Monter au Ciel. Voilà ce que désire le disciple du Christ. Et, pour nourrir l’espérance d’y accéder un jour, l’Église fait contempler, tous les 15 août, la Mère de Jésus parvenir elle-même et avec son corps préservé jusqu’au Paradis, ce "ciel" qui n’a pas de lieu mais qui est en hauteur, celle de la grandeur du Dieu tout-puissant. Pourtant, la solennité de l’Assomption enseigne d’abord que cette ascension jusqu’au Père ne peut se faire qu’au prix d’une radicale descente. Voilà le paradoxe apparent de la sainteté.
Dans la liturgie de ce jour de fête patronale en France, l’Apocalypse fait certes contempler la Femme dont le manteau est le soleil et qui a la lune sous les pieds, puissante arche d’alliance au cœur du Sanctuaire de Dieu. Cette majesté est cependant aussitôt explicitée dans le Magnificat de l’évangile de Luc. Si Marie règne là-haut, c’est parce qu’elle exalte le Seigneur qui "s’est penché sur son humble servante" et n’aime rien tant que cette petitesse, cette manière qu’a eu Marie de répondre à l’ange avec confiance, telle la créature à son Créateur. Lui qui "disperse les superbes", ou orgueilleux, "élève les humbles". Ce qui est bas, il lui donne de la hauteur, ce qui est vide il le remplit, ce qui est faible il le ragaillardit.
Jésus, maître de l’abaissement
Telle est la leçon, ou l’une des leçons, de l’Assomption de la Vierge Marie. Ce ne sont pas ses mérites qui lui valent un tel privilège, mais l’attitude filiale qu’elle a toujours eue, malgré les souffrances : elle tient sa vie du Père, à qui rien n’est impossible, elle le sait et le chante, et elle s’appuie sur Lui seul.
Jésus lui-même a montré l’exemple de cet abaissement qui précède l’élévation. "Ayant la condition de Dieu, il ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu explique le Cantique aux Philippiens (Ph 2, 6-11), mais il s’est anéanti". Du plus haut, le voilà au plus bas, semblable aux hommes et mort, sur la Croix. "C’est pourquoi Dieu l’a exalté" conclut saint Paul. Une kénose – terme grec repris par la théologie pour qualifier cette "descente" du Christ – que tous les disciples sont invités à imiter.
Se mettre à l’école de Thérèse de Lisieux
Et, d’abord, en admettant la suprématie du Créateur. Ainsi Louis XIII commence-t-il son vœu, qui donna Notre-Dame de l’Assomption comme patronne à son royaume, tout roi qu’il est, en se "prosternant aux pieds de la Majesté divine, à ceux de la sainte Vierge et de la Sacrée Croix" pour se "consacrer à la grandeur de Dieu par son fils rabaissé jusqu’à nous". Ce mouvement d’humilité, chemin de sainteté, a trouvé une très concrète explicitation par la voix de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, patronne secondaire de la France.
Dans le langage enfantin qu’on lui connaît, qui est le fruit de son attitude spirituelle bien plus que le signe d’une immaturité, la carmélite lexovienne aime parler de cet "ascenseur" qui va jusqu’au Ciel, les bras de Jésus (cf. Manuscrit C). La "petite voie de confiance et d’amour" bien connue, et qui vaut à la lexovienne le titre de Docteur de l’Église, voilà comment elle l’explique : "Jésus ne demande pas de grandes actions, mais seulement l’abandon et la reconnaissance." Par l’abaissement, Jésus a vaincu la mort et siège à la droite du Père. Par l’humilité, la jeune fille de Nazareth est désormais la Reine du Ciel. La petite Thérèse est devenue une figure immense, car monter, c’est descendre.










