représente.

En France, la loi Jules Ferry de 1882 rend obligatoire l’instruction des enfants dès l’âge de 3 ans. Toutefois, cette instruction peut intervenir selon différents modes, parmi lesquels l’enseignement privé sous contrat. Les établissements privés sous contrat sont régis par la loi dite Debré de 1959. Ils sont au coeur du principe constitutionnel de la liberté d’enseignement.

Créés par des acteurs privés, ils s’engagent à respecter les programmes définis par l’Éducation nationale et peuvent ainsi bénéficier des subventions de l’Etat et des collectivités. Mais combien d’élèves sont concernés par ce mode de scolarisation ? Comment sont financés ces établissements ? Sont-ils soumis aux mêmes obligations que les écoles, collèges et lycées publics ? Explications.

1
Combien d’élèves sont scolarisés dans l’enseignement privé sous contrat ?

Près de 12 millions d’élèves ont effectué leur rentrée le 4 septembre 2023. En 2022, derniers chiffres à jour selon un rapport établi par la Cour des Comptes en juin 2023, plus de 2 millions d’entre eux étaient scolarisés dans des établissements privés sous contrat, soit 17,6%. L’enseignement privé demeure par ailleurs limité par la “règle des 20% “, par laquelle l’État maintient à 20% maximum le nombre total des élèves scolarisés dans le privé sous contrat.

C’est un fruit de l’histoire de notre pays, l’enseignement privé sous contrat est en grande majorité catholique. Ces établissements accueillent 96% des effectifs scolarisés dans une école sous contrat. Une hausse significative des établissements de confession juive ou musulmane a été constatée ces dernières années. Toutefois, dans son dernier rapport, l’Enseignement catholique relève une baisse sensible de ses effectifs, attribuée à la chute de la démographie française. Ainsi, la rentrée scolaire 2022-2023 enregistrait la perte de 18.115 élèves; dont 9.000 dans le premier degré et 2.434 dans le second degré.

2
Combien d’établissements scolaires privés en France ?

On dénombre environ 7.500 établissements privés sous contrat, qu’ils soient catholiques, juifs, musulmans ou laïcs. Le dernier rapport de l’Enseignement catholique, majoritaire, comptabilisait ainsi 7.249 établissements pour la rentrée scolaire 2022-2023. Parmi ceux-ci, 4.393 écoles, 1.569 collèges, 1.112 lycées (comprenant les lycées généralistes, technologiques, professionnels et polyvalents), et 175 lycées agricoles.

3
Comment se répartissent-ils sur le territoire ?

L’enseignement privé sous contrat est loin d’être homogène sur le territoire français, signale la Cour des comptes dans son rapport. Ainsi, c’est dans l’ouest de la France qu’il est traditionnellement présent. C’est vrai aussi dans les centres urbains. Là encore c’est un fruit de l’histoire. L’enseignement catholique sous contrat est très présent dans des régions où l’enseignement public ne dispose pas d’écoles.

L’enseignement catholique scolarise environ 236.000 élèves pour la seule académie de Rennes, ce qui représente environ 11.5% des effectifs au niveau national, et plus de 264.000 pour celle de Nantes à la rentrée 2022 (soit près de 13% des élèves scolarisés dans le privé sous contrat au niveau national). Les académies de Lille et de Paris sont également fortement représentées, tout comme celle de Lyon.

4
Qui finance les établissements privés ?

Les établissements privés sous contrat français étaient financés par les fonds publics à hauteur de 8 milliards d’euros en 2022.La part revenant aux familles s’élève à 22 % dans le 1er degré et à 23 % dans le 2nd degré. Ainsi, l’État finance les écoles maternelles et primaires privées à hauteur de 55% et les collèges-lycées à hauteur de 68%. Cette part de financement est peu différente de celle observée pour les établissements publics, relève ainsi la Cour des comptes dans un rapport de juin 2023, dont l’État assure respectivement 59% et 74% du financement.

5
Qui est accueilli par les établissements catholiques ?

Pour ce qui est des établissements sous contrat avec l’État, l’une des obligations que doit respecter la direction est de ne pas faire de discrimination dans l’accueil des élèves : ces derniers doivent être accueillis quelle que soit leur origine ou confession. S’il est évident qu’un établissement catholique rassemble des enfants de confession chrétienne, nombreux sont les enfants qui n’ont reçu aucune éducation religieuse ou sont d’une autre confession, notamment musulmane.

