Envoyés pour la mission, comme prêtres ou fidèles, nous pourrions subrepticement oublier que nous ne sommes envoyés qu’"en avant de lui" (Lc 10, 1). À l’instar d’Isaïe et de Jean-Baptiste, il nous revient de "préparer les chemins du Seigneur" (Is 40, 3). C’est la raison pour laquelle, dans ce grand discours missionnaire de Jésus au chapitre 10 de saint Luc, Jésus ne donne que très peu de recommandations ou de conseils sur le contenu de la mission, sur la prédication des disciples. Une seule parole à partager : "Le règne de Dieu s’est approché de vous" (Lc 10, 9).
Comment partir en mission ?
En revanche, Jésus insiste sur la manière de partir en mission, pauvre et dépendant. Dépendant de Dieu, des autres et même des aléas de l’existence. Comme s’il convenait d’apprendre à manquer et à risquer pour apprendre à recevoir. Apprendre à recevoir de Dieu, mais aussi apprendre à recevoir de ceux-là mêmes vers lesquels nous sommes envoyés. Parce que la grâce n’est pas une prestation, parce que la charité chrétienne exige de savoir recevoir avant de donner et qu’il y a toujours dans nos liens humains quelque chose d’une réciprocité. Avant de parler à la Samaritaine, Jésus lui avait demandé à boire. Il a reçu d’elle quelque chose avant d’évoquer pour elle une autre source désaltérante pour toujours.
Dans l’insécurité, la joie
Une chose semble paradoxale dans les textes de ce dimanche. Dans l’invitation missionnaire de Jésus, tout semble fragilisant, risqué et sans certitude. Et pourtant, la liturgie a choisi de nous faire méditer des textes qui évoquent la paix, la joie et la consolation. Isaïe annonce la consolation et la paix : "Réjouissez avec Jérusalem […] voici que je dirige vers elle la paix comme un fleuve" (Is 66, 10 ; 12) ; "Je vous consolerai !" (Is 66, 13.) Saint Paul évoque la "paix et la miséricorde" (Ga 6, 16) pour ceux qui sont une création nouvelle dans le Christ.
Comment tenir ensemble cette insécurité apparente de la mission à laquelle le Seigneur envoie ses disciples et cette paix extraordinaire dont parle le prophète Isaïe ou l’apôtre Paul ? C’est peut-être le psalmiste qui aujourd’hui nous donne le secret de cette assurance qui n’est pas de ce monde. "Venez et voyez les hauts faits de Dieu […] Il changea la mer en terre ferme, ils passèrent le fleuve à pied sec. De là cette joie qu’il nous donne !" (Ps 65.)
Un chemin de paix
L’assurance que le Seigneur nous donne n’est pas une sécurité extérieure. Elle ne provient pas d’un programme connu à l’avance, de conditions bien évaluées, de relations prévisibles et attentionnées. L’assurance que le Seigneur nous donne naît de la foi en sa présence qui nous accompagne. Le mystère de la Providence. "Celui qui m’a envoyé est avec moi" (Jn 8, 29). La mission à laquelle nous sommes envoyés reste son œuvre. Saint Paul précisera que nous sommes ses "collaborateurs" (1 Co 3, 9). Il connaît nos inquiétudes et nos désirs et comme nous ne partons pas seuls, mais à deux et avec le Seigneur dans le cœur, il change en nous la mer en une terre solide, il ouvre un chemin de paix, de joie et de consolation que nous ne pouvions anticiper dans nos scénarios intérieurs.
Dans la mesure où nous ne portons pas sur nos épaules le poids du monde parce que le Christ seul est l’unique Sauveur, dans la mesure où nous ne partons pas en conquérants, mais en serviteurs et amis, joyeux de recevoir et de donner, alors "la paix de Dieu qui dépasse tout ce qui nous pouvons imaginer" (Ph 4, 7) peut éclore à l’intérieur de nous.
Puisse cet été, nous apprendre à relire les "hauts faits" du Seigneur dans notre vie, pour grandir dans la foi en sa présence et en son action en nous. Puisse le Seigneur envoyer des ouvriers à sa moisson : des disciples missionnaires, humbles et joyeux et aussi bien sûr des pasteurs fidèles et fervents.
Lectures du 14e dimanche du temps ordinaire :

