La régie publicitaire de la SNCF et de la RATP, MediaTransports, a refusé la campagne d'affichage du film "Sacré-Cœur", dont la diffusion a débuté le 1er octobre au cinéma. Ce film documentaire, réalisé par Steven et Sabrina J. Gunnell, retrace les apparitions du Christ à sainte Marguerite-Marie Alacoque qui ont eu lieu 1673 et 1675 à Paray-le-Monial (Saône-et-Loire), et lancé la dévotion au Cœur sacré de Jésus. "La campagne envisagée revêtait un caractère confessionnel et prosélyte incompatible avec le principe de neutralité du service public", a confirmé auprès d'Aleteia MediaTransports.
Selon quels critères précis la régie peut-elle accepter ou refuser une telle campagne d'affichage ? Quels sont les éléments permettant d'établir un caractère prosélyte ? Quelle procédure interne est suivie pour prendre cette décision ? Autant de questions laissées sans réponse, MediaTransports ayant refusé de faire des "commentaires complémentaires".
MediaTransports a déjà fait obstacle à d'autres campagnes d'affichage au motif d'un caractère confessionnel ou prosélyte. En avril 2015, la mention "au bénéfice des chrétiens d'Orient" figurant sur une affiche de concert donnée par "Les Prêtres" avait été jugée problématique. La campagne avait finalement été autorisée à condition de remplacer ladite mention par la suivante : "au profit de l'association L'Œuvre d'Orient", suscitant un véritable tollé et une levée de boucliers jusque dans les milieux politiques. Cette posture ne concerne pas que les symboles chrétiens. Trois ans plus tôt en 2022, la même régie avait aussi opposé son veto contre une campagne d’affichage dénonçant l’islamophobie menée par le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). Intitulée "Nous (aussi) sommes la Nation", lancée en octobre 2012, elle se déclinait en trois affiches, chacune illustrant des scènes de la vie quotidienne où des personnes musulmanes, dont certaines portant le voile, interagissaient avec des symboles républicains français tels que le drapeau tricolore, ce dernier élément étant considéré à lui seul comme une revendication politique.
Films d'horreur
La seule apparition, sur l'affiche, de symboles considérés comme religieux serait donc suffisante pour refuser une campagne, indépendamment du contexte même dans lequel sont placés ces symboles. Preuve en est avec la une de Bilal Hassani pour le magazine Têtu, en 2021 : le chanteur était représenté en "Madone", reprenant les codes de l'iconographie chrétienne dans un but manifestement provocateur. Le refus de Médiatransports n’était pas motivé par une volonté de protéger les chrétiens d’une offense, mais bien par le caractère “confessionnel” de l’image. Pourtant, là encore, des exceptions peuvent être relevées qui interrogent sur la nature subjective voire totalement floue de cette "règle". Steven Gunnell, réalisateur du film Sacré-Cœur, a souligné ainsi au micro d'Europe 1 cette incohérence : "La Nonne, L’Exorciste, Conjuring, oui ; Jésus non". De nombreux films d'horreur reprenant l'iconographie chrétienne (religieuse, crucifix...) sont ainsi affichés dans les transports sans pour autant être censurés.
Ce n'est pas la première fois qu'une initiative chrétienne se heurte, en France, à l'implacable principe de laïcité. Appliquée de façon très stricte, elle met l'accent presque exclusivement sur la neutralité, au point que la liberté d’expression religieuse semble réduite, notamment lorsqu’il s’agit de manifestations culturelles, artistiques ou patrimoniales liées au christianisme. En octobre 2023, le spectacle musical "Bernadette de Lourdes" qui retrace à l'aide de documents authentiques l'histoire de Bernadette Soubirous, s'était ainsi vu refuser l'intégration à l'offre collective du "pass culture" proposé aux établissements scolaires. Parmi les motifs invoqués par la commission, le "non respect de la charte de la laïcité". Là encore, aucun motif précis ne permettait de comprendre en quoi cette charte n'aurait pas été respectée. Tout comme Saje, distributeur du film Sacré-Cœur, les producteurs de cette comédie musicale au vif succès avaient avancé le caractère culturel de l'œuvre : le film, tout comme la comédie musicale, aborde un épisode de l'histoire de France qui, n'en déplaise, est intimement et depuis toujours liée au christianisme. Et c'est sans doute là que le bât blesse.











