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Tout être vivant verra le salut de Dieu. Quelle promesse formidable ! Nous sommes les dépositaires d’une promesse extraordinaire pour tout être vivant : "Nous sommes sauvés !" Et notre mission, proclamée dans la première lecture et dans l’Évangile de ce deuxième dimanche de l’avent, c’est de "préparer le chemin du Seigneur" (Lc 3, 4). Le synode qui vient de se terminer à Rome nous a rappelé que l’Église existe pour témoigner de cette bonne nouvelle. Le synode a cité saint Paul VI qui affirme que "la mission essentielle de l’Église" c’est d’évangéliser. Alors comment pouvons-nous concrètement préparer les chemins du Seigneur ? Premièrement, évangéliser suppose une véritable conversion de nos communautés ; deuxièmement, voler de nos propres ailes ; troisièmement, accueillir une humble joie.
Évangéliser
Lorsque j’étais séminariste à Rennes, pour revenir dans le Finistère je passais souvent par la "route du centre", la RN 164, qui est en travaux depuis quinze ans et pour six ou sept ans encore. À chacun de mes passages, je me disais : ce sera bien quand ce sera fini… mais en attendant, quel chantier ! Il faut construire des ponts, des échangeurs, des rocades, doubler des routes, déplacer des cours d’eau, combler des ravins, raboter des collines… Préparer le chemin du Seigneur, si on croit le prophète Isaïe, repris par saint Jean-Baptiste, c’est exactement cela : combler les ravins, abaisser les montagnes, pour tracer une route, permettant d’aller à Dieu.
C’est à la fois très concret, une histoire de tractopelle et de BTP, et c’est en même temps l’image d’un grand bouleversement. La question qui nous est posée, c’est : Sommes-nous prêts à accepter les contraintes de ce grand bouleversement ? Et sommes-nous prêts à en être les acteurs ? Le pape François, lorsqu’il évoque la conversion missionnaire de nos paroisses demande que l’on adapte nos habitudes, nos styles, nos horaires, notre langage, afin que tout soit pensé en vue de l’évangélisation et non en vue de l’autopréservation (Evangelii Gaudium, 27). C’est bien ce que promet Jean-Baptiste : c’est à la fois concret et un grand bouleversement… Lorsqu’on touche aux horaires des messes par exemple, aux lieux d’accueil ou à la manière de faire le catéchisme, c’est un grand bouleversement, parce que cela concerne directement nos manières concrètes de vivre. Nous ne pouvons l’accepter que si nous en comprenons la raison. Les équipes pastorales, les curés, les évêques ne cherchent pas à mettre le bazar dans l’Église pour le plaisir. Le grand chambardement auquel nous assistons n’a d’autre but que de préparer la route du Seigneur.
Le temps de l’avent est un temps de conversion… non seulement pour l’Église tout entière, non seulement pour notre paroisse mais aussi pour chacun de nous personnellement.
Abaissez les montagnes, comblez les ravins, rendez droits les sentiers… c’est très bien pour ceux qui vont marcher sur la route toute neuve qui aura été construite… mais pour ceux qui auront été expropriés de chez eux pour construire la route ou le pont, pour ceux qui n’auront plus de messe dans leur clocher, pour ceux qui verront leurs habitudes bousculées… c’est beaucoup plus difficile. Si nous voulons préparer les chemins du Seigneur dans les cœurs de nos contemporains, nous avons aussi besoin de liturgies qui affirment le sacré, parce que nos contemporains ont soif de choses qui parlent au sens et qui donnent du sens. La liturgie ne pas être célébrée en 2024 comme en 1968… parce que le style yéyé n’est pas ce que les chercheurs de Dieu viennent chercher à l’Église. Et toucher à la liturgie… c’est un bouleversement plus grand qu’un chantier d’autoroute.
Voilà pourquoi nous avons une conversion à vivre. Jean-Baptiste ne s’y trompe pas, dans l’évangile, il propose un baptême de conversion. Le temps de l’avent dans lequel nous sommes entrés est un temps de conversion… non seulement pour l’Église tout entière (le pape, le synode, les évêques) non seulement pour notre paroisse (pour vivre la transformation missionnaire à laquelle nous sommes appelés), mais aussi pour chacun de nous personnellement. Et c’est là qu’il faut écouter ce que dit saint Paul dans la deuxième lecture (Ph 1, 4-6.8-11).
Voler de nos propres ailes
Nous sommes habitués à lire des lettres de saint Paul, mais pourquoi écrit-il ? Il écrit aujourd’hui aux Philippiens, pour leur dire qu’il les aime. C’est beau. Si je n’étais pas si pudique, je vous dirai la même chose : "Dieu est témoin de ma vive affection pour vous tous dans la tendresse du Christ Jésus" (Ph 1, 8). C’est beau ! Et c’est vrai. Paul aime les Philippiens et il le leur écrit… parce qu’il n’est pas là. Si nous avons tant de lettres de saint Paul, c’est que Paul est le grand absent des communautés chrétiennes qu’il a fondé. Il fonde… et il s’en va. Il s’en va parce qu’il a confiance dans la capacité des chrétiens à vivre leur foi sans lui, par l’Esprit-Saint. "Celui qui a commencé en vous un si beau travail [c’est-à-dire Dieu], le continuera jusqu’à son achèvement" (Ph 1, 6). C’est Dieu qui a fait de vous des chrétiens, moi, Paul, comme pasteur, je dois aller voir ailleurs, pour annoncer l’évangile à d’autres. Mais comme je vous aime, je vous écris pour vous encourager.
