Jour après jour, prise d’une instabilité gouvernementale inconnue depuis 1958, la France voit se déployer de façon spectaculaire une forme de brutalisation des rapports interpersonnels entre responsables politiques. Ce n’est néanmoins qu’une des manifestations d’un processus plus global, dont je date l’origine, dans mon dernier livre, à la crise financière de 2008. Cette crise a touché progressivement notre appareil productif, nos représentations collectives, notre vie quotidienne. Du point de vue de la vision du monde, si toutes les familles de pensée nées des XIXe et XXe siècle ont été bousculées par la crise (déclin des partis sociaux-démocrates, montée des droites radicales contre les vieilles « droites de gouvernement), les catholiques dans leur diversité font face aux défis du temps avec une constance et une imagination sans cesse renouvelées. Avoir une vision du monde qui va de la naissance à au-delà de la mort confère un certain recul dans la période.
L’État désarmé face aux stupéfiants
La décivilisation, aboutissement de la brutalisation de la société, de ses codes et de ses relations interpersonnelles, percute spectaculairement notre société avec la question des stupéfiants. Désormais omniprésents, ils contribuent à redéfinir la base idéologique du pays dans un sens empreint de violence, d’avidité du gain et de codes consuméristes sans fin. Pour l’heure, le constat s’impose : la puissance publique n’a aucun contrôle sur la production, la diffusion et donc la consommation de drogue. Nous avons unilatéralement désarmé. L’appareil d’État n’est plus en mesure de maintenir une coercition efficace. "L’État social", malgré les savoirs de ses médecins et travailleurs sociaux, est démuni. Bref, les pouvoirs politiques et étatiques ont perdu le contrôle. Les sociétés civiles, qui ne peuvent lutter par la coercition et la violence légitime, sont désarmées et les individus sont donc des proies directes des flux de stupéfiants. Ce n’est pas tout à fait un hasard si la drogue qui comble un vide existentiel individuel et collectif en frappant tous les milieux, pénètre moins le monde catholique. C’est un fait.
Une crise existentielle
Pour résister dans ce domaine, il faut un solide ancrage dans une vision du monde vraiment émancipatrice, qui protège la personne et résiste aux mirages de l’individu roi. En ce sens, même si la marche des substances psychoactives ponctue chaque jour un peu plus le quotidien de notre société, le monde catholique, qui n’a en ce sens pas perdu de sa fraîcheur, affronte directement les réalités les plus brutes, sinon les plus brutales de notre société. Les vulnérabilités du pays, de la société française sont abordées de front : qu’on songe aux associations Le Rocher ou à Lazare, les entreprises les plus dynamiques tournées vers les plus vulnérables — dans leur diversité — qui naissent et se développent sous l’impulsion de (jeunes) catholiques.
La brutalisation des codes sociaux et des relations interpersonnelles provient d’un dérèglement de la base matérielle du pays. Face à cela, comme l’aurait écrit Gramsci, il faut une révolution éthique et morale, qui réponde à la crise existentielle de nos contemporains. Comprendre la décivilisation, vouloir y répondre et agir en fonction : c’est une mission que les catholiques doivent savoir remplir.
Pratique











