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Peut-on être chrétien sans être un activiste ?

Festival d’été d’Anuncio.

Maxence Bertrand - publié le 21/09/24
Dans l’Église et dans le monde, comment être chrétien sans agir à la manière du monde, dans le culte de l’action et de l’efficacité ? Dans son nouvel essai, « Compter sur Lui », don Maxence Bertrand, prêtre de la Communauté saint Martin et curé dans le diocèse de Lyon, montre comment la mission à laquelle nous sommes envoyés par le Christ nous libère de l’activisme du monde et de ses projets : parce que Dieu est à l’œuvre !

Une nouvelle année pastorale s’ouvre devant nous et dans quelques mois, avec toute l’Église, nous entrerons dans ce grand jubilé de l’espérance. Dans le Catéchisme de l’Église catholique, l’espérance est caractérisée par le fait de prendre appui non sur nos propres forces mais sur le secours du Saint-Esprit. Il s’agit d’apprendre à compter sur la grâce de Dieu (CEC, 1817). Elle n’est donc pas la disposition intérieure d’un esprit optimiste, mais la capacité à envisager l’avenir en comptant concrètement sur la grâce de Dieu. C’est pourquoi l’espérance est une vertu fondamentale du disciple envoyé en mission. Comme chrétiens, nous sommes envoyés, non pas pour conquérir le monde par nos œuvres, mais pour laisser Dieu œuvrer dans le monde à travers nous. Édith Stein demandait la grâce d’être pour Dieu une humanité de surcroît… 

La mission n’est pas un projet

Notre société vit en accéléré. Il convient d’agir vite, de s’adapter toujours davantage, de réagir et de communiquer… Dans un contexte assez paisible, c’est déjà un défi. Mais dans l’époque bouleversée que nous connaissons, cette accélération est encore plus difficile à vivre. Et beaucoup restent sur le bord du chemin à observer d’autres s’agiter. La mission à laquelle nous sommes envoyés par le Christ nous libère de l’activisme du monde et de ses projets. 

Par souci d’indépendance et d’une liberté mal comprise, l’époque moderne a inventé une nouvelle manière d’agir, de laisser sa marque dans le monde. C’est l’ère des projets dans laquelle nous vivons : projets de société, projets éducatifs, projets pédagogiques, projets parentaux, projets de vie… En dessous de cette terminologie qui nous importe peu, la logique des projets inverse en réalité l’être et le faire et valorise la puissance de l’action et de son efficience. Sartre l’avait bien compris. Comme chrétiens, nous n’échappons pas à la tentation de cet activisme mondain. À l’inverse du projet, la mission vise à témoigner de Dieu qui nous précède et nous envoie. La mission ne nous tient pas alors au centre, ni même en amont de la relation, mais elle nous tient dans une médiation entre Dieu et le prochain. 

Une juste théologie de la mission

Jésus est l’image parfaite de la mission : envoyé par le Père pour donner l’Esprit. Comme chrétiens, nous sommes conformés à lui dans cet état de médiation. Nous sommes dans l’Église, aimés, appelés, envoyés par le Père vers l’homme blessé qui se tient sur notre chemin, vers les petits, les malades et les affligés de tous les temps. 

Une juste théologie de la mission inverse alors considérablement notre rapport au monde. Il ne s’agit plus d’abord d’attirer les gens à nos activités et à nos projets, mais de nous laisser attirer par Dieu dans la prière et par notre prochain dans la simplicité de la charité. Et c’est à partir de là — mais pas avant — que naissent les œuvres de l’Église. Le manteau partagé de saint Martin, la conversion de saint François, la petite voie de sainte Thérèse, la docilité confiante de sainte Bernadette, l’adoration de saint Charles de Foucauld… Aucune excitation, aucun activisme. Une présence à Dieu et un cœur ouvert au prochain. Le passage de la grâce. 

Parce que Dieu est à l’œuvre

Dans une conférence récente au Centre Loyola, le cardinal Aveline soulignait l’importance d’approfondir notre réflexion théologique sur la mission de l’Église : « La théologie n’est pas assez sollicitée pour accompagner le zèle missionnaire des jeunes générations, un zèle qu’il faut, certes, accueillir et encourager, mais qu’il faut aussi nourrir et éclairer. » Le défi de cette théologie de la mission est de saisir en profondeur la vocation de l’Église. Cette vocation est difficile à percevoir dans une époque marquée par le besoin d’exister de minorités éclatées et dans une culture numérique qui contraint à cultiver son image et son rayonnement personnel. La mission de l’Église ne peut pas relever de ces logiques du monde. L’Église est appelée par vocation à prolonger dans l’histoire la médiation du Fils de Dieu, la révélation du salut en Jésus-Christ. 

Dans les moments de crise et de bouleversement, la tentation est grande de s’agiter davantage pour trouver une issue. Et pourtant, l’Évangile nous rappelle que dans la joie menacée d’un mariage, dans la fatigue d’une nuit sans rien prendre ou dans l’inquiétude d’une foule à nourrir, Dieu agit. Et les deux choses qui caractérisent son action sont la surprise et l’abondance. La surprise parce que la grâce n’est jamais le résultat escompté de notre action et l’abondance parce que Dieu manifeste sa bonté et elle ne s’épuisera pas. 

La surprise et l’abondance

L’exemple des demandes de baptême qui augmentent considérablement ces dernières années est tout à fait évangélique. Le nombre est abondant, non pas tant au regard de la société, mais au regard des communautés accueillantes. Et l’arrivée de ces jeunes et moins jeunes ne semble pas être le fruit visible d’une activité pastorale particulière… 

Alors notre espérance est immense ! Faut-il cesser de travailler aux œuvres de Dieu ? Certainement pas. Il faut y travailler humblement, en sachant que notre foi seule est capable de laisser passer en nous le dynamisme étonnant de la grâce. Dieu veille et conduit son Église. Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? La réponse de Jésus est sans équivoque : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé » (Jn 6, 29).

Pratique 

Compter sur Lui – L’espérance de l’Église, Don Maxence Bertrand, Cerf, septembre 2024, 112 pages, 17 euros
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