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Damien Boyer : “Avec ce film j’ai voulu montrer la réalité contemporaine des missionnaires”

Damien_Boyer

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Hortense Leger - publié le 04/11/25
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Cinq hommes, cinq pays, une vocation : dire aux peuples combien ils sont aimés. Voilà le cœur du nouveau film de Damien Boyer, "Baroudeurs du Christ", en salles ce 5 novembre. Après le succès de "Sacerdoce", le réalisateur nous fait vivre le quotidien de cinq missionnaires français partis vivre au bout du monde pour transmettre aux peuples la joie de l’Evangile. Entretien.

"Comprendre l’évolution de la vocation missionnaire." Telle a été la quête de Damien Boyer dans son nouveau documentaire, Baroudeurs du Christ, en salles ce 5 novembre. À travers ce récit d’1h30, le réalisateur nous emmène sur les routes du monde à la suite de cinq prêtres missionnaires d’aujourd’hui, du Cambodge à la Corée du Sud, de Taïwan à Madagascar, en passant par l’Inde. Une aventure humaine et spirituelle pour découvrir la foi à l’épreuve de l’ailleurs et la joie de la vie donnée au service des autres. "La plupart des gens ignorent aujourd’hui l’existence de ces missionnaires", confie-t-il à Aleteia. "Mon but était d’abord de dire qu’il en reste, et de montrer la réalité contemporaine de leur engagement, loin des clichés."

Aleteia : Comment est née l’idée de ce nouveau documentaire "Baroudeurs du Christ" ?
Damien Boyer : Ce projet est né de deux choses. J’ai démarré ma carrière de réalisateur il y a vingt ans et j’ai débuté par un tour du monde des dernières tribus. Là-bas, ce ne sont pas les anthropologues mais les missionnaires qui m’ont le plus aidé, parce qu’ils avaient appris la langue et noué de vraies amitiés. Je m’étais promis de réaliser un film sur ces hommes-là. Étant protestant, j’ai surtout connu beaucoup de missionnaires en famille et j’ai eu envie de comprendre ce statut. Ensuite, en réalisant Sacerdoce, je voulais comprendre la vie de prêtres qui donnent tout. Je me suis interrogé sur ce qui se passe quand ces hommes partent au bout du monde. Leur foi reste-t-elle intacte face aux difficultés ? À quoi ressemble-t-elle dans une autre culture ? Je voulais voir si la foi en Christ est vraiment universelle et comment elle touche les gens au-delà des frontières.

En quoi ce film souhaite-t-il “réhabiliter” la figure du missionnaire, parfois critiquée à cause du passé colonial ?
Avant même de vouloir réhabiliter cette figure, j’ai observé que la plupart des gens ignorent aujourd’hui l’existence de ces missionnaires. Mon but était d’abord de dire qu’il en reste, et de montrer la réalité contemporaine de leur engagement, loin des clichés. En approfondissant le sujet, j’ai découvert qu’il y a 360 ans, le Pape encourageait déjà les missionnaires à s’immerger totalement dans les cultures, à aimer profondément les peuples, et à apporter l’Évangile sans s’imposer. Cette approche m’a vraiment surpris et j’ai voulu la mettre en lumière dans le film.

J’ai voulu tisser le passé et le présent pour mieux comprendre l’évolution de la vocation missionnaire.

Pourquoi avoir alterné témoignages actuels et images animées historiques ?
Je voulais comparer les missions d’hier et d’aujourd’hui, interroger les intentions de départ. À l’époque, les missionnaires partaient souvent sans bien savoir où ils allaient, ce qui pouvait leur donner de l’audace et la volonté d’aller à la découverte de l’inconnu. Aujourd’hui, ils connaissent d’avance les difficultés, les risques d’être mal accueillis, et ils partent malgré tout. Ce sont des hommes modernes, conscients de leur choix et du prix de l’éloignement familial. J’ai voulu tisser le passé et le présent pour mieux comprendre l’évolution de la vocation missionnaire.

Pouvez-vous nous parler de vos premières rencontres avec les missionnaires ?
Je les ai d’abord contactés à distance avant de les rencontrer sur place. Nous avons sélectionné cinq prêtres qui acceptaient vraiment de livrer leur intimité. La rencontre est restée simple : ces hommes ne sont pas des super-héros. Ils sont très ouverts à la relation, ce qui facilite l’échange. Leur joie vient de cette capacité à écouter et à tisser des liens improbables, comme l’amitié singulière entre le père Will et un bonze bouddhiste. Leur écoute, leur humilité et la posture de service engendrent une joie profonde et communicative. Je reste persuadé que, si on se met au service, tout le monde peut éprouver cette même joie.

Il faut pouvoir accepter cette liberté et la vivre pleinement.

