separateurCreated with Sketch.

“Dilexi te”, l’exhortation programmatique de Léon XIV ?

pope-leo-XIV-general-audience-vatican-october-01-2025
whatsappfacebooktwitter-xemailnative
Valdemar de Vaux - publié le 09/10/25
whatsappfacebooktwitter-xemailnative
Depuis son apparition au balcon de Saint-Pierre, le 8 mai dernier, le pape Léon XIV ne cesse d’accomplir des "premières fois". Jeudi 9 octobre, en publiant sa première exhortation apostolique, un travail commencé par François, il donne forcément le ton de son pontificat.

Depuis le 8 mai, quand celui qui était encore quelques minutes plus tôt le cardinal Prevost est apparu au balcon de Saint-Pierre, tous les gestes du Pape sont décryptés : quels indices donne-t-il sur son pontificat, sa vision de l’Église, sa manière de faire ? Aujourd’hui, Léon XIV a donné un indice de grande importance, peut-être même le plus important en cinq mois, en apposant sa signature à la fin de sa première exhortation apostolique. Un texte qui n’a pas le poids magistériel d’une encyclique mais qui permet d’approfondir et d’orienter la vie spirituelle et pastorale de l’Église tout entière.

Dilexi te (Je t’ai aimé), tel est le titre de ce document, des mots tirés de l’Apocalypse, signé le 4 octobre, mémoire de saint François d’Assise. Tout un symbole, sur le fond et la forme. Effectivement, le texte a largement été écrit par le pape François, qui avait choisi le Poverello comme nom et comme modèle de son pontificat. Un symbole, aussi, parce que les 121 paragraphes de l’exhortation ont pour objet "l’amour envers les pauvres", un souci porté tant par le prédécesseur de Léon XIV que par le moine réformateur du XIIIe siècle. Un an après Dilexit nos "sur l’amour humain et divin du Cœur de Jésus-Christ", voici donc un appel à recevoir cette dilection de Dieu à travers les pauvres.

Dans la continuité du pontificat de François

À la lecture de Dilexi te, difficile de ne pas retrouver les accents et le style bergogliens. En cela, Léon XIV s’inscrit dans une geste traditionnelle sur le siège de Pierre : reprendre à son compte les intuitions voire les écrits-mêmes de son prédécesseur. François, déjà, avait signé la dernière encyclique sur les vertus théologales de Benoît XVI, Lumen fidei. Son véritable texte programmatique ne parut que quelques mois plus tard. Ce fut Evangelii gaudium (24 novembre 2013), exhortation dans laquelle, a posteriori, l’on retrouve l’essentiel de ses préoccupations futures.

Robert Francis Prevost assume donc le magistère du "pape des pauvres" : "Ayant reçu en héritage ce projet, je suis heureux de le faire mien […], partageant ainsi le désir de mon bien-aimé Prédécesseur que tous les chrétiens puissent percevoir le lien fort qui existe entre l’amour du Christ et son appel à nous faire proches des pauvres. En effet, je pense moi aussi qu’il est nécessaire d’insister sur ce chemin de sanctification" (§3).

Dans des lignes spirituelles plus que morales, Léon XIV invite ensuite tous les fidèles à percevoir que "la charité n’est pas une voie facultative, mais le critère du vrai culte" (§42), rappelle que l’Église est "pour" les pauvres, et que cette fameuse option préférentielle n’est pas une conséquence de la foi mais que la foi au Christ se donne en même temps que l’amour des autres : "Nous ne sommes pas dans le domaine de la bienfaisance, mais dans celui de la Révélation : le contact avec ceux qui n’ont ni pouvoir ni grandeur est une manière fondamentale de rencontrer le Seigneur de l’histoire. À travers les pauvres, Il a encore quelque chose à nous dire." (§5)

Et la Pape de donner à voir de nombreux modèles ou manières, dans l’histoire, de dire et vivre la charité, des pères de l’Église (saint Jean Chrysostome) aux moines (saint Benoît de Nursie) en passant par des figures classiques de la charité (saint Jean de Dieu, sainte Louise de Marillac) et même des exemples plus inattendus, comme sœur Emmanuelle ou sainte Françoise-Xavière Cabrini. Au total, pas moins de cinquante figures spirituelles dont huit françaises. Personne ne s’étonnera de croiser saint François d’Assise, dont la "sainteté germait de la conviction que l’on ne peut vraiment recevoir le Christ qu’en se donnant généreusement aux frères".

Une touche personnelle…et programmatique ?

Puisque le Pape est religieux augustin d’origine, personne ne s’étonnera non plus de lire des lignes sur les ordres mendiants et sur saint Augustin, qui inspire beaucoup le Saint-Père depuis son élection. Voilà donc des lignes qui manifestent que Léon XIV a ajouté "quelques réflexions" au texte de son prédécesseur. "Dans ses Commentaires sur les Psaumes, explique par exemple Robert Francis Prevost à propos de son maître, il rappelle que les vrais chrétiens ne négligent pas l’amour pour les plus démunis. […] Pour Augustin, le pauvre n’est pas seulement une personne à aider, mais la présence sacramentelle du Seigneur." (§44)

Une autre marque personnelle ? La mention de la Doctrine sociale de l’Église et de son initiateur, le pape Léon XIII, dans la suite duquel il a voulu se placer en prenant son nom. Ainsi le Souverain pontife mentionne-t-il "le siècle de la Doctrine sociale" : "Le Magistère des 150 dernières années offre une véritable mine d’enseignements concernant les pauvres […]". Et de mentionner l’exemple de "la Lettre encyclique Rerum novarum (15 mai 1891), dans laquelle Léon XIII aborda la question du travail en dénonçant la situation intolérable de nombreux ouvriers de l’industrie et proposant l’instauration d’un ordre social juste."

La dernière indication sur le pontificat de Léon XIV se trouve sûrement dans le ton adopté. Si l’on entend depuis le mois de mai que l’ancien évêque de Chiclayo est un homme d’unité, ce dont on ne veut pas douter pour le moment, on perçoit dans Dilexi te sa capacité à dire le fond de sa pensée. Comme le pape François, avec certains de ses mots mais sûrement un autre caractère et une autre histoire, Léon XIV est capable de décider et de dénoncer.  "Convaincu que le choix prioritaire en faveur des pauvres engendre un renouveau extraordinaire, tant dans l’Église que dans la société" (§7), le Pape n’est pas timoré pour dénoncer le conformisme : "Il n’est pas possible d’oublier les pauvres si nous ne voulons pas sortir du courant vivant de l’Église qui jaillit de l’Évangile et féconde chaque moment de l’histoire." (§15)

Découvrez aussi les plus belles citations de “Dilexi te” :

Vous avez aimé cet article et souhaitez en savoir plus ?

Recevez Aleteia chaque jour dans votre boite e−mail, c’est gratuit !

Vous aimez le contenu de Aleteia ?

Aidez-nous à couvrir les frais de production des articles que vous lisez, et soutenez la mission d’Aleteia !

Grâce à la déduction fiscale, vous pouvez soutenir le premier site internet catholique au monde tout en réduisant vos impôts. Profitez-en !

(avec déduction fiscale)