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Les filles de l’Enfant Jésus, deux siècles au service des plus fragiles

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Lille.

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Benoist de Sinety - publié le 06/07/25
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Les dernières religieuses de l’Enfant Jésus ont célébré à Lille leur bicentenaire, et la "fin de leur aventure" au service des plus fragiles. Curé-doyen de la ville de Lille, le père Benoist de Sinety rend hommage à ces servantes fidèles et discrètes qui ont irrigué durant deux siècles les terres ouvrières du Nord avec la charité de l’Évangile.

En 1778, à Moncheaux, petite commune des Flandres françaises, naît Natalie Doignies. L’humble jeune fille montée à Lille, bouleversée par la paupérisation galopante, conséquence de la Révolution industrielle, y fondera une congrégation religieuse, les Filles de l’Enfant Jésus, en 1825. De son vivant, cette nouvelle famille religieuse connaît un essor spectaculaire : en quelques années, près de 500 femmes rejoignent Natalie.

Femmes au service des plus fragiles

Natalie, femme ignorante, illettrée, se met à prêcher aux carrefours et laisse l’Esprit Saint toucher les cœurs de ceux qui l’écoutent. Elle va au plus profond des bidonvilles et des lieux de misère, rechercher ceux que personne ne regarde, désespérés, malaimés, et suscite l’espérance. Elle ouvre les bras aux enfants abandonnés et initie de véritables "foyers d’amour" qu’on appelle alors "écoles charitables" pour les enseigner et les éduquer. Très vite des centaines d’initiatives voient le jour dans le Nord de la France et, au gré des contingences historiques, en Belgique : dispensaires, hôpitaux, écoles, foyers, lieux d’accueil. Il faut aller partout où appellent les pauvres, sans se soucier d’autre chose que de secourir et, par-là, d’aimer.

Le mercredi 2 juillet dernier, au cimetière de l’Est à Lille, une cérémonie brève et humble réunissait les dernières Filles de l’Enfant Jésus autour de l’archevêque et de quelques dizaines d’amis et de fidèles du diocèse. Autour d’un monument érigé pour le bicentenaire de la création de l’ordre, nous faisions mémoire des 950 religieuses enterrées là. Elles n’ont jamais cherché à faire parler d’elle, à marquer leur temps et leur histoire. Elles se sont mises simplement au service des besoins des hommes dans les soubresauts et la fureur parfois des crises et du quotidien. En deux siècles, l’aventure sur cette terre s’achève. Depuis longtemps, elles savent qu’elles sont les dernières. Elles sont là, ces femmes trop souvent laissées dans l’ombre. Elles sont bien là, vigilantes à ce que nul ne profite de ce qu’une mort annoncée peut parfois susciter comme convoitise. Elles sont là, discrètes mais fermes sur le message de leur fondatrice qu’aucun silence ne saurait recouvrir : "Je veux prendre l’Évangile pour ma Règle et le suivre à la lettre afin de mener une vie tout apostolique" écrivait-elle. Révéler la tendresse du Père, manifester aux petits les mystères du Royaume : c’est bien cet esprit de service et cet attrait pour les plus fragiles qui les guident, ces femmes, et qu’elles gardent, chevillé à l’âme.

Servantes quelconques

La vie religieuse est comme toute existence : elle se sait mortelle. Avoir atteint le terme du chemin n’est pas en soi un drame, plutôt l’occasion de se retourner et de contempler ce qui a été accompli. Sans ignorer les erreurs ou les fautes, mais pour rendre grâce de tout ce que, par les failles de nos humanités blessées, la Providence ne cesse de rendre possible. Se recueillir sur la tombe de celles qui ont consacré leurs vies à s’offrir à cette Providence n’est ni triste ni morbide. C’est au contraire joyeux et empli d’Espérance : ce qu’elles ont accompli, en des heures difficiles et sombres et parfois dans l’hostilité d’une hiérarchie ecclésiale qui ne leur a jamais fait de cadeaux, tout cela est pour nous un appel.

La chaleur de l’été, assez étouffante ces derniers jours, ne doit pas altérer la fraîcheur de l’eau vive que, par nous, l’Évangile veut déverser sur le monde. En deux siècles de présence et de service, des religieuses dont (pour la plupart) personne ne connaît plus les noms, ont irrigué les terres de ce Nord industriel et ouvrier dans les guerres comme dans les périodes de prospérité. Elles ont servi non comme des inutiles mais comme des quelconques. C’est ainsi que l’on entre "dans la joie de son maître".

L’Évangile pour règle

Prendre l’Évangile pour règle : l’ambition est immense car elle exprime alors le double refus de l’édulcorer au gré des modes et de le rendre esclave des idéologies du temps. Elle est à la hauteur des défis de notre temps. Puissent les prières des sœurs et frères d’hier nous aider à communier, comme eux, au Seigneur, en nous rendant présents aux soupirs des hommes de ce temps.

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