Y a-t-il une mission qui vous a particulièrement marqué ?
Oui, celle du père Philippe Blot, missionnaire qui accueille en Corée du Sud des Nord-Coréens ayant fui leur pays. Il prend de grands risques pour lui-même et pour ces Nord-Coréens; mais ce qui est le plus important, c’est qu’il leur fait découvrir la liberté. Quand il m’a dit cela, j’ai compris que la vraie liberté, ce n’est pas seulement de fuir un pays. On peut quitter son pays et ne pas être libre. Il faut pouvoir accepter cette liberté et la vivre pleinement. Dans le film, c’est grâce à la rencontre avec le Christ que ces hommes et ces femmes deviennent réellement libres. Le témoignage du jeune champion de taekwondo montré dans le film, aujourd’hui baptisé, en est un exemple fort. Ces prêtres partent sans toujours connaître à l’avance leur mission. Ils essayent de s’ancrer localement et, au fil du temps, traitent parfois de questions interreligieuses ou géopolitiques importantes. Ils n’ont pas de plan préétabli, ils se laissent guider par les besoins qu’ils rencontrent.

Un moment vous a-t-il particulièrement touché pendant le tournage ?
L’un des moments les plus forts restera ma rencontre avec Atouane, un homme meurtri par la vie avec lequel vit le père Yves Moal, à Taïwan. Je voulais l’interroger, mais le tournage était très difficile. Il était violent, on recevait régulièrement des coups. J’ai continué à filmer en espérant qu’il accepterait, à la fin, la diffusion des images. C’était les dernières scènes que je tournais avec lui : la veille, il avait été violemment frappé par des membres de la déchetterie où il travaillait, ce qui l’avait conduit à l’hôpital. L’interview était très mauvaise ; il était à la fois éteint et agressif, alors nous avons fini par lâcher prise. Malgré tout, j’ai continué à filmer et j’ai aperçu une larme couler sur sa joue, sans vraiment comprendre ce qui s’était passé. Plus tard, une femme du village a traduit la séquence. Et là, moment unique : toute l’équipe s’est mise à pleurer devant les images. Atouane et le père se disaient à quel point ils avaient besoin l’un de l’autre. Ce sont des moments de grâce, des cadeaux inattendus qui nous motivent profondément à partager ce film.

J’espère que le film ne parle pas que des prêtres missionnaires mais va au-delà et qu’il donne envie de connaître la radicalité de la foi de ces hommes, même quand on est laïc.

Comment votre documentaire peut-il accompagner les baptisés dans leur mission quotidienne ?
Pour moi, ce qui rend l’humanité belle, c’est cette capacité que nous avons à nous encourager les uns les autres à travers nos témoignages. J’aimerais vraiment que ce film puisse inspirer les croyants et les aider à distinguer ce qui relève de la culture et ce qui vient d’une relation authentique avec Dieu. Souvent, le problème n’est pas Jésus, mais plutôt l’image que l’on a de l’Église. Je crois que nous sommes appelés à adapter notre manière de vivre et de transmettre la foi à chaque époque, comme Jésus l’a fait en allant à la rencontre des exclus de la société. Pour moi, l’annonce de l’Évangile devrait toujours être portée par cet esprit missionnaire, ouvert et audacieux. J’espère que le film ne parle pas que des prêtres missionnaires mais va au-delà et qu’il donne envie de connaître la radicalité de la foi de ces hommes, même quand on est laïc.

Quelles réactions le film a-t-il déjà suscitées ?
Montrer le film à des lycéens a été révélateur. Ils étaient happés, réagissaient souvent pendant le film et certains regrettaient qu’on ne voie pas plus de missionnaires femmes. Autre anecdote, une exploitante de cinéma était au départ très réticente à projeter le film, de peur qu’il suscite une polémique et évoquant la laïcité. Finalement, après l’avoir regardé, elle a déclaré que tout le monde devrait le voir. C’est toujours surprenant de constater comment l’avis des personnes les plus réservées peut évoluer. Beaucoup de chrétiens ignorent aussi le quotidien des missionnaires et les difficultés qu’ils traversent. Je pense qu’il reste un vrai travail à mener au sein de l’Église pour mieux faire connaître ces missionnaires et partager leurs histoires dans les paroisses. Maintenant, il faut aussi que la première semaine fasse un bon nombre d’entrées pour que le film continue à être diffusé. Quand on achète un billet pour aller voir le film, il faut se dire que c’est aussi d’autres personnes qui pourront, grâce à cela, aller le voir ailleurs en France. Petite anecdote, la lettre en madarin au milieu du titre “Baroudeurs du Christ” signifie “le message”. Autant je pense que ce message est puissant, autant il faut qu’il trouve sa place pour être entendu.

Pratique

Baroudeurs du Christ, 1h31
Un film de Damien Boyer
En salles le 5 novembre
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