Je me retrouve tout à fait dans ces propos. Si nous voulons préparer les chemins du Seigneur, la place du curé est prioritairement auprès de ceux qui ne connaissent pas l’évangile. Cela ne veut pas dire que je ne dois pas m’occuper des autres paroissiens… sinon je ne serais pas auprès de vous aujourd’hui. Si je suis là, c’est parce que je vous aime, de la même tendresse que saint Paul. Nous ne nous le disons pas souvent, mais je vous aime tendrement. Et je connais bien des prêtres qui pleurent de ne pas savoir dire à leurs paroissiens qu’ils les aiment. Donc, je suis avec vous aujourd’hui… mais ma mission est de partir, vers les non-chrétiens, comme saint Paul. Voilà pourquoi je vous écris, souvent, à travers le journal paroissial notamment, pour vous encourager, vous fortifier. Mais surtout, comme Paul, je sais que vous avez déjà beaucoup reçu, de la part de Dieu. Vous avez reçu l’Esprit-Saint. Vous avez accès aux sacrements. Vous savez lire l’Évangile, prier les psaumes, le chapelet… vous êtes équipés pour progresser de plus en plus dans la pleine connaissance et l’amour du Christ, comme le dit Paul aux Philippiens.
Nous devons, chrétiens, être adultes dans notre foi…
Cette conversion est difficile, pour nous catholiques de longue date, habitués à répondre à l’invitation de Monsieur le curé. Cela veut dire que nous devons, chrétiens, être adultes dans notre foi… Adulte, c’est le bon mot, car finalement c’est un peu comme lorsqu’un adolescent devient adulte. Un adolescent, normalement, donne un coup de main à ses parents, pour faire les courses, faire la cuisine, le ménage. Mais lorsque, son bac en poche, il quitte la maison pour ses études, il faut qu’il fasse tout seul ses menus, qu’il fasse lui-même ses listes de course… Les parents ne le laissent pas tomber : ils lui donnent des conseils, le soutiennent parfois financièrement… mais il est capable de voler de ses propres ailes. C’est la même chose avec son curé. Je ne vous le dis pas parce que j’ai envie de prendre ma retraite et de vous laisser vous débrouiller sans moi. Je vous le dis parce que la mission est abondante et les ouvriers peu nombreux.
Accueillir une humble joie
"Jérusalem, quitte ta robe de tristesse !" Réjouis-toi, Église de Dieu. Tes enfants reviennent vers toi. "Dieu te les ramène" (cf. Ba 5, 1-6). Voilà ce que nous avons entendu dans la première lecture. Et c’est exactement ce qui se passe. J’en suis le témoin émerveillé… comme tant d’autres curés de paroisses aujourd’hui en France. Nous avons longtemps pleuré sur nos églises qui se vidaient… (et il est vrai que par endroits elles n’ont pas fini de se vider). Mais voilà que Dieu les remplit ! Dieu nous envoie des nouveaux chrétiens, chaque année plus nombreux. Le temps est venu maintenant de les accueillir. Là encore, cela nous demande une conversion. Au début de cette homélie, je vous disais qu’il faut préparer la route, pour permettre la rencontre entre Dieu et son peuple (son peuple qui n’est pas nous seulement, mais tous ceux qu’Il appelle à Lui). Mais une fois que la route est faite, et sûrement même avant qu’elle soit finie, on voit du monde sur la route.
Mais ces nouveaux chrétiens ne sont pas comme nous ! Ou plutôt, justement parce qu’ils sont comme nous, ils sont différents de nous. Comme nous, ils viennent à Dieu avec tout ce qu’ils sont, avec leur culture, leur histoire. Et ils nous font découvrir de nouvelles manières de prier. Ils nous font découvrir de nouveaux chants liturgiques aussi. Nous avons si longtemps chanté "Laisserons-nous dans nos églises un peu de place à l’étranger ?"… Voilà que Dieu exauce notre prière maintenant !
Soyons dans la joie. Préparons avec joie les chemins du Seigneur. Même si c’est parfois un peu le chantier.
Réjouis-toi Jérusalem. Quitte ta robe de tristesse, Église de Dieu ! Dieu a abaissé les fières montagnes. Dieu a abaissé aussi la fierté de notre Église. Il n’y a pas si longtemps, notre diocèse était le diocèse aux mille prêtres : il en reste quarante aujourd’hui. Oui, Dieu a abaissé les fières montagnes… mais il n’a pas oublié son peuple. Il vient à nous, humblement, dans le mystère de Noël. Il vient à nous, humblement, à travers ces nouveaux chrétiens. Laisserons-nous dans nos maisons, un peu de place à ce Dieu qui vient à nous ? à ces frères qu’il nous envoie ? Soyons dans la joie. Préparons avec joie les chemins du Seigneur. Même si c’est parfois un peu le chantier.
Lectures du 2e dimanche de l’avent :