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La pudeur fait un bien incroyable. C’est la vertu qui prend soin des relations, la vertu qui apaise les regards et soigne les cœurs, la vertu qui nous tourne vers les autres et nous grandit à nos propres yeux. Ne cherchez pas si les règles de pudeur passent quelque part entre le genou et la cuisse, le poil et la peau, le haut de maillot de bain ou le bas de maillot de bain, vous ne trouverez pas. Car la pudeur commence à l’intérieur : elle est d’abord une sentinelle du cœur.
Une ligne entre l’intérieur et l’extérieur
En quoi consiste-t-elle ? Elle consiste en une capacité à dessiner une ligne entre ce qui est intérieur, et ce qui est extérieur. Entre l’intime et l’exposé. Si cette ligne n’existe pas, si cette frontière est ignorée, c’est la fin de l’intime, de l’intimité où se forme le cœur de notre personnalité. Or qu’est-ce que l’amitié, l’amour, si ce n’est cet élan à partager avec un autre ce qui nous est intime, à faire connaître à celui qu’on aime une part intime de nous-même ? Voilà pourquoi nous avons besoin de la pudeur : elle permet d’entrer en relation profonde. C’est en effet grâce à la pudeur que nous nourrissons une intériorité propre, et que nous avons alors quelque chose à offrir à ceux qui nous aiment.
La pudeur invite aussi à conscientiser la façon dont nous regardons l’autre.
Concrètement, elle consiste à ne pas tout dire de nos sentiments, réactions, émotions. À ne pas tout livrer au tout venant. C’est par exemple la réserve de l’adulte qui n’étale pas devant son enfant les moindres recoins de ses états d’âme : les enfants souffrent ou sont gênés lorsque leurs parents se répandent en confidences qui ne les regardent pas, qui n’ont pas à entrer dans leur vie d’enfant. Cette délicatesse qui consiste à ne pas faire effraction dans le monde intérieur d’un autre, est une attention portée à celui qui écoute, à celui qui regarde, une capacité à emprunter le regard de l’autre. Elle est là quand un garçon de quinze ans avoue qu’il est amoureux sans en dire rien de plus, et quand son père lui donne un petit coup d’épaule qui veut dire "on en parle quand tu veux... merci de me faire rentrer dans ton monde, je serai là quand tu voudras ouvrir une autre porte, je n’entre pas sans frapper à la porte".
Du corps et du cœur
Concrètement la pudeur invite aussi à conscientiser la façon dont nous regardons l’autre : il y a un regard qui scanne, découpe, pèse, déshabille de haut en bas, scrute en pièces détachées. Ce regard fait du corps un objet, une chose possiblement consommable, négociable : c’est un regard qui réduit la personne à une extériorité vide. Le déni d’intériorité, voilà l’impudeur. Ce n’est pas le pantalon qui est impudique, c’est l’œil collé dessus jusqu’à ce qu’on ait tourné au coin de la rue. À ce jeu-là, hommes et femmes n’ont malheureusement pas de leçons à se donner… En revanche, ils peuvent s’éduquer mutuellement.
On se trompe alors quand on focalise la question de la pudeur sur les choix vestimentaires, car on la confond souvent avec la décence qui consiste à respecter les convenances. On la confond aussi souvent avec la honte, qui est un besoin de dissimuler ce qui est perçu comme sale, laid, humiliant, dégradant, ce qui n’est pas le cas de notre corps. En revanche, il y a une pudeur du corps comme il y a une pudeur des choses du cœur. Le corps a ses parties intimes : ces parties du corps que nous n’exhibons pas en public, particulièrement les organes génitaux, ont un prix infini. Elles sont le lieu de la relation qui touche au plus profond de la personne, le lieu du don de soi sans réserve à celui qui saura faire de même dans le même abandon... C’est alors que le choix du vêtement prend tout son sens : puisque le corps n’est pas un objet, nous ne l’exposons pas au tout venant comme on expose un objet. Aimer son corps, s’estimer soi-même, voir la sexualité comme un trésor et cultiver le prix de son intimité est une vertu qui fait du bien à tous.