Qui de nous, dans notre Église, la plupart en bonne santé, en famille ou entre amis, qui peut imaginer ce qu’était, ce qu’est encore, la vie d’un lépreux que la maladie a coupé du monde ? Des lépreux, notre société en cache encore. Qu’il suffise de penser à ceux qui vivent dans des hôpitaux, des centres de rétention, des maisons pour personnes malades, âgées ou handicapées, d’où l’on ne sort à peu près jamais.
La meilleure des médecines
Des lépreux de ce genre, au temps de Jésus comme en notre temps, ont toujours besoin de guérison. Guérison de maladies physiques ou psychiques, guérison du manque d’amour, de confiance en eux-mêmes, en l’avenir et dans les autres. Parmi ces lèpres, pensons aux addictions dont nous sommes souvent esclaves : l’argent, les jeux, les téléphones portables, les réseaux, sans parler du jugement des autres, de nos fermetures et de nos dépendances. Nous tous qui souffrons de ces lèpres modernes, comme ces dix lépreux, ne craignons pas d’aller à la rencontre de Jésus et de crier vers lui : "Seigneur, prends pitié de moi ! Jésus, Maître, libère-moi du mal et de la peur." Appeler Jésus, c’est appeler Dieu qui sauve, ce que dit le nom de Jésus. Sans nous lasser, comme font nos frères chrétiens d’Orient, encore et encore, répétons le nom de Jésus : "Seigneur Jésus, Fils de Dieu, Sauveur, prends pitié de moi pécheur." La première, peut-être la meilleure des médecines, la première des prières.
Jésus voit les lépreux et les renvoie, disant : "Allez-vous montrer aux prêtres" (Lc 17, 14). Et les dix lépreux se mettent en route. En quittant Jésus, ils ne sont pas guéris. Il est seulement question pour eux d’avoir foi, de partir et d’aller se montrer aux prêtres, comme font ceux qui s’estiment guéris pour authentifier leur guérison, en respect de l’Écriture (Lv 14). Les lépreux ont foi et partent pour Jérusalem par un chemin montant depuis la Galilée. Ils marchent ensemble. Voilà ce que demande la foi : être ensemble, comme on fait en Église, être en route. Marcher ensemble, jamais seul. Faire synode. En restant seuls, sans bouger de chez nous, avec nos certitudes et nos habitudes, quelle place laisserons-nous à Jésus pour qu’il nous guérisse ?
Être guéri ou être sauvé ?
Dix lépreux ont été purifiés. Un seul vient remercier Jésus. Dix ont été guéris. Un seul sera sauvé. Une question pour nous aussi : que préférons-nous, être guéris ou sauvés ? Ceux qui ont été guéris en sont sans doute heureux ; qui ne se réjouirait pas avec eux ? Cependant, malgré leur guérison, un jour viendra où ils tomberont à nouveau malade d’une autre maladie, et ils mourront. Celui qui a été sauvé, même s’il tombe malade et qu’il meure, reste sauvé pour toujours, pour la vie éternelle. Ceux qui ont été guéris ont été désaltérés. Celui que Jésus a sauvé est allé à la source, à Jésus lui-même. Jésus n’est pas qu’une puissance. Il est le Sauveur. Les neuf ont reçu une grâce et résolu un problème. Le dixième a embrassé le Seigneur, le chemin, la vérité et la vraie vie. Qu’y a-t-il de plus important ?
Ce Samaritain, cet étranger, cet hérétique, remercie Jésus et fait de sa vie une action de grâce. On appelle aussi cela Eucharistie. Quel exemple ! Nous qui sommes croyants, vivons-nous nos journées comme un fardeau à porter, ou comme une louange à entonner ? Remercier, ce n’est pas qu’une question de bonne éducation ou de bienséance. Mais bien plus, un chemin de foi et de salut. Un cœur qui remercie ne vieillit pas. Celui qui remercie en vérité possède une paix profonde, invisible du monde. Il éprouve la joie d’avoir reçu et la grâce de reconnaissance qui l’introduit dans la lignée de Dieu.
Un cœur qui nous attend
Serons-nous comme les lépreux à attendre un acte de puissance de la part du Seigneur ? Ou comme ce Samaritain, l’unique qui a compris que dans la guérison, il y a bien plus : un signe d’amour envers lui, un appel qu’il a entendu et auquel il répond. Une louange inestimable qui vient de quelqu’un qui nous aime et invite à notre propre louange. Il a compris que Dieu n’est pas qu’un distributeur de bienfaits, mais un cœur qui nous attend. Il est sauvé celui qui retarde d’une heure son plaisir de vivre, pour donner à Dieu une minute de son temps. Voilà le Royaume, la vie éternelle.
Remercions pour nos guérisons, laissons croître en nous l’action de grâce pour notre salut. Nous recevrons la vie de Dieu lui-même, la vie éternelle.
Lectures du 28e dimanche du temps ordinaire (année C) :










