Ils portent dans leur arbre généalogique un nom inscrit au calendrier liturgique. Chez certains, l’héritage se devine dans leur nom de famille, une image pieuse ou une relique dans un coin prière. Chez d’autres, il s’incarne dans un engagement, une vocation ou un simple élan du cœur. Ces descendants de saints ne revendiquent ni gloire, ni privilège, ils cherchent seulement à être à la hauteur d’un exemple qui les dépasse.
Dans les pas d’un saint ancêtre
Beaucoup découvrent cette filiation par hasard, au détour d’une recherche généalogique ou d’un récit familial. D’autres ont grandi dans une atmosphère où la mémoire du saint était une présence bienveillante. Et puis il y a ceux qui poursuivent la même vocation comme le père Gilles Barbe, jésuite qui habite à Bruxelles, en Belgique.

Si son nom est inconnu à ses fidèles, il cache pourtant dans son arbre généalogique un bienheureux. Père Gilles est l'arrière neveu du père Ladislas Radigue, religieux picpucien martyrisé sous la Commune le 26 mai 1871. "Avant qu’on ne parle du père Ladislas, notre famille ne mesurait pas comment notre foi s’ancrait dans le passé, ni comment nourrir notre foi de manière collective", expliquait-il à Aleteia en 2023. Et d’ajouter : "Alors que le ciel s’obscurcissait autour de lui, il a trouvé une lumière intérieure, il a discerné ce qui était juste, il a trouvé un motif de joie et d’espérance, cela me parle beaucoup aujourd’hui".
Jean de Roquette-Buisson se sent lui aussi porté par la figure missionnaire de son aïeule, Pauline Jaricot. "Je descends de son frère aîné Paul", précise le quarantenaire, qui a eu la joie de vivre la béatification de Pauline Jaricot à Lyon le 22 mai 2022. Une filiation qu’il affirme vivre avec beaucoup d’humilité et de reconnaissance : "Pauline Jaricot a fait don de sa personne pour les plus fragiles et pour des œuvres caritatives. Elle est un exemple pour moi". Depuis l’âge de 21 ans, Jean de Roquette-Buisson est bénévole et aidant des personnes handicapées dans différentes associations, dont l’Ordre de Malte. Une cause qui lui est chère.

Raphaëlle de Foucauld, dont l'époux a un lien de parenté avec saint Charles de Foucauld, s’inspire aussi de la vie de ce "petit frère universel" qui s’est sanctifié par une démarche d’abandon au Père. "C’est une vraie chance. On se sent porté par ce lien familial", se réjouit Raphaëlle de Foucauld. "Ce qui m’a toujours touchée chez lui, c’est son humilité, explique la conseillère conjugale et familiale. Sa disponibilité aux autres, son sens d’écoute… Il inspire autant de postures qui sont chères à un thérapeute".
Une mission de mémoire
Si Clémentine Beauvais n’est pas croyante, elle se sent néanmoins proche de son aïeule, sainte Marguerite-Marie Alacoque, surtout depuis qu’elle lui a dédié un ouvrage Sainte Marguerite-Marie et moi, publié en 2021. "Il y a eu un avant et un après ce livre. Avant, le fait d’avoir sainte Marguerite-Marie dans l’arbre généalogique, c’était plus une blague familiale, à part pour ma grand-mère qui était pieuse et la prenait au sérieux. Quand j’ai commencé à écrire mon livre, tout a radicalement changé, j’ai appréhendé sainte Marguerite-Marie de manière différente", confie la jeune femme. Toujours aussi agnostique qu’avant, elle avoue néanmoins que sa sainte ancêtre reste présente dans sa vie, surtout depuis la sortie du film Sacré-Coeur. "Je reçois beaucoup de lettres et de messages, quand je me trouve dans une église, je cherche maintenant un vitrail d’elle... Je suis contente d’être témoin de ce retour en force de Marguerite-Marie", se réjouit Clémentine Beauvais.
En Pologne, Wanda Gawronska, 98 ans, a fait de sa vie un hommage vivant à son oncle, Pier Giorgio Frassati, canonisé le 7 septembre 2025 à Rome par Léon XIV. Malgré son âge avancé, elle a tenu à être présente à l’occasion de ce jour si important pour elle. "Ce qui frappe dans sa vie c'est sa cohérence, sa continuité dans une vraie authenticité", avouait-elle à Aleteia en 2018. Chaque geste de son quotidien semble guidé par la mémoire de Pier Giorgio Frassati.