6
Privé et mixité : deux réalités contradictoires ?

Les établissements scolaires privés, qu’ils soient sous contrat ou hors contrat, font supporter aux familles des coûts plus ou moins significatifs que dans le public. Les frais de scolarité d’un lycée privé parisien ne peuvent être comparés aux frais de scolarité d’une petite école primaire en milieu rural. Par ailleurs l’accès à l’enseignement privé n’est pas, a priori, réservé uniquement à une catégorie sociale élevée. Des aides financières, notamment des bourses, peuvent ainsi être attribuées aux familles qui remplissent les conditions déterminées par l’État. Les écoles sous contrat sont par ailleurs censées respecter un certain degré de “mixité sociale”. La plupart en font un principe dûment indiqué dans leurs projets d’établissement. En mai 2023, l’Enseignement privé catholique a néanmoins signé un protocole d’accord pour favoriser l’inscription des élèves issu de milieux populaires et défavorisés. Il n’a pas de caractère contraignant.

Toutefois, force est de constater que les établissements privés scolarisent de plus en plus d’élèves issus de milieux dits favorisés. Ainsi, en juin 2023, la Cour des comptes pointait un “net recul de la mixité sociale et scolaire depuis une vingtaine d’années” : les élèves de familles favorisées et très favorisées représentaient 55,5% des effectifs en 2021 dans le privé sous contrat, contre 41,5% en 2000. À l’inverse, la part des élèves boursiers s’élevait à 11,8% des effectifs en 2021 dans le privé sous contrat, contre 29,1% dans le public. Pourquoi un tel recul de la mixité sociale ? Le rapport donne lui-même à voir que “l’enseignement privé sous contrat apparaît ainsi majoritairement comme un enseignement “de recours” face à un enseignement public perçu par une partie des familles comme moins performant et moins sécurisant”. Ce constat d’une forme de faillite de l’Education nationale – fait par Amélie Oudéa-Castéa elle-même -, mène donc les familles qui en ont les moyens à placer leurs enfants dans le privé, quand d’autres sont obligés de rester dans le public. L’enseignement privé catholique serait ainsi presque victime de la “stratégie d’évitement” des établissements publics mise en oeuvre par les parents eux-mêmes.

7
Les établissements catholiques sont-ils sous tutelle ?

Chaque établissement privé sous contrat est soumis au contrôle de l’État. Pour ce qui est de l’Enseignement catholique, tout établissement relève nécessairement d’une autorité de tutelle, mandatée ou agréée par l’évêque du lieu. Celle-ci est exercée soit par le Directeur diocésain (on parle alors d’établissements “sous tutelle diocésaine”), soit par le Supérieur Majeur d’une congrégation (dans ce cas, il s’agit d’un établissement “sous tutelle congrégationniste”). C’est donc cette tutelle qui nomme, par une lettre de mission, le chef d’établissement.

8
L’enseignement privé catholique et la laïcité

Les établissements ne sont pas soumis aux mêmes règles que l’enseignement public en matière de laïcité : on y enseigne la culture religieuse, des messes et temps de prière sont organisés, des signes de foi affichés dans les salles de classe ou la cour de récréation (statues, crucifix…). Le corps enseignant n’est par ailleurs pas tenu de respecter le devoir de “stricte neutralité” imposé aux enseignants du public. L’Enseignement catholique ne se cache pas de vouloir diffuser à tous le message de l’Évangile ni de professer la foi : “L’école catholique ne peut renoncer à la liberté de proposer le message et d’exposer les valeurs de l’éducation chrétienne. C’est son droit et devoir”, relevait ainsi la Congrégation pour l’éducation catholique, dans son document “Dimension religieuse de l’éducation dans l’école catholique” (1988). Toutefois, rappelle-t-elle, “il devrait être clair à tous qu’exposer et proposer n’équivaut pas à imposer. La contrainte en effet comporte une violence morale que le message évangélique et la discipline de l’Église écartent résolument.”

Tags:
ÉcoleÉducationenseignement
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