"Nous ne nous y attendions pas", reconnaît mère Marie-Jean, supérieure des Visitandines de Nantes. Dans ce couvent qui compte plus de 400 ans de vie consacrée à Dieu, les religieuses s'affairent autant qu'elles le peuvent à la confection d'un objet bien particulier : la Sauvegarde du Sacré-Cœur de Jésus. Depuis la diffusion au cinéma début octobre du film "Sacré-Cœur, son règne n'aura pas de fin", réalisé par Steven et Sabrina Gunnell, les Visitandines font face à un flux inédit de commandes. Au point, confesse mère Marie-Jean à Aleteia, de se trouver un peu sous l'eau.
"Cela ne s'arrête pas. Nous devons en réaliser environ 500 par semaine. Et ce n'est rien lorsque l'on regarde les piles de commandes qui arrivent". Découpage de la feutrine, impression des planches de Cœur, piqûre à la machine... Les 14 moniales s'affairent dès qu'elles le peuvent à la fabrication, et tentent au mieux d'éviter les retards d'envoi. "C'est un crève-cœur de devoir faire attendre les commandes. Nous avons parfois beaucoup de demandes bouleversantes, de gens malades, en situation de détresse... Nous faisons tout pour faire au plus vite".
Mais qu'est-ce donc que ce petit rectangle en feutrine rouge sur lequel se détache l'image du Sacré-Cœur ? Visuellement proche du scapulaire, cet objet de dévotion prend ses origines dans les apparitions du Christ à sainte Marguerite Marie. Jésus demanda à la sainte que son Cœur puisse être porté par chacun sur soi. "Nous avons dans nos archives des lettres, dans lesquelles Marguerite Marie demande à faire imprimer ce qu'on pourrait appeler des dessins ou des gravures du Cœur de Jésus, des grandes et des plus petites reproductions à porter sur soi", explique mère Marie-Jean.

Ce geste concret invite le fidèle à se rappeler l'amour du Cœur de Jésus, et à le laisser "nous transformer". Aucune condition n'est nécessaire pour cela : "il faut simplement le faire avec foi, c'est une démarche spirituelle avant tout, que la sauvegarde soutient", poursuit mère Marie-Jean.
"Aime, adore, vénère ce Cœur". Le Christ à sœur Marie-Anne Galipaud.
La diffusion des Sauvegardes ne débute pourtant que plus tard. En 1787, une lettre signée de la Supérieure de la Visitation d’Annecy, Mère Emmanuelle-Amédée de Compeys, appelle l’Ordre de la Visitation à un réveil de la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus à la suite de nouvelles révélations à une religieuse de leur ordre. Le Sacré-Cœur de Jésus n'en avait donc pas fini avec ses petites Visitandines ! Cette religieuse, identifiée comme sœur Marie-Anne Galipaud, reçoit elle aussi cinq révélations, similaires à celles de sainte Marguerite Marie qui l'a précédée. "À présent, mon Cœur est foulé aux pieds, bafoué, méprisé et oublié", lui dit le Seigneur. "Aime, adore, vénère ce Cœur. Fais ton possible pour le faire aimer, adorer, vénérer et vois si tu peux plonger tous les hommes dans cette ouverture sacrée ; mais, particulièrement, ranime, fortifie cette flamme dans mon petit peuple de la Visitation. Mais cet amour, je ne le veux pas en paroles, mais en imitation", demande encore le Christ.

Ni une, ni deux, le monastère de Nantes s'attelle à la tâche et fabrique une quantité impressionnante d’images en papier et en tissu. Alors que la tempête de la Révolution française gronde au loin, les demandes se font nombreuses : il ne fait plus bon être catholique, et se procurer cette petite image devient alors comme un geste vital. "C'est de là que vient le mot sauvegarde, car ce tissu devait permettre de sauver son cœur et sa foi en Jésus", détaille mère Marie-Jean.
Reprise en 2007
Avec le temps, la production finit par ralentir, puis, par s'arrêter. Ce n'est qu'en 2007 qu'un événement inattendu chamboule les sœurs : "Une personne est venue nous demander des sauvegardes, et là... Nous sommes restées sans voix. Nous ne savions plus vraiment de quoi il s'agissait !" reconnaît mère Marie-Jean. "Nous avons eu un peu honte de ne pas pouvoir en donner... Alors en faisant nos recherches, quand nous avons découvert ce petit cœur en tissu coincé dans une archive, nous avons repris la production". Depuis, 333.500 Sauvegardes ont été répandues en France et dans le monde. Avec le film, leur fabrication prend désormais une tout autre envergure. Au point que le couvent de Nantes réfléchit même à de nouvelles solutions. "Nous avons mis en place une adresse mail dédiée pour les commandes, car jusqu'ici cela n'était pas nécessaire. Nous nous occupons des commandes dès que nous pouvons, mais nous avons notre vie de prière et de contemplation, et celle-ci ne peut pas passer après", relève la supérieure de la communauté, qui réfléchit à la meilleure façon d'augmenter la production.

Simple effet de mode ou tendance de fond ? Seul l'avenir le dira. Pour mère Marie-Jean et sa communauté, une chose est sûre : pas question de se défiler devant ce qui est pour elles une demande de la Providence. "Le Sacré-Cœur a Sa manière de faire", sourit la religieuse. "Nous n'avons pas d'autre but ni d'autre rôle que de répandre cette dévotion à Son amour. Pour le reste, Dieu mène la danse. Tout est dans Sa main."











