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“Depuis plus de trois siècles aux Invalides, il y a des invalides”

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Les Invalides.

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Agnès Pinard Legry - publié le 23/02/25
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L’Institution nationale des Invalides fête ce 24 février son 355e anniversaire. Depuis sa création, ce lieu emblématique veille sur celles et ceux qui ont tant donné pour la France. "L’Hôtel national des Invalides a toujours été et demeure un lieu de vie, de soin et de culte", détaille auprès d’Aleteia le général Christophe de Saint Chamas, gouverneur des Invalides depuis 2017. Entretien.

C’est l’un des bâtiments les plus emblématiques de Paris. Avec son dôme doré qui surplombe la ville, les Invalides brillent de mille feux, même dans la plus noire des nuits. L’institution fête ce 24 février son 355e anniversaire. C’est en effet le 24 février 1670 que le roi Louis XIV ordonne la fondation à l'écart de Paris d'un hôtel destiné à soigner et héberger les soldats invalides et les vétérans de ses guerres. Le roi veut que "ceux qui ont exposé leur vie et prodigué leur sang pour la défense de la monarchie passent le reste de leurs jours dans la tranquillité". "Notre rôle est de veiller sur ces soldats blessés ou malades qui ont tant donné pour la France", confie à Aleteia le général Christophe de Saint Chamas, gouverneur des Invalides depuis 2017. Une sacrée profession de foi ! Entretien.

Aleteia : En quoi l’hôtel national des Invalides occupe-t-il une place toute particulière dans Paris ?
Général Christophe de Saint Chamas :
L’Hôtel national des Invalides est né d’une décision du roi Louis XIV afin d’assurer à ses soldats blessés et âgés un toit et des soins. Il a signé l’édit de fondation le 24 février 1670 et demandé à son ministre Louvois, ainsi qu’à l’architecte Libéral Bruand, de s’en occuper. L’Hôtel national des Invalides est grandiose pour deux raisons. La première est qu’il s’agit d’une décision royale, donc financée avec les deniers de l’État – il s’agit du premier geste social de l’État – et doit concourir au rayonnement de la France. Et ce sera le cas. La deuxième raison est, tout simplement, que les hôtes des lieux le méritent. Louis XIV va donner des instructions pour que ce lieu soit agréable à vivre, accueillant. Il faut bien avoir en tête que lorsque l’Hôtel national des Invalides a été construit, il n’y avait pas encore de caserne en France. Ce lieu est ainsi au croisement d’un monastère avec son cloître, son déambulatoire et son église, et d’un pensionnat avec sa cour de récréation, ses dortoirs et ses réfectoires. C’est une maison pour accueillir ceux qui se sont battus pour la France. Notre rôle est de veiller sur eux, sur ces blessés et ces malades qui ont tant donné pour la patrie. Ce lieu a été conçu pour accueillir jusqu’à 1.600 pensionnaires. À certaines périodes il y en aura même plus de 5.000.

Le nombre de pensionnaires a évolué au rythme des campagnes.

Comment a évolué la mission des Invalides au fil du temps ?
L’Hôtel national des Invalides a toujours été et demeure un lieu de vie, de soin et de culte. Sous Napoléon il devient aussi un lieu d’honneur et de mémoire. Le nombre de pensionnaires a évolué au rythme des campagnes. En 1913, décision est prise de fermer les Invalides car il ne reste qu’une dizaine de pensionnaires qui sont désormais regroupés à l’infirmerie. Le lieu se transforme en utilisant la place disponible pour accueillir le gouverneur militaire de Paris et créer un musée. Il devient ainsi également un lieu d’histoire et de transmission. Mais en 1920 l’État crée le droit à reconnaissance et à réparation. Sont alors accueillis aux Invalides des grands invalides de guerre, c’est-à-dire ceux invalides à plus de 85%. L’Institution nationale des Invalides assure cette mission régalienne. Elle est l’héritière de cette mission originelle née il y a 355 ans et accueille les blessés de guerres, militaires blessés, invalides et civiles victimes de la guerre.

Concrètement, comment fonctionne l’Institution nationale des Invalides aujourd’hui ?
Il s’agit d’un établissement public qui a trois missions. La première est la gestion du centre des pensionnaires qui compte 80 lits. Actuellement ce centre héberge un peu plus de 60 pensionnaires, des anciens combattants ou civils blessés lors de la Seconde guerre mondiale, des anciens de la guerre d’Indochine, d’Algérie, des accidentés du service militaire ou des blessés en service mais aussi des blessés lors d’opérations extérieures récentes. 400 soignants civils les accompagnent quotidiennement. Il n’y a pas besoin d’être militaire pour venir soigner aux Invalides ! La deuxième mission est la gestion du centre de réhabilitation post-traumatique (CRPT). Ce centre compte une cinquantaine de lits pour des militaires blessés en opération mais aussi des citoyens qui ont eu un accident grave. La dernière mission est la gestion d’un centre d’étude et de recherche sur l’appareillage des handicapés (SERAH) qui accomplit un travail de pointe avec les nouveaux équipements, notamment les prothèses.

L’accompagnement spirituel des pensionnaires est même essentiel.

Comment ce lieu a su se réinventer sans perdre sa vocation depuis sa création ?
Aujourd’hui comme sous Louis XIV et Napoléon, le chef de l’État est le protecteur tutélaire des pensionnaires, il vient les voir, ainsi que son épouse, régulièrement. Quant à moi mon rôle est d’exprimer aux pensionnaires dans la vie quotidienne la gratitude du chef de l’État, la fierté des armées et la reconnaissance de toute la Nation. Je veille et accompagne les pensionnaires jusqu’au bout. Certains arrivent à 20 ans et vont apprendre à vivre paralysé. Ils s’en vont parfois et reviennent 40 ans plus tard. Un autre décédé récemment était là depuis 63 ans. Nous avons également un blessé psychique qui a été admirablement soigné et qui est retourné vivre avec sa famille.

La religion y a-t-elle sa place ?
Bien sûr, l’accompagnement spirituel des pensionnaires est même essentiel. N’oublions pas que l’Hôtel des Invalides compte en son centre une église, Saint-Louis des Invalides. Les pensionnaires peuvent s’y rendre, qui est la cathédrale du diocèse aux armées, l’église des soldats et la chapelle des pensionnaires. Le recteur de la cathédrale est aumônier de l’Institution et connaît les pensionnaires. Il y a également une aumônerie israélite, protestante et musulmane. On accompagne chaque pensionnaire jusqu’au bout sans jamais en respectant la religion et les souhaits de chacun.

Quel sens donnez à la présence des Invalides au cœur de Paris ?
Aujourd’hui quand on voit le dôme des Invalides qui brille dans la nuit on ne peut qu’être ému. Il a été le point culminant de Paris à 107 mètres au moment de sa construction. Quand on pense au dôme des Invalides on peut penser au musée de l’Armée, à l’hôtel des Invalides, à la tombe de Napoléon, à l’architecte Hardouin-Mansart à un monument emblématique de la capitale… On peut se dire beaucoup de choses. Mais le lanternon qui brille dans la nuit est avant tout le témoin de la fidélité de l’État à l’égard de ses soldats qui depuis 350 ans dorment au pied du dôme. C’est un des bâtiments qui a le plus de sens dans Paris. Le lanternon est d’ailleurs surmonté d’une croix et de quatre statues représentant les quatre vertus cardinales que sont la prudence, la tempérance, la force d’âme et la justice. Ce qui passe ici est un remarquable témoignage de fidélité à l’égard de nos pensionnaires. Depuis 350 ans aux Invalides, il y a des invalides.

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