Si être bien chez soi n’est évidemment pas l’unique condition pour aller bien, cela contribue néanmoins à préserver sa santé mentale. Un enjeu qui est devenu la grande cause nationale 2025 au regard des chiffres alarmants concernant le bien-être psychique des Français. Les maladies mentales et les troubles psychiques concernent 13 millions de Français, soit un Français sur cinq. Trois millions de personnes vivent avec des troubles psychiques sévères. Les Français sont les plus gros consommateurs de psychotropes du monde : plus d’un quart consomme des antidépresseurs, somnifères, anxiolytiques ou autres médicaments psychotropes, selon les données EPI-PHARE. La prise en charge des maladies psychiatriques (dépression, troubles anxieux, troubles bipolaires, troubles du comportement alimentaire, schizophrénie, troubles obsessionnels compulsifs…) est le premier poste de dépenses de l'assurance maladie, devant la prise en charge des cancers, avec un coût annuel de 23 milliards d'euros.
Selon la définition de l’OMS, une bonne santé mentale est "un état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive, et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté". Précisons néanmoins qu’avoir un trouble psychique n’empêche pas d’être en bonne santé mentale : on peut se rétablir d’un trouble psychique, c’est-à-dire avoir une vie heureuse et satisfaisante, tout en vivant avec ce trouble.
Avant que les pouvoirs publics ne décrètent la santé mentale comme grande cause nationale, la Fondation du Domicile, un fonds de dotation visant à placer le domicile au cœur des politiques publiques, a étudié le lien entre le cadre de vie et le bien-être psychique. Avec une douzaine d’experts – psychiatres, chercheurs, acteurs de terrain – dont les apports ont été publiés dans un ouvrage paru fin août intitulé Le domicile, pilier de la santé mentale (Ed. de L’aube), la Fondation a démontré combien être bien chez soi contribue à être bien en soi. "Nous sommes partis de l’idée selon laquelle le domicile est le lieu où l’on construit sa santé mentale : lorsque le domicile est vécu de manière positive, comme un havre de paix, de sécurité, d’amour, de liens sociaux, la santé mentale s’améliore, tandis que lorsqu’il est vécu de manière contrainte, subie, la santé psychique se détériore", explique à Aleteia Sophie Bressé, secrétaire générale et directrice scientifique de la Fondation du Domicile.
Un rapport ambivalent au domicile
Le domicile n’a pas la même réalité pour tous. Il peut aussi bien être perçu comme un refuge protecteur que comme une source de stress et d’anxiété. "Le domicile comme lieu d’angoisses ne concerne pas uniquement les migrants, les sans-abris ou les victimes de violences intrafamiliales, il concerne toutes les personnes qui se sentent reléguées, assignées à leur domicile, isolées ou en prise avec une addition", précise Sophie Bressé. Car c’est dans le huis clos du domicile que les angoisses peuvent prendre corps chez les enfants, les adolescents, les adultes ou bien les personnes âgées, à travers la solitude, l’anxiété, les violences intrafamiliales ou les pratiques addictives dont notamment les écrans.
"Le premier facteur d’amélioration des conditions de santé mentale, ce sont les conditions d’hébergement", souligne Serge Hefez, psychiatre et psychanalyste. "Avoir un chez-soi, avoir un domicile, avoir un endroit où l’on est protégé, qu’on soit seul ou en famille, ou même en groupe dans des lieux d’hébergement, c’est la première condition pour pouvoir récupérer un minimum de santé mentale."
Cinq éléments constitutifs du bien-être chez soi
L’étude "GoodHome" réalisée en 2019 auprès d’un panel de 13.000 personnes à travers 10 pays européens différents par l’Institut de recherche sur le bonheur de Copenhague pour le groupe Kingfisher, spécialisé dans l’amélioration de la maison, met en évidence cinq éléments constitutifs du bien-être chez soi. "Cette étude montre que, quand on se sent bien chez soi, nos chances de mener une vie heureuse sont décuplées. Étonnamment, les facteurs les plus importants ne sont pas le lieu où l’on habite, ni la taille de sa maison ou le fait d’être propriétaire ou locataire. Ce qui compte le plus, c’est d’avoir un foyer qui nous offre un sentiment de sécurité, de confort, de contrôle, de fierté et d’identité", explique Véronique Laury, directrice générale de Kingfisher.
"Lorsqu’il manque l’un de ces éléments-là, la santé mentale se dégrade", constate Sophie Bressé. Revenons sur ces cinq éléments constitutifs du bien-être chez soi. La sécurité, d’abord, le fait de se sentir protégé dans son habitat. Le confort, ensuite, qui fait de son domicile un lieu où l’on peut se ressourcer, souffler, où l’on se sent bien. Troisième élément, le contrôle. C’est le fait d’avoir la maîtrise de son environnement, comme décider de l’heure des repas, d'inviter des proches, et de pouvoir faire évoluer cet environnement comme on le souhaite. "Le bien-être chez soi dépend de la possibilité d’inviter des personnes chez soi, d’être cet espace de liens", insiste Sophie Bressé. Une dualité est donc nécessaire pour se sentir bien chez soi : "Le domicile doit être à la fois ce lieu refuge, cet espace privé, rien qu’à soi, mais aussi un espace qui nous relie aux autres et au monde à travers les interactions sociales."
Le quatrième élément réside dans la fierté attachée à son domicile, dans la mesure où une maison devient la vitrine de ses réalisations personnelles. Enfin, dernier élément essentiel pour être bien chez soi, l’identité, le fait de pouvoir être soi-même. "Dans ce sens, la maison est le lieu où l’on peut être soi-même, écouter la musique que l’on aime, cuisiner ce que l’on veut, le lieu où l’on peut exprimer sa personnalité, ses valeurs, sa religion...", précise Sophie Bressé. Le domicile peut devenir ainsi un lieu où la foi se vit et s'exprime au quotidien. Chez les catholiques, les objets de dévotion présents dans les foyers - une Bible, une icône, un crucifix... - invitent à approfondir sa relation au Christ et à vivre habité de sa présence. Autant de signes qui leur rappellent l’amour infini de Dieu et leur vocation à se conformer au Christ. Bien plus que le confort, le contrôle ou la fierté, contempler Dieu et se laisser aimé par lui ne sont-ils les chemins les plus directs pour accéder au bonheur ?










