Du Népal à l’Indonésie, des Philippines au Maroc, la "génération Z" est née entre 1997 et 2012 et a grandi avec Internet et les réseaux sociaux. Elle est désormais parvenue à l’âge adulte, celui des constructions, mais aussi des révoltes. Dans de nombreux pays asiatiques, cette jeunesse se rebelle, chasse les gouvernements, veut bâtir un autre monde et une autre société. Des espoirs portés notamment via les réseaux sociaux, utilisés pour la communication et la mobilisation. Une génération qui a ses spécificités, mais aussi de nombreux points communs avec les jeunesses qui les ont précédées.
Au Népal, le gouvernement renversé
Tout a commencé au Népal, à l’automne 2025. Le gouvernement avait décidé de restreindre l’accès à plusieurs réseaux sociaux, invoquant des raisons de sécurité nationale. Le décret a déclenché une vague de colère chez les jeunes, qui y ont vu une atteinte directe à la liberté d’expression. Très vite, les manifestations se sont étendues à l’ensemble du pays. Le mouvement, sans leader désigné, s’est coordonné via Discord et Instagram. Des milliers de jeunes, souvent apolitiques, se sont rassemblés devant le Parlement, les tribunaux et les ministères.
La répression a été violente : plus de soixante-dix morts, des centaines de blessés et des bâtiments publics incendiés. Le Premier ministre Sharma Oli a fini par démissionner après moins d’une semaine d’émeute. Cette révolte, inédite par son ampleur, a révélé la puissance de la jeunesse népalaise connectée, capable de se mobiliser en dehors de toute structure politique. Pour beaucoup, c’est la première révolution véritablement horizontale du pays, une insurrection "sans chefs", fondée sur la coordination numérique et la symbolique d’une liberté à conquérir.
En Indonésie, les étudiants et les travailleurs du numérique
En Indonésie aussi, la contestation a éclaté, dans le pays le plus peuplé d’Asie du Sud-Est. Les étudiants, bientôt rejoints par les travailleurs des plateformes de livraison et de transport, ont dénoncé la baisse des budgets publics, la corruption et les inégalités croissantes. Ce mouvement, baptisé "Indonesia Gelap" (Indonésie sombre) s’est répandu dans tout l’archipel, de Jakarta à Surabaya. Les jeunes y réclamaient davantage de transparence et une protection sociale adaptée à l’économie numérique.
Les manifestations ont été massives, souvent violentes : une dizaine de morts et des centaines de blessés ont été recensés. L’effondrement d’une école, le 29 septembre dernier, qui a causé la mort de dizaines de personnes fut un élément catalyseur. L’effondrement est dû à un problème de structure et donc à de l’argent qui a été détourné au lieu de servir à la bonne construction de l’édifice. Pour beaucoup, c’est un symbole de la corruption et du détournement de l’argent public. Un motif supplémentaire de mécontentement et de contestation.
Philippines : colère contre la corruption
Aux Philippines, le déclencheur a été un scandale de corruption lié à des projets d’infrastructures jamais réalisés. En septembre 2025, des milliers d’étudiants ont envahi les rues de Manille et d’autres villes pour dénoncer ce qu’ils appellent "le vol du futur". Les manifestations, pacifiques au départ, ont été violemment dispersées. Plus de deux cents personnes ont été arrêtées. Derrière cette colère, se cache une lassitude plus profonde : celle d’une génération qui se heurte à un système politique verrouillé par les grandes familles et miné par le clientélisme. Pour les jeunes Philippins, la lutte contre la corruption est devenue un combat moral, doublé de la volonté de changer leur pays de l’intérieur.
Maroc : désillusion sociale
Au Maroc, les mobilisations ont surpris par leur ampleur. Sous le hashtag #GenZ212, les jeunes ont exprimé leur ras-le-bol face à la cherté de la vie, au chômage, aux inégalités sociales et au manque de services publics. Le décès de femmes enceintes dans des hôpitaux surchargés a mis le feu aux poudres. Le slogan Health first - "la santé d’abord", s’est imposé comme cri de ralliement.
Les jeunes Marocains se sont organisés sur Discord, TikTok et Instagram, créant un réseau fluide et insaisissable. Des centaines d’arrestations ont eu lieu, des affrontements ont éclaté, mais la colère ne s’est pas éteinte. Ces mobilisations, qui traversent les classes sociales et les régions, traduisent une rupture entre la jeunesse et un État perçu comme distant, tourné vers les grands projets internationaux, notamment la Coupe du monde 2030, plutôt que vers les besoins quotidiens des citoyens. L’argent public est utilisé pour construire des stades mirobolants alors que la population manque d’accès aux soins.
Rien de nouveau dans les motivations
Toutes ces révoltes partent de thématiques locales et sont des réponses aux situations sociales des pays. Leurs points communs résident dans les moyens de communication utilisés : réseaux sociaux et Internet, qui font partie du quotidien de cette jeunesse et qu’elle maîtrise très bien. Les plateformes favorisent les communications et les échanges, les partages de vidéos et d’information. Elles informent, mais elles déforment aussi. En ne montrant que ce qui ne fonctionne pas, les réseaux occultent les réalisations du pays et les avancées sociales que cette génération peut connaître par rapport à ses prédécesseurs.
Si cette génération Z est marquée par les réseaux sociaux, elle a aussi de nombreux points communs avec celle de leurs parents. C’est toujours la jeunesse qui se révolte, parce qu’elle n’a rien à perdre et qu’elle a du temps libre. Difficile de se révolter et de manifester quand on a un emploi et un foyer à nourrir et à financer. La jeunesse est toujours en décalage avec la classe politique, installée, qui s’échange les prébendes et qui vit parfois dans la corruption. Rien de nouveau donc dans les motivations et les moteurs de l’action, en revanche, un usage nouveau, grâce aux réseaux sociaux et aux moyens de communication.











