Le sanctuaire marial de Lourdes a vécu ce 4 novembre un moment d’une grande intensité spirituelle avec la venue du patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée Ier, figure emblématique de l’Église orthodoxe. Invité par la Conférence des évêques de France (CEF), le patriarche a effectué cette visite placée sous le signe de la fraternité et du dialogue entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe, quelques semaines avant le premier voyage apostolique du pape Léon XIV, prévu du 27 au 30 novembre 2025 en Turquie, à l’occasion du 1.700e anniversaire du Concile de Nicée. Il s’agit de la deuxième venue à Lourdes du patriarche, la dernière datant du 6 novembre 1995.
Une étape oecuménique avant l'anniversaire du Concile de Nicée
Accueilli par Mgr Jean-Marc Aveline, président de la CEF, et par tous les évêques de France réunis dans la cité mariale à l’occasion de leur Assemblée plénière d’automne, Bartholomée Ier a invité les chrétiens à dépasser les divisions historiques pour témoigner ensemble de l’espérance d’une union entre les deux Églises. "Ainsi que le Patriarche œcuménique Athénagoras ne cessait de le répéter : “L’union viendra, ce sera un miracle, un nouveau miracle dans l’histoire. Quand ? Nous devons nous y préparer. Car un miracle est comme Dieu : toujours imminent.”", a-t-il déclaré lors de son intervention à l’Assemblée plénière. Et d’ajouter : "Sur ce chemin nous éclaire “Marie pleine de grâces” ainsi que la salue l’Ave Maria". Dans le même esprit de réconciliation, Bartholomée Ier a évoqué le souvenir de 1965, lorsque le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras Ier levèrent les anathèmes réciproques de 1054 qui avaient scellé la séparation entre Rome et Constantinople. "Ce geste prophétique insiste sur le processus de dialogue qui se poursuit jusqu’à aujourd’hui.", a-t-il précisé.

Connu pour son engagement écologique, il a aussi livré une vibrante méditation sur la responsabilité des croyants face à la crise écologique et morale, rappelant ses combats menés aux côtés du pape François "pour attester ensemble du soin que Dieu prend de sa Création souffrante". Bartholomée Ier a également invité à retrouver le sens de la mesure et de la lenteur, dans un monde "obsédé par la vitesse et la consommation". "Nous devons retrouver le sens de la juste mesure et de la sobriété. Choisir la qualité plutôt que la quantité, la beauté plutôt que l’utilité, la communion plutôt que le profit. Ce n’est pas un retour en arrière : c’est une libération. La liberté de vivre avec gratitude, dans la simplicité et la paix intérieure". Pour lui, l’avenir de la planète et le bien-être des peuples sont inséparables : "Nous ne pouvons guérir la terre sans guérir nos relations humaines. La justice environnementale et la justice sociale ne sont pas deux causes distinctes, mais les deux faces d’un même appel : celui de la vie en plénitude." Et de conclure par une interpellation puissante : "Serons-nous la génération qui choisit le confort plutôt que la conscience, ou celle qui, unie dans la foi, la science et la solidarité, choisit la transformation plutôt que la destruction ?"

Lors de son homélie à la messe de midi, célébrée dans la basilique de Lourdes en présence du patriarche Bartholomée, le cardinal Aveline a évoqué avec émotion un souvenir de prière au Phanar avec le patriarche. "En vous voyant prier au Phanar est le quartier d’Istanbul où se trouve le Patriarcat œcuménique de Constantinople (siège historique du Patriarche œcuménique, NDLR), j’ai été frappé par le contraste entre votre immense responsabilité et la simplicité accessible d’un homme. Un homme qui a réussi sa tâche en s’efforçant de garder son âme, a-t-il déclaré avant de citer saint Charles Borromée : “Tu ne pourras pas soigner l’âme des autres, si tu laisses la tienne dépérir.”" Enfin, il a souligné combien cette deuxième visite du patriarche orthodoxe vient stimuler la ferveur commune des évêques de France : "Nous voudrions demander avec vous la grâce de la communion, afin que, dépassant les divisions de l’histoire, nous puissions être un." Et de conclure : "La vive flamme de l’amour fraternel fera flamboyer le monde."
Visite dans une paroisse orthodoxe de Lourdes
Trente ans après sa dernière visite dans la cité mariale, le patriarche a pu également se rendre dans l’après-midi dans la paroisse orthodoxe de la Sainte Rencontre de Notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ, qui relève de son Patriarcat Œcuménique de Constantinople. Devant une cinquantaine de fidèles, il a exprimé sa joie de visiter cette paroisse créée en 2011 par l’archiprêtre Georges Ashkov et située dans l’aile gauche de l’église saint Jean-Baptiste à Lourdes.

"Je suis vraiment reconnaissant à nos frères catholiques qui nous donnent des lieux dans un esprit fraternel et d’amour pour nous permettre de célébrer, comme c’est le cas ici", a déclaré le patriarche. "Dans quelques semaines, nous attendons en Turquie sa Sainteté le pape Léon XIV pour son premier voyage apostolique à l’occasion du 1.700e anniversaire du Concile de Nicée. C’est le cinquième Pape à se rendre à Constantinople au Patriarcat œcuménique, après Paul VI", a-t-il rappelé, avant d’inviter les personnes présentes à vivre pleinement l’esprit œcuménique. "Je vous souhaite que vous soyez stables et solides dans votre foi et dans nos traditions et en même temps ayez des relations fraternelles avec nos frères catholiques." Et de conclure face aux fidèles très touchés par la venue de leur pasteur : "Le fait que la conférence des évêques de France m’ait invité à leur séance plénière est une preuve tangible de la relation fraternelle qui existe entre les deux Églises."
La visite de Bartholomée Ier à Lourdes n’est pas une simple étape protocolaire. Elle manifeste une dynamique œcuménique nouvelle, encouragée par la Conférence des évêques de France, et un désir partagé de bâtir des ponts entre les traditions chrétiennes. En se plaçant sous le regard de la Vierge de Lourdes avant la grande rencontre de Nicée, le patriarche a voulu rappeler que l’unité commence dans la prière et la rencontre fraternelle. Un geste fort, à la veille d’un anniversaire qui pourrait marquer une nouvelle étape dans le rapprochement entre les Églises catholique et orthodoxe.