Depuis plusieurs années, elle ne cesse témoigner de la vie de ce jeune Italien amoureux de la vie, apôtre de la charité et sportif accompli, mort foudroyé par la maladie à 24 ans. C’est justement toutes ces qualités de son oncle qu’elle estime attirantes pour les jeunes d’aujourd’hui. "La jeunesse de nos jours sait parfaitement qu'elle peut s'identifier à lui. Elle sait qu'en suivant son exemple, elle peut transformer sa vie en "une merveilleuse aventure"".
Un soutien et guide spirituel
Avoir un saint dans sa famille permet aussi de nouer une relation spirituelle forte avec lui. Quand les épreuves surgissent, beaucoup disent avoir trouvé soutien et réconfort dans cette filiation particulière, comme en témoigne Raphaëlle de Foucauld. "Nous prions souvent Charles de Foucauld, surtout en cas de difficulté". Dans la famille de Jean de Roquette-Buisson, depuis la béatification de Pauline Jaricot, qui a permis à toute sa grande famille de se retrouver, un groupe WhatsApp a été créé pour prier ensemble le rosaire dans l’esprit de la bienheureuse lyonnaise. "Il se trouve que j’ai aussi un lien de parenté avec Charles de Foucauld. Nous récitons souvent sa prière d'abandon en famille”, précise-t-il, ajoutant que sa grand-mère paternelle a pu rencontrer le saint dans les années 1910 lorsqu’elle avait 3-4 ans.
Dans la famille de Hadrien et Amélie, une relique du bienheureux Camille Costa de Beauregard trône fièrement dans le coin prière. "C’est mon arrière-grand-oncle", précise Hadrien Costa de Beauregard. Ce prêtre savoyard, qui a consacré sa vie aux plus pauvres et a été béatifié le 17 mai 2025 à Chambéry, est une figure phare de cette famille boulonnaise. Avec son épouse, Hadrien s’attache à transmettre à leurs trois enfants, âgés de 4, 5 et 9 ans, l’héritage précieux légué par son illustre ancêtre. "Camille est né avec une cuillère en or dans la bouche, il aurait pu avoir une vie inimaginable mais il a été touché par la grâce et a décidé de consacrer sa vie aux autres. Je veux que mes enfants comprennent qu’ils font partie de ceux qui ont beaucoup de chance, sans rien avoir fait pour cela, si ce n’est naître. La vraie question, c’est : que vont-ils faire de cette chance ? Se contenter de la recevoir, ou s’en servir pour essayer de faire une différence dans le monde qui les entoure, à l’image de Camille Costa de Beauregard ?", raconte ce directeur juridique de 44 ans. Les trois petites têtes blondes ne semblent pas se faire prier pour suivre le pas du bienheureux savoyard. Ils le considèrent en effet comme un membre de leur famille malgré un siècle qui les séparent de lui. "Après qu’ils aient assisté à sa béatification à Chambéry, ils le prient tous les jours", rapporte leur père, sourire aux lèvres.
Comme Raphaëlle de Foucauld, Wanda Gawronska ou encore Jean de Roquette-Buisson, de nombreuses autres personnes ont la chance de compter une figure sainte dans leur famille. Pour eux, cet héritage n’est ni une médaille ni un titre, mais une présence intérieure, un guide discret. Qu’il s’agisse de transmettre une valeur, d’accompagner les autres, ou simplement de vivre avec bienveillance, cette filiation rappelle que la sainteté se nourrit dans le quotidien, qu’elle se cultive dans les petites actions autant que dans les grandes décisions. La mémoire des saints n’est donc jamais figée dans le passé, elle continue de rayonner à travers leurs descendants, dans leur vie ordinaire au parfum extraordinaire.











